Grèce : "En moins de cinq ans, les ressources de la grande majorité de la population se sont réduites de moitié"

dimanche 4 janvier 2015.
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Entretien. Pour Constantin Tsoukalas, sociologue et professeur émérite à l’université d’Athènes, la 
résistance aux politiques d’austérité imposées au peuple grec relève d’un enjeu démocratique.

Quels effets les politiques d’austérité ont-elles produit sur la société grecque  ?

Constantin Tsoukalas : La Fédération internationale des droits de l’homme vient de rendre public un rapport qui met en évidence les atteintes aux droits humains et les reculs démocratique résultant de ces politiques. Même dans les beaux quartiers d’Athènes, les familles bourgeoises n’ont plus les moyens de se chauffer en hiver. Toutes les catégories sont touchées par cette dégringolade économique, sociale, morale. Ce n’est pas seulement une question grecque. La Grèce, en réalité, est un terrain d’expérimentation, pour tester jusqu’à quel point les richesses, le capital, peuvent être redistribués au profit des plus riches. Cette expérience se poursuivra ailleurs, la France elle-même n’est pas à l’abri. C’est une expérience globale, et surtout européenne, qui inaugure de nouvelles attaques néolibérales. Nous n’avons pas d’autre choix  : il faut résister  ! Et résister, c’est rétablir le politique envers et contre tout, instaurer un nouveau rapport de forces. Cela dépasse le seul enjeu politique intérieur grec.

Comment jugez-vous la campagne menée par la Commission européenne contre la gauche, contre Syriza  ?

Constantin Tsoukalas : Nous assistons à une attaque féroce, sans précédent, orchestrée par les bien-pensants européens et l’establishment international contre l’éventualité d’une victoire de la gauche. C’est caractéristique de la situation postdémocratique dans laquelle nous nous trouvons. La mondialisation a réduit à néant les marges de manœuvre des instances politiques et c’est le capitalisme global, organisé de façon très opaque, qui impose ses choix.

Comment expliquez-vous la montée en puissance de la gauche anti-austérité en Grèce ?

Constantin Tsoukalas : Nous traversons une crise humanitaire. En moins de cinq ans, les ressources de la grande majorité de la population se sont réduites de moitié. Les travailleurs, les retraités, les chômeurs, ceux qui n’ont pas d’armes pour résister ont payé l’addition de cette dévaluation intérieure. Mais il y a des limites objectives à ce que les gens peuvent supporter et accepter. Si la droite reste, l’émergence d’une nouvelle forme d’État autoritaire n’est pas à exclure. C’est pourquoi la résistance doit revêtir des formes démocratiques. Syriza, aujourd’hui, incarne cette résistance.

Entretien réalisé par R.M., L’Humanité


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