Non, 25 degrés à midi ce 28 octobre 2014 ce n’était pas normal

mardi 11 novembre 2014.
 

Pas à Dakar mais dans le Jura. A Maynal, dans le canton de Beaufort ! Depuis, l’automne m’a rattrapé à Paris et il y a des feuilles mortes jusque dans l’escalator de ma station de métro. Mais ce jour-là, heureusement, je n’avais pas encore perdu mes lunettes de soleil. Claude Buchot, viticulteur me recevait chez lui. Heureux hasard d’une correspondance de nos deux calendriers. C’est un pli du temps. J’ai dû croiser déjà cet homme à la fin des années soixante-dix quand je vivais et militais dans le Jura. On était au PS tous deux. J’étais à l’époque un productiviste banal sinon que j’étais un partageux ardent du Programme commun. Claude, de son côté, était déjà un paysan qui démarrait dans l’agriculture bio. Je suppose qu’à l’époque je devais ricaner. J’en suis certain. La plupart d’entre nous ne comprenions rien au problème qu’une poignée d’esprits essayait de faire vivre au milieu des moqueries. Claude ne se contentait pas de parler. Il agissait. Il avait pris à bras le corps les thèses auxquelles il croyait et il les mettait en application dans l’exploitation familiale, à ses risques et péril, à la sueur de son front, à la force des bras et de l’endurance à tenir tête à tout le monde. Aujourd’hui, son exploitation tourne bien, au grand dam des productivistes qui avaient annoncé mille fois sa chute. Aux dernières régionales, il a conduit une liste de décroissants. Claude n’a cessé de mettre en œuvre concrètement, sur ses terres, toutes les innovations que l’esprit décroissant suggère. J’ai passé l’âge du ricanement. Ou peut-être ai-je trop aimé boire du blanc sans avoir aussitôt mal au crâne ! Il est vrai que le blanc du Jura, avec son gout de pierre à feu est réservé à une élite de papilles. Mais quand il n’est pas élevé bio, comme les autres, c’est aussi un peu du jus de chimie. Mais il faisait chaud. Vraiment trop chaud. Claude me dit qu’il faut faire attention quand on pense qu’on n’a « jamais vu ça ». Car en réalité on a déjà beaucoup vu des sautes du climat ! Mais tout le monde oublie vite. Pourtant, il ajoute que maintenant, ça ne tourne pas rond.

En juillet, il est tombé 300 mm d’eau sur le Jura. C’est un record de précipitation pour ce mois-là selon Claude qui tient une statistique depuis trente ans. Quand je suis allé sur une parcelle qu’il travaille en vigne sur le coteau qui surplombe la Bresse, avec Beaufort à droite, il y avait dans notre dos la forêt de feuillus qui courrait sur la crête. Je n’y ai pas vu les parures d’automne. Pourtant, ce n’est pas discret l’automne dans les feuillus ! Mais peut-être que c’est trop tôt ? Il y a si longtemps que je rate l’automne dans la nature. Mais non, même les platanes devant ma fenêtre sont encore en feuilles. Qu’il fasse beau, sec et chaud et que le coteau soit vert de chez vert, tout ça juste la veille de Toussaint, non, ce n’est pas banal. Le chaud est remonté du sud. La preuve est là, elle a des petites ailes et vole en paquet comme dans votre cuisine quand vous avez acheté des fruits mous. La drosophile. Minuscule moucheron. Il en vole des nuages en ce moment même encore. Dans le jura, fin octobre.

Je voudrais rappeler que le record de France du froid en hiver c’est toujours à Mouthe, là-haut sur le troisième plateau. Dans une vallée grande comme rien du tout : moins quarante, les amis ! La drosophile n’est pas encore dans ce coin là. Mais elle est bien là, en bas, au bout de la plaine et sur le premier plateau. Elle y est et elle n’y était pas avant ! Et son passage n’est pas anodin. Elle perce la peau du raisin et pond ses œufs dans le grain. Comme la peau est percée, le jus est au contact de l’air. Alors dans la vigne déjà on sent le vinaigre. Car le vin, c’est juste du vinaigre contrarié, du vinaigre qui ne s’est pas fait mais qui se fera de toute façon un jour ou l’autre au contact de l’air. En attendant, si le grain part avec ses drosophiles à la cuve, patatras, tout le contenu tourne au vinaigre séance tenante. Voila le changement climatique à cette étape. Personne n’a envie de sourire. J’ai lu que les oliveraies dans la Drôme sont frappées de même par la mouche. Et la récolte a lieu trois semaines plus tôt que d’habitude. Les « très intelligents » qui continuent leur modèle productiviste sans blêmir n’ont jamais dû entendre parler de tout ça. Ca ne les intéresse pas. Parce que la « mondialisation-la compétitivité-gnangnagna », ne sait pas que les feuillus étaient d’or à l’automne fin octobre, avant que leur insondable cupidité ait tout gâché.


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