La gauche doit participer par la base à l’invention de la VIe République

vendredi 21 novembre 2014.
 

Par Pascale Fautrier

Nous, l’immense majorité des salariés (23 millions sur les 26 millions d’actifs), sommes sociologiquement majoritaires et nous ne parvenons pas à le devenir électoralement parce que nous avons renoncé à l’objectif premier du mouvement ouvrier, qui était celui de Jaurès en 1905 : le dépassement du capitalisme par la démocratie sociale. La gauche dont nous avons besoin doit renouer avec cette perspective, sans quoi l’égalité de droits citoyenne arrachée par la Révolution française ne deviendra jamais une égalité de fait.

On nous dit : « On ne peut redistribuer que la richesse produite, donc produisons, donc rendons les entreprises ‘compétitives ‘, donc rognons les droits des salariés ». Renversons ce mantra du TINA : la vérité est que si la redistribution ne relève pas de la volonté politique, c’est-à-dire de la volonté populaire, elle n’arrivera jamais, pour la bonne raison que les spéculateurs financiers n’ont pas intérêt à encourager la production, et encore moins la production solidaire. C’est particulièrement évident dans un pays de rentiers comme la France. La gauche dont nous avons besoin doit se réveiller de l’hypnose idéologique orchestrée par les actionnaires (30 % d’augmentation des dividendes en un an) et leurs très puissants relais médiatiques : elle doit refuser la société de castes qui se met en place partout dans le monde depuis la fin des années 80.

En France, ce néo-capitalisme s’appuie, et c’est un comble, sur l’état républicain pour conférer le pouvoir politique à une aristocratie de technocrates (l’énarchie, et particulièrement l’inspection des finances dont est issu le nouveau ministre de l’économie) allant et venant de la direction des entreprises du CAC 40 au gouvernement du pays. D’urgence, la gauche dont nous avons besoin doit tirer les leçons de ce détournement de la souveraineté populaire. Les salariés ne se sentent plus représentés dans ce cadre des institutions de la Vème République investies par l’énarchie. Et les plus modestes d’entre eux (précarisés, chômeurs potentiels futurs ou ex-) désertent les partis politiques, y compris ceux du Front de Gauche.

La gauche dont nous avons besoin doit appeler à une nouvelle Constituante pour refonder la démocratie, et se refonder elle-même en inventant une nouvelle façon de faire de la politique.

Je tire ma légitimité à répondre à votre question parce que j’ai écrit un livre dont on a pu dire qu’il « encourageait à reconstituer le parti des Rouges ». Le pôle de radicalité uni dont nous avons besoin à la gauche du Parti socialiste existe : c’est le Front de Gauche. Il fonctionne mal parce que c’est un cartel de partis. Je propose (avec bien d’autres) de l’ouvrir aux adhésions directes (individuelles et associatives) et de le rebaptiser La Gauche. Anciennes et nouvelles formes de militantisme ne doivent pas s’exclure mais s’ajouter, comme autant de petites rivières au grand fleuve des Rouges.

« La Gauche » doit d’urgence convoquer ses Assises, comme l’a demandé Clémentine Autain, et participer par la base à l’invention de la VIème République : le type de militantisme horizontal et virtuel que propose Jean-Luc Mélenchon va dans le bon sens. Nous devons rompre à la fois avec l’électoralisme social-démocrate et avec la « forme bolchevique » du parti (Roger Martelli). Nous devons associer à l’élaboration de notre politique les acteurs du mouvement social, les syndicats, les ouvriers en lutte, comme le répète Pierre Laurent. Et les acteurs des mouvements écologistes de terrain. La Gauche dont nous avons besoin, c’est nous : nous les démocrates radicaux, sociaux, écologistes, tels qu’ils existent partout en France.

(*) Les Rouges, éditions Seuil, 2014.


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