Les dessous de l’OPA de Le Pen sur les marqueurs de la gauche

mardi 18 novembre 2014.
 

Dans un effet miroir adapté du vocable «  UMPS  » développé par le Front national, une partie du personnel politique et des médias, plutôt à droite, reprend à l’envi une prétendue proximité programmatique, voire idéologique, entre Marine Le Pen et le Front de gauche. Cherchez l’erreur…

L’opération de normalisation du Front national, entamée dans les années 2000 et qui s’est accélérée depuis l’accession de Marine Le Pen à la présidence du parti fin 2011, se poursuit dans la presse. Comme la promotion du soi-disant « virage social » de l’ultralibéral FN de Jean-Marie Le Pen dans les années 1980 à la campagne en direction des «  oubliés  ». Mais l’entreprise de brouillage idéologique n’est pas terminée  : avec le concours des médias et d’une partie du personnel politique (lire encadré), le programme du Front national et les propositions de Marine Le Pen sont comparés depuis la campagne présidentielle à celui du Front de gauche et de Jean-Luc Mélenchon.

Hier, le Figaro a souligné les «  points communs  » entre Marine Le Pen et son ancien adversaire dans la course à l’Élysée, ouvrant largement ses colonnes aux «  constats  » sur la situation de crise de la France que la présidente du FN elle-même ne juge «  pas très éloignés  » de ceux du fondateur du Parti de gauche. Marine Le Pen l’avait déjà dit sur RTL le 19 mai 2014  : «  Parfois Mélenchon peut avoir raison dans le constat, pas dans les solutions.  » Elle a récidivé dans le Journal du dimanche, ce week-end. Tout d’abord, elle propose de «  rompre avec l’extrémisme ultralibéral  », un «  choix idéologique au même titre que l’était le communisme  ».

Une logique totalement inversée

Mais si elle semble balayer une idéologie contre laquelle s’est en partie construit le mouvement qu’elle dirige (1), c’est pour mieux intégrer non seulement les nouveaux adhérents frontistes, qui ne viennent plus à elle par anticommunisme  ; mais aussi pour draguer les déçus d’une gauche qui a perdu ses repères. Pour attirer une nouvelle clientèle électorale, l’héritière de la PME familiale leur propose de nouveaux repères, reprenant un discours de gauche aux tonalités familières, mais dont la logique est totalement inversée. Car, selon elle, «  l’extrême gauche  » fait «  souvent le bon constat mais elle ne va pas au bout de la logique  ». Nous y voilà  : l’héritière du FN a beau piller point par point le programme de Jean-Luc Mélenchon, les solutions qu’elle avance sont à l’exact opposé des logiques de solidarité développées par le Front de gauche.

Le Front national s’est lancé dans une campagne de «  défense du service public  » qui se situerait «  peu ou prou sur la même ligne que la CGT ou Force ouvrière  », estime le Figaro, qui prend en exemple la grève de la SNCF, cet été. Et le quotidien de Dassault d’expliquer son silence sur ce mouvement par une prétendue «  gauchisation  ». Oubliant qu’en juin le parti d’extrême droite dénonçait «  la responsabilité des syndicats dans la situation périlleuse  » de l’entreprise, dans… le Figaro  ! Et ce n’est pas le seul point de divergence avec les syndicats et les partis de gauche  : en estimant qu’il y a «  trop de fonctionnaires territoriaux  », qu’il faut «  rationaliser leur fonctionnement  », la patronne du FN est en désaccord profond avec le Front de gauche, ce dernier militant pour «  retirer les services publics de leur soumission aux intérêts du privé  », comme l’affirmaient les anciens cadres de la FSU, Gérard Aschieri, et de la CGT, Didier Le Reste, dans Liberté Hebdo, en avril 2012.

Le parti d’extrême droite semble également avoir fait volte-face sur la question des retraites. Marine Le Pen demande désormais le départ à 60 ans avec «  40 annuités de cotisation  », quand son père prônait, en 2007, le départ à 65 ans. Mais, à y regarder de plus près, ses solutions sont loin de s’appuyer sur la solidarité nationale. Tout d’abord, en proposant que «  tous les salaires jusqu’à 1 500 euros bénéficient d’une augmentation de 200 euros net  », sans préciser qu’il s’agit d’une exonération de cotisations sociales qui forcément grèvera les pensions futures, elle ne fait qu’étaler la misère. Une de «  ces réformes qui plaisent à la gauche  », s’extasie le Figaro. Quant à la «  seule voie pour garantir la pérennité de notre système de retraites par répartition  », elle passe par les recettes éprouvées par le FN  : combattre le «  coût gigantesque de l’immigration, de la fraude sociale et fiscale, du budget de l’Union européenne, de la décentralisation et du renflouement de l’euro  »… Marine Le Pen avait bien précisé, ce week-end, dans le JDD qu’avec son père, elle restait «  d’accord sur l’essentiel  ».

L’amalgame était bien prémédité. L’attaque venait de loin. 
Il y a eu Plantu, qui en une du Monde, en janvier 2011, faisait littéralement tenir 
le même discours à Marine Le Pen et à Jean-Luc Mélenchon. Jean-François Copé, alors patron de l’UMP, qui, en mai 2012, notait des «  points communs  » entre FN 
et Front de gauche. José Bové, en mai dernier, taxait les deux de «  populistes  », et – déjà – le Figaro, qui, 
au même moment, titrait «  Ce qui les rapproche  ».


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