La gauche est démocrate, c’est-à-dire subversive

vendredi 7 novembre 2014.
 

L’hebdomadaire Politis, dans le numéro de cette semaine, a posé la question : C’est quoi, être de gauche ? Geneviève Azam, Alain Badiou, Philippe Corcuff, Pierre Dardot, Annie Ernaux, Roland Gori, Robert Guédiguian et moi-même nous sommes prêtés au jeu, avec pour consigne de ne pas dépasser les 1.500 signes. Je reproduis, ci-dessous, mon texte qui traite des rapports entre la gauche et la démocratie.

J’essaye de montrer que la gauche, dans son combat historique pour l’émancipation sociale, économique et culturelle des femmes et des hommes, n’a jamais vraiment pris au sérieux la question de la vraie démocratie. La vraie démocratie n’est pas une arme consensuelle ou « réformiste » au service du combat de la gauche. Au contraire, elle constitue une démarche subversive à (re)découvrir.

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Au 18e siècle, la gauche est née de la maturation du combat contre la monarchie absolue de droit divin. Depuis, la gauche n’est ni assimilable aux personnes ou aux partis qui s’en réclament, ni même réductible à un système de valeurs précis : c’est la promesse d’une humanité réconciliée, mais toujours inachevée.

La gauche pose les principes d’égalité, de solidarité et de liberté individuelle, comme autant de balises dans la haute mer de l’arbitraire, des égoïsmes et des préjugés. Mais la gauche sincère est celle qui défend jusqu’au bout la vraie démocratie ; non pas la démocratie censitaire des conservateurs ou de marché chère aux néolibéraux ; ni même son succédané réformiste au coeur du parlementarisme représentatif. La gauche est démocrate, c’est-à-dire pluraliste, autrement dit subversive ; on la trouve aux côtés de ceux qui tentent de se libérer de leurs chaînes : les victimes de l’exploitation économique (capitalisme), du préjugé ethnique (racisme) ou de la domination liée au genre (patriarcat).

Pour subvertir l’ordre établi, la gauche sincèrement démocrate ne peut qu’être anti-autoritaire et populaire. Elle doit d’autant plus l’être dans un monde post-traditionnel, réflexif, dans lequel les frontières temporelles et géographiques ont rétréci.

La gauche française - qui reste majoritairement jacobine (étatiste et centralisatrice) et bonapartiste (déférence à l’égard des chefs) - est, hélas, assez mal équipée pour entreprendre cette révolution démocratique. Oublions la fausse gauche qui s’est rangée aux côtés des exploiteurs du peuple. La gauche sincère doit parier sur « l’esprit populaire créateur » (Gramsci), faciliter son expression, puis s’effacer derrière le peuple. En confiance et déterminée, la masse des dominés est capable du meilleur.


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