"Il faut rendre l’Europe aux peuples"

jeudi 1er mars 2007.
 

Entretien réalisé par Cathy Ceïbe avec le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon, à l’initiative d’un colloque européen qui s’est tenu le 23 et 24 février au Sénat. Il confirme la nécessité d’une nouvelle constitution.

Ce colloque européen veut-il contrer la réunion de Madrid, qui prétend relancer le traité constitutionnel européen ?

Jean-Luc Mélenchon : Sur le plan de l’inspiration, c’est le contraire. Nous en sommes à la constitution d’un réseau européen de militants de différents partis : il y a des sociaux-démocrates, des communistes allemands ou italiens, des Portugais... Dix pays forment ce réseau. Il prend appui sur la signification politique du rejet par les Français et les Hollandais du modèle actuel de construction européenne pour essayer de régler, par la démocratie, la crise de l’Europe. C’est-à-dire constituer le projet européen à partir d’un mandat constituant qui serait donné à l’Assemblée européenne ou à un groupe d’États qui décideraient de mettre la démocratie aux postes de commandes et non pas le capital et le marché.

Une autre constitution est-elle envisageable, voire nécessaire ?

Jean-Luc Mélenchon : Il y a besoin d’une nouvelle constitution parce qu’il y a un fait constitutionnel : les pouvoirs européens sont organisés ; les politiques mises en oeuvre par ces pouvoirs sont réelles. Par conséquent, dire que l’on veut une autre Europe et une autre constitution, c’est une seule et même chose. Nous avons besoin de rendre l’Europe aux peuples. Car nous assistons à une construction politique dont la caractéristique fondamentale est d’expulser le peuple des décisions qui le concernent. Or 80 % du contenu législatif vient de l’Europe. C’est une dépossession. Les peuples se sentent agressés par l’Europe, frustrés de ne pouvoir donner leur avis. Des grandes nations démocratiques ont sacrifié la démocratie. De ce fait, le - capital peut alors sacrifier l’État social.

Selon vous, la création d’une assemblée constituante est-elle la réponse adéquate ?

Jean-Luc Mélenchon : Nous n’avons pas le choix. Nous avons d’ores et déjà délégué une partie de notre souveraineté nationale. Soit nous la récupérons, et donc nous nous retirons de l’Union européenne, soit nous décidons que la constitution d’un ensemble régional a un sens. Dans ce cas, nous devons exiger la démocratie. Dans la tradition et l’histoire révolutionnaire des Français, et des peuples d’Europe, la démocratie a été la question centrale, permettant de passer de l’ancien monde obscurantiste à l’ère moderne. Nos contemporains vivent une régression terrible : l’Europe est agressive, elle démantèle les États et explose la capacité de « faire société », au sens de - décider ensemble. Il n’y a pas d’autres perspectives que celle de construire un ensemble démocratique ou alors - et je pèse mes mots - l’Europe n’a aucune espèce d’avenir. Nous en voyons déjà les prémices à travers l’accélération des tensions entre les nations de l’Europe.

D’où l’interpellation des candidats de gauche à la présidentielle ?

Jean-Luc Mélenchon : Nous avions besoin de faire un état des lieux. La gauche française a terriblement - besoin de se retrouver sur une dimension d’action européenne commune. Les représentants des candidats qui se sont exprimés, exceptés les Verts qui n’étaient pas présents, ont clairement dit que le peuple français doit être consulté en cas de nouvelle option européenne. C’est un point qui sépare la gauche et la droite. Celle-ci a décidé qu’elle se passerait du peuple français puisque Nicolas Sarkozy est pour un « petit traité » ratifié par le Parlement.

Reste en suspens un désaccord : le caractère libéral de cette constitution...

Jean-Luc Mélenchon : Tout à fait. Mais on ne va pas répéter sans cesse ce désaccord. La droite, quel que soit le pays, est unie sur le projet européen. Nous, la gauche, nous risquons de nous diviser de manière indépassable. Nous pouvons dépasser nos anciens antagonismes sur une base : la volonté populaire. C’est un bon signe que tous les candidats, dont la candidate socialiste, prennent acte du décès du précédent texte constitutionnel et opte pour une nouvelle consultation populaire référendaire dans l’hypothèse d’un prochain projet. La gauche a des divergences mais nous sommes d’accord pour qu’il y ait - intervention publique.


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