A propos du tract sur le libre-échange d’Avenir d’ATTAC ( communiqué du bureau d’ATTAC France)

vendredi 2 mars 2007.
 

La publication et la diffusion très large par le réseau « Avenir d’Attac » d’un tract sur le libre-échange appellent deux types de remarques critiques : sur le fond et sur la méthode.

1. Sur le fond : ce tract est contraire à beaucoup d’analyses d’Attac

Même si le débat déjà entamé sur le libre-échange doit se poursuivre (voir notamment la Lettre du conseil scientifique), le Manifeste altermondialiste, qui a été rédigé par des personnes et groupes locaux de sensibilités différentes et adopté par le Conseil d’administration, constitue pour nous un repère concernant les orientations d’Attac et un garant de la diversité de l’association.

a) Or ce tract ne respecte pas la démarche et le contenu du Manifeste

Le Manifeste fait de « la libre circulation des capitaux et du libre-échange intégral les deux facettes indissociables de la marchandisation qui affecte progressivement toutes les activités humaines » (p. 16).

Le tract d’« Avenir d’Attac » fait de la libre circulation des capitaux un des aspects du libre-échange. Cette thèse est non seulement contraire au Manifeste, mais, en plus, elle est fausse. Ainsi, avons-nous toujours insisté sur le fait que c’est la libéralisation du mouvement des capitaux qui, depuis les années 1970, surdétermine tout le reste et notamment l’accélération de la baisse des entraves tarifaires et non tarifaires au commerce qui mène au libre-échange des biens et les services. Ce n’est pas le libre-échange qui « favorise les logiques purement spéculatives de l’économie financière ». C’est encore une fois le manège des capitaux sur toutes les places financières et les exigences démesurées de rentabilité qui font que « tout se tient : la production se fera là où le travail est le moins cher, là où le droit du travail est le moins appliqué, là où les normes environnementales et fiscales sont les plus laxistes, et là où l’ordre règne. » (p. 16 du Manifeste).

La conséquence pour l’action politique est que la lutte contre le libre-échange s’inscrit à l’intérieur de la lutte contre l’ensemble des politiques néo-libérales. C’est notamment le sens que nous donnons aux taxes globales. D’ailleurs, à la naissance d’Attac, la taxe Tobin portait bien sur les transactions de change nécessaires aux transactions proprement financières.

b) Ce tract travestit les analyses générales d’Attac

Les effets négatifs du néo-libéralisme ne se réduisent pas à ceux du libre-échange et les effets négatifs qui sont imputés au libre-échange par le tract sont en fait les effets négatifs du néo-libéralisme dans son ensemble :

- C’est parce qu’il y a libre circulation des capitaux que les multinationales peuvent aller produire à bas coûts dans les pays du Sud et réexporter ensuite les marchandises.

- Ce sont bien les investissements directs à l’étranger des firmes agro-alimentaires qui imposent de sacrifier les meilleures terres du Sud aux cultures d’exportation. - Le libre-échange n’« interdit » pas « tout développement » comme le dit le tract. Le capitalisme mondialisé, à travers ses politiques néolibérales, promeut un développement inégal dans le monde, c’est-à-dire un mal-développement, socialement désastreux et écologiquement dévastateur. Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi des pays très pauvres il y a vingt ans ont connu un démarrage fulgurant comme la Chine et l’Inde qui ont ouvert leur territoire aux investisseurs étrangers, via les multinationales.

- Jamais Attac n’a imputé le chômage aux délocalisations ; celui-ci est dû essentiellement en Europe à la forme qu’a prise l’affectation des richesses (aux actionnaires et non à l’investissement et l’emploi). Les délocalisations en sont une des manifestations, elles aggravent le mal, certes, mais n’en sont pas la cause principale. En revanche, les délocalisations, ou la simple menace de celles-ci, exercent une pression pour que les salaires et les droits sociaux soient réduits, et elles fracturent davantage le salariat au sein duquel les travailleurs non qualifiés sont les plus touchés.

c) Ce tract remet en cause certaines propositions d’Attac

- Le remède unique et miraculeux proposé dans ce tract, ce sont les droits de douane ; cela n’a jamais été un choix d’Attac.

- Jamais la notion de « protectionnisme universaliste » ni celle de «  protectionnisme altruiste » n’ont été adoptées par Attac, et, de plus, elles sont largement contestées dans l’association car l’universalisme et l’altruisme ne peuvent pas être décrétés unilatéralement par les pays du Nord.

- Les protections douanières qui sont indispensables pour certains pays et certaines productions, par exemple pour garantir la souveraineté alimentaire et protéger des productions locales, doivent s’insérer dans une dynamique de construction de droits sociaux et humains dans tous les pays. C’était le sens des normes sociales et environnementales proposées par Attac dès 2000, et non pas des « clauses sociales », formes déguisées des droits de douane que les sociaux-libéraux proposaient naguère au sein de l’OMC. C’est aussi le sens de la proposition de créer partout en Europe un salaire minimum en % du PIB (mesures 55 dans le livre Manifeste et 84 dans le 4 pages), et à terme il faudra l’envisager dans le monde entier.

- Dans le Manifeste, il est bien précisé que le nouvel ordre mondial doit être fondé sur des accords de coopération. Ceux-ci surplombent toute protection particulière. Il est dit dès la mesure 3 que le libre-échange doit être « remplacé par une ouverture extérieure sélective et négociée ».

Cela dénote d’un autre esprit que la promotion du protectionnisme, fût-il unilatéralement appelé « universaliste ».

2. Sur la méthode : elle bafoue toutes les règles démocratiques

Le réseau auto-proclamé « Avenir d’Attac » - comme si notre association dans sa totalité incarnait « Attac sans avenir » ! - a franchi encore une fois une étape supplémentaire dans le viol des règles communes :

- utilisation frauduleuse du sigle, du logo, du fichier des adhérents ;

- nomination de porte-parole ;

- appels en sous-main à ne pas réadhérer à Attac ou à retarder les adhésions ;

- création d’une association concurrente avec appel parallèle à cotisations ;

- mise en circulation d’allégations mensongères (par exemple en affirmant que la direction actuelle d’Attac a mis elle aussi en place un réseau parallèle) et mise en œuvre par ce tract d’une action non soumise aux instances statutaires.

Toute structure statutaire d’Attac (CL, commissions, CS, etc., sans parler du CA bien sûr) et tout adhérent sont habilités à faire des propositions d’analyses, de tracts et d’actions. Mais, de façon générale, l’utilisation du nom et du logo d’Attac est régie par la Charte des comités locaux qui indique :

« Il est rappelé que seule l’association Attac est propriétaire du logo et du nom Attac. En conséquence de quoi elle est la seule à pouvoir attribuer ou retirer ce label national à un comité local.

Il est convenu que seule l’association Attac peut se prévaloir de signer un texte ou de se faire valoir du seul nom d’Attac. Au plan local, toute signature d’un comité local ou d’un groupe local doit être accompagnée du nom complet de celui-ci, mettant bien en évidence la nature locale de l’engagement. »

Ainsi, un comité local peut parfaitement sortir un tract en son nom propre, mais ne peut évidemment s’exprimer au nom de toute notre association. L’organisation « Avenir d’Attac » ne peut en aucun cas être considérée comme un comité local puisqu’elle sélectionne ses adhérents sur une base idéologique et se comporte comme une organisation indépendante d’Attac.

Un tract portant le logo d’Attac doit donc être validé par les instances élues de notre association, comme le savent parfaitement les responsables d’« Avenir d’Attac » qui ont été par le passé à la direction de notre association. Il s’agit donc de leur part d’une volonté de jeter le trouble dans Attac et d’entretenir un climat interne conflictuel, et ce alors même que les adhérents et les comités locaux sont engagés dans la relance de l’association.

Le Bureau d’Attac condamne donc avec la plus grande fermeté les agissements du réseau « Avenir d’Attac » qui perdurent, en dépit de l’appel à la raison lancé lors du CA du 17 février 2007.

En conséquence, le Bureau d’Attac demande expressément aux responsables de ce réseau :

- de retirer de leur site internet tout document (tract ou analyse) arborant le nom et le logo d’Attac ;

- de manière générale, conformément à la décision du CA d’Attac des 4 et 5 novembre 2006, de cesser immédiatement d’usurper le nom d’Attac sur leur site internet ou dans tout autre moyen de communication.

Comme le fond et forme sont liés, le Bureau invite tous les adhérents à se saisir des éléments d’un débat essentiel, à puiser dans les publications d’Attac, dont le Manifeste, ceux qui constituent notre acquis collectif et à faire progresser ceux qui restent encore ouverts, lesquels sont, heureusement, encore nombreux.

> Bureau d’Attac France, 27 février 2007


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