Langue française : l’héritage arabe

jeudi 23 octobre 2014.
 

Le «  pur français  » n’existe pas et n’a jamais existé. Ou plutôt, depuis l’origine, le «  pur français  » est une langue métissée. Et notre langue (tout comme notre cuisine et notre culture) n’a cessé de s’enrichir d’apports étrangers (1). Parmi ceux-ci, l’apport arabe (moins important que l’italien ou l’anglais) n’est pas pour autant négligeable (environ 5 % du lexique français d’origine étrangère… ce qui est plus que celui dû à l’allemand ou aux langues slaves).

C’est que l’histoire de nos rapports avec le monde arabe est ancienne.

Au Moyen Âge, du Xe au XVe siècle, c’est par le biais des Arabes que nous est parvenue une partie de l’héritage grec (par exemple Aristote ou Euclide), et que nous avons pu être en contact avec la science vivante. La bibliothèque de Cordoue a compté jusqu’à 600 000 volumes et les Arabes furent de grands traducteurs. C’est par leur «  truchement  » (mot d’origine arabe) que nous avons hérité des chiffres indiens (que nous appelons d’ailleurs «  chiffres arabes  »).

Les croisés sont aussi revenus d’Orient avec un butin culturel. L’histoire de nos troubadours en témoigne. Certains de ces mots arabes d’adoption ancienne ont donné en français plusieurs termes, comme l’alchimie et la chimie, le chiffre et le zéro (qui viennent tous deux de l’arabe sifr, passé par l’italien), l’alcool et le khôl (de ce mot arabe qui désigne la poudre d’antimoine). Ou encore le sirop et le sorbet, qui viennent tous deux de l’arabe charab, jus (mot qui sert toujours au Maghreb pour désigner le vin, alors qu’au Proche-Orient et en arabe littéraire, on dit nabid).

Même histoire pour al makhâzin, qui a donné magasin (via le provençal) puis magazine (par emprunt à l’anglais au XVIIIe siècle).

Car les mots voyagent. Certains qui nous sont arrivés de l’arabe venaient de plus loin, par exemple du persan (azur), du sanscrit (orange) ou de l’hindi (riz)… La plupart de ces mots d’adoption ancienne se sont parfaitement acclimatés et sonnent tout à fait «  français  », par exemple la jupe (qui vient de l’arabe djouba, vêtement qui a raccourci en s’acclimatant chez nous), la mousseline, le satin ou le coton, mais aussi l’alcôve, l’almanach, l’alezan, l’abricot ou l’artichaut… Même si un œil averti peut parfois y deviner la trace de l’article arabe al (ou az).

Ceux qui datent de la période de la colonisation et de la guerre d’Algérie ont plutôt gardé une allure d’immigrés, comme toubib, flouze (ou flouss), bled, clebs, smala, etc. Avec souvent une tonalité familière, voire argotique. Mais ils ont été adoptés. Comme le couscous, qui est entré dans la cuisine française.

Francis Combes et Patricia Latour


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message