Les dissidents socialistes rassemblent séparement

jeudi 16 octobre 2014.
 

J’approuve la tournée de Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF, chez les dissidents socialistes. J’étais allé au déjeuner qu’il avait organisé à la Fête de l’humanité avec les dissidents socialistes et les nouveaux opposants EELV. Mais je n’avais pas caché mon scepticisme sur ce qui pouvait sortir d’une rencontre de cette nature. D’autant que quelques jours auparavant la rencontre officielle du Front de Gauche au complet avec la direction des Verts avait été spécialement décevante. Emmanuelle Cosse avait déclaré sans ambiguïté qu’elle n’envisageait pas de travailler à un « nouveau projet de gauche » sans le PS officiel et qu’elle n’était pas favorable à l’idée d’une « majorité alternative de gauche ». Cependant je m’y suis attablé parce que je ne voulais pas que mon absence puisse être interprétée comme un désaveu de ce que Pierre Laurent tentait. Il en va de même aujourd’hui. Mon sujet n’est pas que je sois hostile à une majorité « rouge-rose-vert ». Comment le pourrais-je ? Cette formule est née dans « la gauche socialiste » que je codirigeais il y a vingt ans. La formule est de Julien Dray qui l’utilisa pour la première fois dans un de ses livres. Elle servit ensuite au titre d’une de nos motions de congrès il y a quinze ou vingt ans, je ne me souviens plus. Puis elle me revint aux lèvres toute l’année passée quand je militais d’un média à l’autre pour une majorité de gauche alternative à l’Assemblée nationale. J’avais même dit que j’étais prêt à être le Premier ministre de cette « nouvelle majorité de gauche » pour faire buzzer l’idée et la rendre plus visible. Nombreux furent ceux qui me reprochèrent ma naïveté. D’autres s’y opposaient aussi parce que cela supposait de renverser le gouvernement en place et de vouloir déstabiliser le PS au moment où ils pensaient qu’on pouvait encore s’entendre avec lui avant les municipales. Peu importe. Qu’est-il sorti de tout cela ? Rien du tout. Les actuels dissidents n’ont pas été les derniers à l’époque à prendre leur distance avec ma proposition. La tentative de sortie par le haut a été explorée. Elle s’est brisée. De l’intérieur du PS, des voix amies me reprochaient mon impatience : on verrait ce qu’on verrait après les municipales, puis après les européennes. On a vu, en effet. Après Ayrault c’est Valls et la bergerie est restée close sur elle-même. On me dira que de l’eau a passé sous les ponts.

Depuis, la dissidence a progressé et sans doute avec elle la prise de conscience du caractère néfaste des gouvernements solfériniens. Pour ma part, je ne crois pas que ce soit le cas. Benoît Hamon a encore précisé ce week-end qu’il ne se situait pas dans l’opposition de gauche au gouvernement. Montebourg a fait de même. Je ne sais pas ce que dit Maurel sur le sujet. Et puis il y a ce que l’on voit. Trois réunions pour « rassembler la gauche » menées par des gens finalement incapables de se rassembler eux-mêmes quoique membres du même parti ! Encore ai-je oublié le quatrième qui tenait sa « réunion » la semaine passée sur un mode très significatif : les invités étaient priés de se taire pour écouter « la société civile ». Invitée par le grand seigneur du jour, celle-ci était invitée à faire connaître ses préoccupations aux silencieux. Vous m’imaginez dans la comédie où je ferai semblant de découvrir les « Fralibs » chez qui j’ai commencé ma campagne présidentielle le lendemain même de mon investiture comme candidat commun du Front de gauche ? Et cela sous la houlette d’un député dont le chef de file ministre n’a pas tenu parole sur le droit de préemption des travailleurs sur leur entreprise et qui a voté le renvoi en commission de la loi sur l’amnistie sociale !

Naturellement, je comprends « le coup de com » et je n’en veux pas à ce député dissident de l’avoir tenté pour améliorer son image sans frais. Je ne lui reproche pas son passé pour lui interdire un futur avec nous. Mais la méthode elle-même montre que l’arrogance et la morgue sont tellement ancrées dans les comportements du PS que même ses dissidents n’arrivent pas à s’en départir. Au demeurant, on me dira que je n’ai pas à me plaindre d’avoir dû me taire en réunion puisque je n’étais pas invité. En effet. Car l’autre caractéristique commune de ces « rassembleurs » de la gauche est le cordon sanitaire qu’ils ont établis autour de moi. Je n’en suis pas dupe. Il s’agit pour eux de donner à leurs chefs suprêmes la garantie des limites de ce qu’ils entreprennent. Il est frappant que le même député qui ne m’a pas invité à écouter en silence mes propres amis se soit senti obligé de préciser qu’il plaçait sa réunion sous le signe du refus du renoncement et… du sectarisme.

J’approuve Pierre Laurent de s’astreindre à cette tournée usante. Usante : trois villes dans trois départements différents en deux jours pendant que je musarde au calme en montagne avec les camarades… Je l’approuve parce qu’il ne faut négliger aucune possibilité de mettre au pied du mur les membres du PS et ceux qui se disent en désaccord avec la ligne de l’austérité. Je ne le ferai certainement pas moi-même. Ce serait une mauvaise chose. Nos amis s’en désespéreraient me croyant prêt à je ne sais quel arrangement. Cela donnerait une caution qu’il n’est pas question pour moi de donner si peu que ce soit compte tenu de ceux que je représente depuis l’élection présidentielle. Et surtout ce serait en vain. Aucun de ces groupes de dissidents déjà si divisés entre eux ne fera rien. Cela bientôt se verra encore plus clairement que pour le vote de confiance où ceux-là s’abstinrent pour « être plus nombreux ». Ils perdirent pourtant la moitié de leur troupe dans l’opération. Je ne veux pas qu’il soit dit que l’échec des tentatives faites en leur direction serait de mon fait comme cela se dirait si je me mêlais d’aller bavarder avec eux. A l’inverse tout le monde sait que Pierre Laurent mouille la chemise loyalement dans leur direction. Mais aussi surtout pour notre camp. Car le moment venu, dans son esprit, il s’agit bien de rabattre vers la ligne d’opposition de gauche du Front de Gauche ce qui pourrait venir de là et peu importe sous quelle forme et appellation. Et non l’inverse, j’en atteste.

Pour être franc je ne demande qu’à être agréablement surpris. Je ne demande qu’à croire que les dissidents socialistes font de la politique en grand et non pas seulement des intrigues internes à leur parti pour lesquelles nous servirions d’appoint symbolique. Mais je sais ce que je sais. Leur horizon c’est leur congrès et ses comptages. C’est la répartition des candidatures aux élections cantonales, puis aux régionales. Et, ensuite, ce sera la « grande bataille » pour avoir des primaires au cours desquelles il y aura Hamon, Montebourg et Lienemann en compétition avec je ne sais qui mais aussi entre eux. Et ainsi de suite. Un petit bout de pain pour finir le fromage, un petit bout de fromage pour finir le pain. Il est donc nécessaire de porter la bonne parole chez les dissidents et de les aider à murir. Il est surtout indispensable de faire équipe loyalement avec tous ceux qui rompent les rangs de l’allégeance à la rue de Solferino. Ceux-là évidemment sont des compagnons de combat. Les autres n’ont pas donné de preuves de leur existence, en particulier sur la liste de signataires pour la Sixième République idée que parait-il tous approuvent. Mais on peut compter sur eux pour organiser de bonnes diversions sur ce thème aussi.


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