Si elle est tarifée, la relation sexuelle concernée n’est donc pas désirée

mardi 7 octobre 2014.
 

Connaissez-vous Rosen Hicher ?

Et maintenant, pendant quelques lignes, je vais mettre la part de lumière qui vient sur ce blog au service d’une cause toujours reléguée. Et je le fais parce que le courage d’une personne en lutte me conduit à ses côtés. Il s’agit de Rosen Hicher. Elle se décrit elle-même comme une « survivante du système prostitutionnel ». Elle s’est arrachée il y a six ans à l’univers sordide de l’exploitation sexuelle après 22 ans de ce qui n’aura été qu’une souffrance. Pourrait-il en être autrement ? Elle a entamé, il y a quelques jours, une Marche pour l’abolition. Cette marche commencée à Saintes s’achèvera vers la mi-octobre à Paris. Vous savez que j’ai pris position aux côté des abolitionnistes de la prostitution. Je sais que ce point de vue fait débat. Encore heureux quand ce n’est que débat. J’ai aussi été copieusement injurié pour cela. Il m’est aussi arrivé d’être invectivé par ceux qui se font nommer "travailleurs du sexe". Un concept que je récuse absolument. Je m’ébahis de la surmédiatisation de ce point de vue. Non, la prostitution ne peut être un « métier » anodin. Quand je me posais la question de savoir si l’abolition était ou non une position juste, je reçus une rude leçon. Une femme me dit : « pour répondre à ta question demande toi si tu proposerais la prostitution comme métier à ta compagne, ta mère, ou ta fille ? Oui ou non ? Pourquoi ce dont tu ne voudrais en aucun cas pour les tiens le proposerais tu aux autres ? » Ce fut une heureuse mise au pied du mur.

Si elle est tarifée, la relation sexuelle concernée n’est donc pas désirée. Dès lors, comment pourrait-elle être autre chose qu’une violence et un traumatisme ? La prostitution est par nature enfermée par les rapports de force marchands. Donc structurée par la domination violente puisqu’il s’agit de réquisition sur ordre des corps par les clients, pour leur bon et unique plaisir. Comment la personne prostituée peut-elle vendre l’usage de son sexe et rester libre de soi sans nier son corps, opération mentale mutilante dont les conséquences psychologique et physique équivalent à une mutilation ? En quoi la somme donnée compense-t-elle le mal dont le client se rend coupable ? Ici, le beau lien humain qu’est la sexualité devient un monde de pure violence et d’asservissement.

Rosen Hicher porte ce combat. L’engagement prend alors un sens autrement plus intense qu’aucune de mes paroles ou prise de position. La voilà sur les routes. Elle doit parcourir 743 km de Saintes, dernière ville où elle a été prostituée, à Paris. Pour elle, ce sont là les 743 km qui nous séparent de l’abolition de la prostitution. Au gré des rencontres et des relais médiatiques sur son chemin, elle défend le projet de loi visant à abolir le système prostitutionnel, voté à l’Assemblée nationale l’année dernière. Pourquoi ? Parce qu’il n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Je note que la nouvelle Ministre en charge des questions féministes Marisol Touraine, a pris position en faveur de la loi. Mais que vaut la parole d’un ministre du PS ? Il peut y avoir des exceptions. Nous verrons bien. Mes camarades se battront pour qu’elle soit votée, bien sûr. Raison pour laquelle il est crucial selon moi d’adopter, parmi les mesures essentielles du texte de loi, la pénalisation des clients. Sinon continuera l’interminable course entre le démantèlement des réseaux de traite des êtres humains et leur reconstitution. Il ne peut en être autrement aussi longtemps que la demande n’est pas tarie elle aussi par la répression.

L’idée d’une Marche comme celle que fait Rosen Hicher, plusieurs semaines durant par tous les temps, est évidemment d’une grande puissance symbolique. Elle reprend possession d’un corps longtemps confisqué. Et elle en fait le support de sa propre revendication. Je devine qu’un tel défi se ravitaille dans des ressources physiques et mentales bien particulières et sans aucun doute exceptionnelles. Les êtres humains sont ainsi. La lutte aussi est une sorte de rédemption non pas de ses fautes, qui sommes-nous pour juger, mais de ses servitudes. La dernière étape parisienne aura lieu vers le 12 octobre. Pour accueillir son arrivée, peut-être aurez-vous envie de vous associer aux derniers pas. Je crois bien que je vais le faire.


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