Pour qui roule Christian Picquet ? par Robert Duguet

mercredi 1er octobre 2014.
 

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Réponse à l’article L’issue à la crise politique ? Au coeur de la gauche ! (Christian Picquet)

Nous écrivions après la réunion de rentrée du Front de Gauche à Montreuil le 6 septembre que, si la majorité des cadres politiques rassemblés, avaient la volonté de continuer cette expérience, il ne fallait pas sous-estimer les divergences qui avaient rendu notre stratégie illisible lors des deux derniers scrutins électoraux : notamment la position de la direction nationale du PCF passant un accord avec le PS dans les municipales pour sauver quelques postes de conseillers ou maires adjoints. Nous avons pris l’initiative de dénoncer cette démarche qui, à notre sens, s’opposait à l’orientation qui avait présidé à la naissance du Front de Gauche et qui avait permis le beau résultat de Jean Luc Mélenchon à la présidentielle de 2012. Lors de cette réunion Christian Picquet, il faut le dire en défense de la position de la direction nationale du PCF, au mépris du reste des militants communistes qui avaient présenté des listes autonomes dans les localités, s’était permis de dire que nous nous écartons de la position d’origine du Front de Gauche. La cible désignée : Jean Luc Mélenchon et la direction du PG. Picquet récidive sur son blog ce 20 septembre :

« Les réflexions qui suivent m’ont été largement inspirées par les discussions et tables rondes auxquelles j’aurai participé, celle notamment qu’aura organisé, le samedi 13, devant un chapiteau archi-comble, notre Gauche unitaire, en présence de Pierre Laurent et Olivier Dartigolles, pour le PCF, de Marie-Noëlle Lienemann et Pascal Cherki, parlementaires socialistes détracteurs des errements gouvernementaux, de David Cormand, le secrétaire national adjoint d’Europe écologie, et de Denis Sieffert, de Politis, qui m’avait fait l’amitié de bien vouloir l’animer. »

Tiens donc ! à la fête de l’Humanité, Picquet a vu tout ce monde mais ni le PG, ni un Jean Luc Mélenchon qui a été pour le moins encombrant pour ceux qui ne pensent qu’à une seule chose, le passer à la trappe. Voyez-vous, Picquet a une certaine tradition en la matière, il applique le principe défini par la formule de Bertolt Brecht : quand le peuple n’est plus d’accord avec le Comité Central, il faut dissoudre le peuple. Ainsi a-t-il fait avec sa propre organisation, Gauche Unitaire. Il y a un peu plus d’un an (juin 2013), une majorité de cadres politiques de Gauche Unitaire se prononçaient pour rejoindre le mouvement Ensemble, aujourd’hui troisième composante du Front de Gauche. Cette dernière rassemble trois courants venus du NPA ainsi que la FASE. Que pensez-vous que fit le sieur Picquet : il exclut la majorité des cadres politiques de son organisation. Voilà la méthode Picquet ! Avec Mélenchon, cela risque d’être un peu plus difficile ! Les grandes déclarations alarmistes sur la nécessaire unité de la gauche de Christian Picquet, on ne peut que se les placer quelque part.

En aucune manière il ne répond sur les principes : le système politique est totalement bloqué, on ne peut s’en sortir qu’avec une secousse sociale qui ébranle et détruise l’Etat issu du coup d’état bonapartiste de 1958. La dégénérescence césariste, c’est-à-dire pour la bourgeoisie la nécessité de régler les problèmes de sa domination de classe en abandonnant la forme républicaine de l’Etat, est aujourd’hui la règle et pas seulement en France. Regardons la façon dont les partis imposant les mesures économiques contre le peuple espagnol, s’arc-boutent pour défendre la monarchie. Place au peuple et à la démocratie : ce n’est pas un vain mot d’ordre. Pour organiser une insurrection sociale, il faut un mot d’ordre exprimant une sortie par le haut : donner au peuple les moyens de reconstruire le corps vivant de la république, une constituante souveraine. Donner à ce combat son contenu social, donc anticapitaliste. Picquet écrit :

« Cela fait des années, qu’avec mes camarades de Gauche unitaire (ajouté par nous : ceux et celles qu’il a foutu dehors ?), nous défendons l’idée que son indispensable refondation du futur s’effectuerait au cœur de la gauche. Que n’avons-nous entendu… Que nous courions après une illusion… Que nous étions prisonniers de schémas inspirés des années 1930, époque où l’on pouvait encore prôner le « front unique » entre partis du mouvement ouvrier… Que le Parti socialiste s’assimilait dorénavant à un astre mort, irrémédiablement coupé du peuple travailleur, ayant en quelque sort changé de nature pour n’être plus qu’une variante de la droite… Que plus rien de positif ne pourrait naître, sauf à la marge éventuellement, d’une formation ne procédant plus que du « système »… »

Oser parler ici de Front Unique, quel toupet ? Quand le barbichu célèbre auquel fait référence Picquet, à savoir Léon Trotsky, avançait la stratégie du front unique, il s’adressait à des partis sociaux-démocrates de masse qui étaient restés réformistes, au sens nobles du terme, c’est-à-dire qu’ils négociaient avec le capital des miettes pour le moins substantielles pour la classe travailleuse. Je cite : « Que le Parti socialiste s’assimilait dorénavant à un astre mort, irrémédiablement coupé du peuple travailleur, ayant en quelque sort changé de nature pour n’être plus qu’une variante de la droite… » Les gens qui parlent souvent de l’histoire du nouveau parti socialiste né à Epinay en 1970 jusqu’à nos jours, sont en général ceux qui ne le connaisse absolument pas de l’intérieur ou qui veulent nous faire prendre les vessies pour des lanternes, les petits carriéristes à la Picquet à la recherche du dernier bout de fromage. Oui, il y a eu une dégénérescence complète du Parti d’Epinay, il a géré la Vème république durant ¼ de siècle, il abandonné tout ce qui le rattachait à la tradition du socialisme révolutionnaire, il porte aujourd’hui l’exigence de l’application de tout ce qui se discute à l’Union Européenne contre les intérêts de notre peuple. En 1932, ceux qui allaient se retrouver dans les wagons de la collaboration avec Pétain, étaient chassés du parti SFIO. Aujourd’hui le PS est aux mains des nouveaux néos. C’est devenu un parti démocrate à l’américaine. Mais on ne convaincra pas Picquet et quelques autres, pour qui le centre de la préoccupation politique est gagner une position élective ou retrouver au prochain tour un poste de député. Ce sont les classes travailleuses qui répondent et qui in fine trancheront : le PASOK grec, le PSOE espagnol sont aux yeux des couches sociales qui paient très cher le prix de la crise des partis de droite. Ils s’en détournent avec dégoût… Dans sa conclusion Picquet donne le la de sa position : « Retrouvée, l’unité de la gauche commencerait à rendre espoir à un peuple qui l’a peu à peu perdu. Le rouge, le rose, le vert pourraient, ce faisant, se mélanger de nouveau, au service de grandes avancées sociales et démocratiques, de la justice et de l’égalité. »

L’unité rouge-rose-vert, qui était en son époque la ligne sur laquelle combattait la gauche socialiste de Mélenchon-Dray-Lienneman, ne correspond plus du tout aux nécessités de l’heure. Si en 2008 une partie significative de la gauche du PS le quitte, ce n’est pas sur une divergence anecdotique ! L’application d’une telle ligne nous reconduit à la case PS et à la soumission au social-libéralisme, et pour 2017 à un duel UMP-FN. Il faut sortir du piège, mais avec le peuple et son vecteur combattant, les forces du travail et de la jeunesse. Toute autre perspective nous ramène dans les vieilles ornières.

Si derrière ce théâtre d’ombres, car ce n’est qu’un théâtre d’ombres, il s’agit de poser les bases pour une candidature « communiste »en 2017, tiens au hasard celle de Chassaigne, les couches populaires la regarderons comme une candidature du système. Le Front de Gauche, du fait de la politique du PCF, a hélas été estampillé ainsi. Pour qui roule Picquet, cela me semble clair.


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