Ukraine : les Nord Américains et leur caniche européen

mardi 23 septembre 2014.
 

Répugnante matinée au Parlement européen

Il s’agissait d’adopter l’accord de coopération commerciale avec l’Ukraine. Et un codicille concernant la circulation libre des personnes. Deux votes seulement pour prononcer une annexion économique. Mais l’hémicycle était bondé. Auparavant, il y avait eu une « discussion » entre des rangs certes bien plus clairsemés. Elle portait sur cet accord. Elle était sidérante. Un nombre incroyable de va-t-en-guerre se succédaient pour exiger des mesures de représailles contre la Russie. Je pense que, dans de telles circonstances, on ne se contente pas seulement d’être intellectuellement affligé par la pauvreté des vues que de telles déclarations violentes expriment. On prend conscience du danger d’avoir des élites ou supposées telles à ce point aveuglées dans des moments de l’Histoire aussi tendus qu’à présent. Mais ce jour-là, le pire était encore à venir. Soudain, Martin Schultz, le président de l’Assemblée, dans le style habituel de ses aboiements les plus impératifs, nous demande de nous asseoir et de nous taire. Il s’agissait de pouvoir commencer une séance où l’on voterait en même temps, les uns sous les yeux des autres, grâce à la magie audiovisuelle, au Parlement de Kiev et à Strasbourg, l’accord de coopération entre l’Ukraine et l’Union Européenne. On subit d’abord une petite harangue après laquelle toute demande de prise de parole contraire fut interdite. Puis la parole fut donnée au président de l’Ukraine.

C’était trop pour nous. En tout cas pour moi. Je me levais et je quittais la salle aussi bruyamment que je le pus. En même temps que moi sortirent mes collègues portugais et les Espagnols de Podemos ! Ensuite sortirent également les Grecs de Syriza, la gauche de Die Linke et divers autres courageux. C’est peu dire que nous étions fort fâchés. Cette retransmission en duplex était une pression insupportable. Le refus de la parole était odieux, surtout au moment même où le président de séance nous infligeait de si touchantes odes a la démocratie. Et enfin, c’était vraiment trop de devoir supporter d’entendre, sans pouvoir répondre, un oligarque corrompu comme celui qui préside l’Ukraine. A plus forte raison en le voyant parler devant un Parlement d’où les députés communistes ukrainiens ont été exclus ! Toute cette comédie avait commencé sous les applaudissements nourris d’un bord à l’autre de l’hémicycle, la droite, les sociaux-démocrates et même les Verts pétaradants de joie et confis de postures héroïques. Après la harangue de l’oligarque ukrainien, l’enthousiasme était moins vif. Seule la droite applaudissait. Je note cependant que quelques Français se sont abstenus dans les rangs de l’UMP, dont Alain Cadec député breton. « si l’on veut la guerre totale, c’est comme ça qu’il faut continuer » dit-il très amer ! J’ai voté contre cet accord pourri, cela va de soi. Après le résultat du vote, le bel enthousiasme du début reprit ses droits : la droite, les sociaux-démocrates et les Verts, les uns debout les autres assis, applaudissaient l’heureuse conclusion de cette grossière provocation.

L’enthousiasme de tous ces gens ne durera pas. Pour l’instant, seule l’Europe souffre des sanctions économiques que les Nord-Américains lui ont fait adopter. L’Europe et les États-Unis ne peuvent pas gagner avec ce genre de méthode face à la Russie dorénavant plus intimement liée que jamais au bloc des BRICS. Plus les ponts seront coupés avec les Russes, plus ceux-ci étendront leur liaison avec les Chinois et les Indiens. 450 millions de consommateurs de notre côté, 1,4 milliard de Chinois et autant d’Indiens de l’autre ! Déjà cet été, ces deux pays ont décidé de commercer entre eux, notamment dans le domaine crucial de l’énergie, dans leur monnaie nationale et non plus en dollars. Cette décision vient après celle de Fortaleza au Brésil au mois de juillet, où le pays d’accueil, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Chine et la Russie sont convenus de créer l’équivalent de la banque mondiale et du FMI. Ainsi commence une ère nouvelle : le temps est fini où seul les Nord-Américains étaient en état de frapper les autres pays. À présent que les voici embarqué de surcroît dans une opération extrêmement hasardeuse en Irak et en Syrie, mon opinion est que le nombre de fronts et d’adversaires qu’ils se sont faits avec toutes leurs récentes gesticulations excèdent leurs moyens d’action. Le caniche européen finira bientôt par se rendre compte combien son intérêt est éloigné de tout cela. Mais ce sera trop tard, bien sûr. En attendant, les aventures ukrainiennes, les sanctions économiques et les autres balivernes vont aggraver la récession. Elles frapperont plus particulièrement l’économie allemande, et par conséquent toutes les autres, et notamment celles de l’Est de l’Europe. La situation est donc extrêmement dangereuse : de tous côtés, sous toutes les formes, s’accumulent les matériaux qui ont l’habitude d’enflammer la vieille Europe.


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