Venezuela : existe-t-il un « madurisme » ?

samedi 13 septembre 2014.
 

La question revient dans de nombreux commentaires : existe-t-il au Venezuela un « madurisme », différent du chavisme, moins « radical », moins « populiste » ?

La plupart de ceux qui posent cette question sont de gros coquins qui tentent d’opposer le « père » de la révolution et son successeur , qui assume une tâche quasi impossible : succéder à Chavez, et qui pourtant, à sa façon, y réussit.

Hugo Chavez est irremplaçable. Il avait une vision politique, une personnalité, une surface de rassemblement, un charisme, un « quotient personnel », exceptionnels. Il était « pueblo ». Le nouveau président Nicolas Maduro a été, dès le début de l’épopée chaviste, un compagnon fidèle de Chavez, très proche de lui. Quoi de plus normal qu’il soit habité par le souvenir et la figure de « el comandante », qu’il l’admire, le cite très souvent, s’en inspire, y soit indéfectiblement attaché.

Chavez est arrivé au pouvoir en 1998, dans un certain flou idéologique, sans un programme vertébré, ficelé, sans être soutenu par un parti structuré.

Le « chavisme » s’est forgé au fil des aléas de la lutte, des influences des pensées de Bolivar, Marx, de la théologie de la libération, au fil des affrontements de classe, des agressions de l’impérialisme, jusqu’à devenir un corpus clair et solide.

Nicolas Maduro a compris qu’il devait s’inscrire dans cette continuité politique et historique, sans pour autant fonctionner en permanence sur l’affectif, ni essayer d’« imiter » Chavez. Ce dernier a laissé en héritage un programme d’émancipation nationale et sociale révolutionnaire : le « plan de la patrie », et un cap : le socialisme, à inventer. Mais construire le « socialisme du 21 siècle », démocratiquement, dans un pays qui vit encore trop sur la rente pétrolière (malgré les avancées effectives), et où le secteur capitaliste représente plus de 60% de l’économie, où la droite, washingtonienne, est puissante et agressive, relève d’un colossal défi politique.

Nicolas Maduro a choisi de transférer progressivement le pouvoir au communautés de base. Chavez avait commencé ; Maduro met les bouchées doubles pour développer le « pouvoir populaire », dans une situation économique très difficile. Pour gagner la bataille de la production, créer une économie autonome, autocentrée, diversifiée, plurielle, il promeut le « modèle communal ». Des milliers de « communes socialistes » autogérées se mettent en place dans les quartiers, les villages... Elles ne sont pas implantées autoritairement. C’est la population, par vote, qui en décide. Les communes s’inscrivent dans une visée de « socialisme territorial », d’écosocialisme », d’autogouvernement par le peuple.

La « commune socialiste » regroupe plusieurs conseils communaux déjà existants. Elle se dote d’un « parlement communal », constitué de membres élus et révocables, d’un(e) porte parole, d’un conseil de planification, d’un conseil de l’économie, d’une banque communale, etc Elle gère la vie locale dans tous ces aspects, implique les habitants, les voisins, les villageois... détermine les besoins prioritaires, monte des projets et reçoit des financements directement de l’Etat.

Est-cela le « madurisme ? Peut-être...Alors pourquoi ce lourd silence radio sur les « communes socialistes », sur « le gouvernement de rue » pratiqué par le président, loin des caricatures officielles.

On peut désinformer par omission.

Jean Ortiz, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message