Municipales, européennes... Du bon usage de l’échec

samedi 6 septembre 2014.
 

J’évoque assez régulièrement le mot « échec » à propos des européennes pour que vous l’ayez remarqué. Ce n’est pas mon habitude. D’autant que la meute en a fait un large usage à chaque étape. Dès le soir de la présidentielle il était question de mon « échec » puisque je n’avais pas atteint 18 % comme le prévoyait un sondage. Les neuf points gagnés par rapport au score de départ ne comptaient pour rien. Non plus que les mille voix gagnées en trois semaines à Hénin-Beaumont. Nouvel « échec ». Et ainsi de suite… Dans ces circonstances, je protestais plutôt contre l’usage du mot. Car je voyais bien qu’il était utilisé pour effacer ce qui avait été accompli et donc interdire l’essentiel : en tirer les enseignements positifs. C’est toujours la capacité à tirer positivement les leçons d’une situation qui est l’enjeu d’un résultat électoral. De même en ce qui concerne celui des élections européennes. Si nous n’admettons pas « l’échec » et si nous passons à la petite popote suivante, nous ne pouvons pas tirer des leçons et chercher d’autres points de passage pour notre projet. Il ne faut pas être dupe de la grossière campagne sur mon prétendu « départ à la retraite ». C’est toujours le même but : empêcher d’analyser et de comprendre. Il ne faut pas craindre ces comportements, surtout quand on a fait soi-même l’analyse de la place des chiens de garde. Pourquoi s’étonner ensuite qu’ils le soient ?

On ne doit donc pas avoir peur de discuter d’un échec ! En quoi consiste « l’échec » ? Ne pas avoir atteint notre but, bien sûr. Notre stratégie (je parle de celle de mon parti) ne s’est jamais réduit au rôle de « témoignage ». Nous avons toujours eu comme objectif la conquête du pouvoir politique par les urnes en vue d’un programme de gouvernement de rupture avec l’ordre néo-libéral. La séquence allait d’une élection européenne à l’autre. Il s’agissait, par pallier, de passer en tête de la gauche pour être le centre de la recomposition politique de notre camp. Il s’agissait de le faire à ciel ouvert devant des millions de personnes que nous rendions juges. Jusqu’à l’élection présidentielle, tout fonctionne. La progression est là, spectaculaire. Premier écueil aux législatives où nous perdons la moitié des voix qui viennent d’être gagnées même si, localement, il y a de nombreux cas où l’on fait même mieux, comme ce fut le cas de François Delapierre en Essonne, par exemple. Aucune leçon n’est tirée de ce fait. La suite vous la connaissez. Aux européennes de cette année, peu me chaut que nous ayons gagné 150 000 voix par rapport aux précédentes et que nous soyons seuls à gauche dans ce cas. Ce qui compte est ailleurs. Une abstention énorme s’est abattue. Elle nous a atteint d’autant plus facilement que nous nous étions rendus illisibles avant et même pendant. Si nous avions, comme l’extrême-droite, mobilisé les deux tiers de nos électeurs, le but était atteint. Mais c’est l’extrême droite qui est arrivée à mobiliser les deux tiers de son électorat de la présidentielle.

Au PG il y a eu une intense réflexion, de nombreuses séances de travail. Peut-être trop nombreuses, vu l’état de fatigue de la fin d’année, de sorte que certaines ont parfois été inutilement tendues. En tous cas, les axes de travail ont été dégagés. Une formule stratégique a été définie qui tient dans la phrase que vous connaissez désormais : « le système n’a pas peur de la gauche il a peur du peuple ». Cette formule a une conséquence de longue portée. Elle trace un chemin et en exclut un autre.

Pour nous le « rassemblement de la gauche » n’a aucun sens concret. Se rassembler avec qui ? Pourquoi faire ? Avec le PS ? Avec les Verts ? L’un et l’autre se définissent comme membre de la majorité gouvernementale. Quel sens cela a-t-il dès lors ? Avec les partisans de la rupture qui s’expriment dans ces partis ? Pourquoi pas. Mais en quoi sont-ils en rupture ? Où sont leur vote et où sont les initiatives qui actent cette rupture ? Naturellement tout cela peut bouger. Le vote de confiance pour Valls le dira. Tant mieux si cela se fait, bien sûr. Ce serait une situation complètement nouvelle. Elle ouvrirait bien de l’espace. Mais il est vain de croire que ce sont nos cajoleries qui les aideront à avoir du courage. Dès lors tant qu’ils n’ont pas eux-mêmes fait le pas, quel est l’intérêt de faire croire que toute la situation du pays est suspendue aux jeux des courants de ces partis ?

Notre devoir n’est-il pas au contraire de former la force politique indépendante et conquérante qui sera l’appui de tous, demain, quand la bataille éclatera au grand jour ? N’est-ce pas de former et d’encourager les esprits à l’air libre du combat frontal contre la main qui nous frappe ? Bref, l’enjeu ce n’est ni de construire une agence de bons offices ni de croire qu’on va trouver un raccourci en bricolant les bois du naufrage ! C’est pourquoi, dans une formule qui reste encore générale, j’en conviens, nous disons qu’il s’agit de « fédérer le peuple » plutôt que de « rassembler la gauche ».

C’est le sens du mot d’ordre de 6ème République. Il met en avant le plus grand dénominateur commun : le pouvoir des citoyens, leurs aspirations à ne plus être des jouets dans les mains des politiciens des médiacrates et des puissants. Quand je me retourne et que je regarde ce que nous avons pu dire et faire, je peux même sourire. Quand je pense qu’il y a un an on trouvait excessives mes critiques de… Manuel Valls ! Oui, mes amis, c’était seulement il y a un an ! Aujourd’hui, c’est la chasse aux chômeurs après celle aux Roms…


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