L’Allemagne va à nouveau alléger la fiscalité sur les entreprises

jeudi 13 avril 2006.
 

Angela Merkel l’a promis. La fiscalité sur les entreprises va baisser à compter de janvier 2008. C’était dans le programme de coalition et la chancelière chrétienne-démocrate, au pouvoir depuis l’automne 2005, y tient.

Sur les modalités de cet allégement, rien n’est encore décidé et plusieurs schémas sont à l’étude. Selon diverses informations de presse publiées le week-end des 8 et 9 avril, le ministre des finances, le social-démocrate Peer Steinbrück, a l’intention de proposer une réduction significative de l’impôt sur les sociétés, qui s’élève actuellement à 25 %. Le chiffre de 12 % est avancé par l’hebdomadaire Der Spiegel, celui de 15 % par les quotidiens Die Welt et Financial Times Deutschland. La taxe professionnelle, qui constitue une des principales sources de revenus des communes allemandes, resterait, pour sa part, inchangée (à 13 %).

Selon Der Spiegel, l’allégement fiscal net pour les entreprises pourra atteindre jusqu’à 5 milliards d’euros en 2008. Le quotidien Handelsblatt, lui, a estimé à 800 millions d’euros par an le manque à gagner que représentera chaque point de baisse de l’impôt sur les sociétés pour le budget de l’Etat. Pour ne pas aggraver le déficit budgétaire du pays, déjà supérieur au plafond de 3 % du produit intérieur brut (PIB) autorisé par Bruxelles, M. Steinbrück aurait l’intention de compenser ces pertes de recettes par l’abrogation de nombreux avantages fiscaux.

Le ministre des finances voudrait ainsi faire descendre les taxes pesant sur les entreprises allemandes - impôt sur les bénéfices et taxe professionnelle
- en dessous de 30 %, voire jusqu’à 25 %. Aujourd’hui, le taux d’imposition auquel elles sont assujetties s’élève à 38,7 %, l’un des plus élevés d’Europe. Pour l’heure, le ministère se refuse à confirmer ces informations, les qualifiant de "spéculations" et rappelle que M. Steinbrück présentera ses projets en juin.

Quoi qu’il en soit, l’intensification de la concurrence mondiale et l’élargissement de l’Union européenne (UE) à des pays à la pression fiscale nettement moindre ont convaincu les autorités de Berlin de faire un geste. Et de se rapprocher du taux moyen d’imposition sur les sociétés en Europe, de 25,04 % en 2005.

Une moyenne inférieure à celles des pays de l’OCDE - l’Organisation de coopération et de développement économiques - (28 %) et des Etats-Unis (40 %), et qui a diminué de 0,28 point en 2005, selon un récent rapport du cabinet d’audit KPMG.

"L’entrée des dix nouveaux membres dans l’Union en 2004 comme les efforts communautaires pour libérer les mouvements de capitaux ont sensiblement augmenté la compétition fiscale entre les pays membres", explique Loughlin Hickey, responsable de l’étude mondiale de KPMG sur les taxes.

Dans ce contexte de concurrence fiscale accrue, six pays européens ont réduit leur taux d’imposition sur les sociétés en 2005 : la République tchèque (24 %), l’Estonie (23 %), la Grèce (22 % ou 29 % selon la taille des sociétés), le Luxembourg (29,63 %), les Pays-Bas (25 % ou 29,6 % selon la taille des sociétés) et la France (33,33 %). Malgré tout, à côté, l’Irlande, la Bulgarie et la Roumanie font presque figure de petits paradis fiscaux, avec des taux respectifs de 12,5 %, 15 % et 16 %. Celui de la Suisse est de 21,3 %.

Dans le reste du monde, la tendance est aussi à la baisse. Mais le bilan est plus contrasté. On trouve le Japon, avec un taux d’impôts sur les sociétés record et stable de 40,69 %. Et, à l’autre extrême, les îles Caïmans, où les entreprises jouissent d’une fiscalité de... 0 %. En Asie-Pacifique, où les obstacles à la libre circulation des capitaux et des biens sont plus nombreux, la compétition fiscale est moins forte. Résultat : la moyenne des taux, à 30 %, n’a pas diminué en 2005. Aux Philippines, le taux a même augmenté de 3 %, tandis qu’il a baissé dans une proportion équivalente en Inde. Même tableau en Amérique latine, où la moyenne s’est stabilisée autour de 28 % depuis deux ans.

Avec 5 points de moins, l’UE apparaît donc comme la zone la plus favorable aux investissements. Une conclusion qu’il faut nuancer. D’abord, parce que la moyenne communautaire n’est pas pondérée en fonction de la taille des économies. Les plus grands Etats - l’Allemagne, la France, l’Italie (37,25 %) et le Royaume-Uni (30 %) - restent largement au-dessus de la moyenne.

"De plus, un bas taux d’imposition n’est pas forcément synonyme de faible contrainte fiscale", précise M. Hickey. L’existence de régimes fiscaux spéciaux sur certains types d’investissements (R & D) ou de sociétés comme l’attitude des autorités envers les investisseurs, jouent un rôle aussi déterminant dans l’attractivité d’un pays.

Marie Charrel et Antoine Jacob (à Berlin) Article paru dans l’édition du 12.04.06


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