Face-à-face entre extrême droite et « gauchistes » dans les rues de Tel-Aviv

dimanche 27 juillet 2014.
 

> Sur l’esplanade du Théâtre Habima, au cœur de Tel-Aviv, quelques centaines d’Israéliens se sont massés, jeudi 17 juillet au soir, autour de la petite scène sur laquelle d’anciens soldats sont venus partager leur expérience passée dans la bande de Gaza. Alors qu’Israël est engagé dans un conflit ouvert avec le Hamas, à moins de cent kilomètres de là, ils écoutent dans un silence quasi religieux le récit des humiliations et des crimes perpétrés par leur armée, par les leurs, contre la population de Gaza. Les champs rasés au bulldozer pour dégager la vue. Les pêcheurs éloignés du rivage par les tirs. Les familles transies de peur lors de la fouille des maisons. L’arrestation des hommes du village. La liquidation de toute silhouette suspecte se hasardant au dehors. Le pilonnage intensif de quartiers entiers.

> « Il y a vingt ans, il y avait quelques cas de violation. Aujourd’hui, c’est devenu une politique. On s’adapte à tout cela. La première fois, on est en état de choc, la deuxième un peu moins et, au bout d’une semaine, on le fait déjà naturellement », témoigne Yehuda Shaul, codirecteur de l’organisation Breaking the Silence, qui organise l’événement. La kippa vissée sur ses cheveux noirs bouclés, il raconte cette soirée du Mondial 2002 où lui et son unité ont enfermé une famille palestinienne à clé dans leur chambre pour pouvoir regarder tranquillement le match dans leur salon.

> Nadav, 28 ans, en mission à Gaza en 2008, confie sa difficulté à raconter, une fois rentré. « Ça m’a pris deux ans pour en parler, pour dire que j’étais une partie de cela. Ma famille a eu du mal à accepter que je parle de ce qui s’est passé là-bas et que je critique l’armée. » Jeunes, vieux, intellectuels et étudiants sont venus se replonger, par ces témoignages, dans un chaos à mille lieues de l’atmosphère légère qui règne dans cette ville surnommée « la bulle » (Ha-Buah). « On est très inquiets de cette folie ambiante. On sait ce qui s’est passé là-bas. Ça n’aidera en rien d’y aller et beaucoup de gens perdront leur vie », dit Yonathan Kich, un architecte de 50 ans. Iris, une écrivaine de 54 ans, est là pour ses enfants en âge de faire l’armée.

> « FASCISME »

> « Je dois à mes enfants cette prise de conscience du fascisme qu’on impose aux Palestiniens », explique-t-elle. « Plus personne ne critique l’occupation, c’est devenu une norme dans notre société », regrette Ira, un musicien de 23 ans. Il se dit bien en mal de juger s’il est nécessaire, cette fois, de faire entrer l’armée dans Gaza. Il sait seulement que ses amis réservistes rappelés ne veulent pas y aller.

> Un peu plus loin, à l’entrée du boulevard Rothschild, derrière des cordons de police, des dizaines de jeunes hommes de quartiers populaires et de membres d’un mouvement de l’extrême droite religieuse crient à pleins poumons leur haine contre ces « sales gauchistes », ces « traîtres » qui salissent leur armée. « On soutient nos soldats qui défendent notre pays », explique Yossi, un étudiant de 19 ans. Il n’est pourtant pas favorable à une opération au sol, mais il juge inconcevable de critiquer l’armée en temps de guerre.

> D’autres élaborent des plans pour contourner l’impressionnant barrage de policiers et aller casser du « gauchiste » dont ils veulent « la mort ».

> Samedi, certains d’entre eux s’étaient attaqués au même endroit à des personnes manifestant contre la guerre à Gaza, faisant trois blessés. Jeudi soir, la situation a une nouvelle fois failli dégénérer quand une sirène d’alerte annonçant le tir d’une roquette a dispersé dans le désordre manifestants et policiers. « Ça fait peur là, on sent qu’ils veulent taper. Ils vont finir par tuer quelqu’un », commente un homme du quartier, effaré par les appels à la vengeance qu’il entend.

> Quelques minutes après, tous ont repris leurs positions respectives. Mais déjà, dans les rangs des « gauchistes », ne restent plus que quelques irréductibles qui ne veulent pas céder devant les « hooligans ». Les autres sont rentrés, le cœur lourd, suivre à la télévision le début de l’offensive terrestre que vient d’annoncer le premier ministre, Benyamin Nétanyahou.

Hélène Sallon


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