Budget de la Sécu : l’épreuve du feu

mercredi 9 juillet 2014.
 

Maintenant qu’elle en a fini avec le budget rectificatif de l’État, l’Assemblée débat à présent du pacte de responsabilité. C’est le nouveau cadeau au MEDEF de François Hollande ! Il y en a pour 10 milliards d’euros par an. Le débat a lieu en catimini. En fait, les mesures sont intégrées dans le budget rectificatif de la Sécurité sociale. L’Assemblée l’examine actuellement. Le vote final aura lieu mardi prochain, le 8 juillet. Je vais en présenter l’essentiel des grandes lignes, comme je l’avais fait déjà quand le plan fut arrêté. Personne ne peut dire qu’il s’agit d’une nouveauté et qu’il n’a pas eu le temps d’y penser ou d’en débattre.

Le pacte de responsabilité, c’est une nouvelle montagne de cadeaux fait aux actionnaires et au patronat. Dans le détail, le texte prévoit d’abord une double baisse des cotisations sociales patronales. Les employeurs ne payeront plus aucune cotisation sociale patronale pour les salaires équivalents au SMIC. Et en plus, le taux de cotisations payées par les employeurs pour la branche famille de la Sécurité sociale sera désormais abaissé à 3,45% au lieu de 5,25% pour les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC. Les travailleurs indépendants verront aussi leurs cotisations famille réduites de plus de trois points. Au total, ces trois mesures vont coûter 5,5 milliards d’euros dès l’an prochain. Quel bénéfice attendre de tout cela pour le pays ? Le gouvernement espère la création de 30 000 emplois grâce à ces cadeaux fiscaux. Cela ferait 180 000 euros pour un emploi créé ! Même Le Monde parle d’« un chiffre qui paraît dérisoire au regard du coût des dispositions ».

Ce n’est pas le seul cadeau fait au Medef par Manuel Valls. Le budget rectificatif de la Sécurité Sociale entame aussi la marche vers la suppression pure et simple d’un impôt payé par les entreprises. Il s’agit de la « C3S », c’est-à-dire de la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés. Manuel Valls a promis sa suppression avant la fin du quinquennat. Cette taxe de 0,16% du chiffre d’affaires est payée par toutes les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 760 000 euros. Qu’on ne me dise pas que cela concerne les petites entreprises ! Mais pour Hollande et Valls c’était encore trop. Le gouvernement va relever fortement le seuil à 3,25 millions d’euros. Dès l’an prochain, plus de 200 000 entreprises ne devront plus payer cette taxe. Et il continuera ainsi jusqu’à extinction de la taxe. Manque à gagner pour les finances publiques ? Un milliard d’euros dès l’an prochain, près de 6 milliards d’euros par an une fois la taxe définitivement supprimée, en 2017.

Tout cela va se payer cher. Les cotisations sociales financent la Sécurité sociale. La C3S finance le régime de solidarité des travailleurs indépendants (commerçants…) et le Fonds de Solidarité Vieillesse qui verse le minimum vieillesse. Les cotisations non versées vont manquer dans les caisses pour la Sécurité sociale. La loi oblige le gouvernement à compenser le manque à gagner pour la Sécu ! Le gouvernement devra donc puiser dans le budget de l’État. Et cette somme manquera donc dans le budget de l’État.

Conséquence directe : le gouvernement prévoit de nouvelles mesures d’austérité pour compenser les cadeaux au MEDEF. Encore une fois, le peuple payera pour enrichir les grands patrons et les actionnaires. Le gouvernement a ainsi prévu de geler les pensions de retraites de base de la moitié des retraités du pays. Tous ceux qui touchent une pensions supérieure à 1200 euros par mois verront leur pouvoir d’achat reculer. Cela concernerait 8 millions de personnes dans le pays ! Et cette mesure va s’ajouter au gel des pensions de retraites versées par les régimes complémentaires, déjà imposé par le patronat. C’est injuste socialement. Et c’est dangereux économiquement. Cela va encore comprimer la consommation populaire de plus d’un milliard d’euros par an. C’est pourtant le poumon de l’activité de plusieurs dizaines de secteurs économiques dont dépendent des millions d’emplois : commerçants, artisans etc. Valls a déjà prévu de geler aussi les allocations familiales l’an prochain. Et, comble de l’injustice sociale, il a aussi prévu de geler les pensions d’invalidité que perçoivent les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Ces deux dernières mesures ne figureront que dans le budget de 2015 qui sera débattu à l’automne. Mais en discutant du budget rectificatif de cette année, c’est tout cela qu’il est question d’accepter ou de rejeter dans son principe.

Pour faire avaler la pilule, Valls et Hollande n’ont reculé devant rien. Ils sont même aller puiser dans le programme de Marine Le Pen ! En effet, c’est aussi dans le budget modificatif de la Sécurité sociale que figure le prétendu « coup de pouce » aux salariés mal payés. Manuel Valls a décidé de baisser les cotisations payés par les salariés payés moins de 1,3 fois le Smic. Son argument ? Augmenter le salaire net sans augmenter le salaire brut ! Le patronat peut se frotter les mains. Là encore, c’est la Sécu qui perdra en recettes. C’est une nouvelle offensive contre le système de sécurité sociale. Surtout, Valls prétend qu’il va ainsi donner 500 euros par an aux smicards. Mais c’est une arnaque. Il va leur donner de l’argent qui appartient déjà aux salariés ! Cet argent sert à rembourser leurs soins médicaux, à payer les retraites, à indemniser les périodes de chômages etc. Avec Manuel Valls, c’est « donne moi ta montre et je te dirai l’heure » ! Cette proposition figurait explicitement dans le programme de Marine Le Pen. On la comprend. C’était une manière de se faire passer pour l’ami des salariés sans prendre un centime aux actionnaires. Mais c’est absolument contraire à l’Histoire de la gauche et au principe de solidarité entre les travailleurs.

Ce budget de la sécurité sociale est un condensé de tout ce que nous combattons chez Valls : les cadeaux ruineux et inefficaces au MEDEF, l’austérité pour le peuple, et l’ignominie des copinages idéologiques avec l’extrême droite. Pour toutes ces raisons, il faut voter contre mardi 8 juillet. C’est une question d’efficacité économique et de justice sociale. Mais aussi d’honneur politique quand on se réclame de la gauche. Les frondeurs sont au pied du mur !

Jean-Luc Mélenchon


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