Europe... France... Les forces du capital sont au combat

mardi 8 juillet 2014.
 

Décidément, les chefs d’État et de gouvernement européens ne veulent rien entendre, rien comprendre des puissantes alertes lancées par les citoyens, à l’occasion des élections européennes. Seulement un mois après leur résultat, les grandes et petites manoeuvres continuent de plus belle.

Pour remplacer M. Barroso à la tête de la Commission européenne, dirigeants de droite et socialistes choisissent comme un seul homme, à partir d’une sorte de mercato de répartition des postes, l’ancien premier ministre du Luxembourg de droite, fédéraliste, et chef de file des conservateurs du Parti populaire européen lors des élections européennes. Ainsi, on propose de remplacer un fédéraliste de droite, Barroso, par un libéral fédéraliste de droite, M. Jean-Claude Juncker. Celui-là même qui incarne, depuis un quart de siècle, l’actuelle construction ultralibérale de l’Union européenne et son cortège de souffrances infligées aux travailleurs, aux retraités, aux citoyens européens.

À la tête de ce que l’on appelle « l’Eurogroupe », c’est-à-dire la structure regroupant les pays qui ont l’euro pour monnaie, il était au coeur du dispositif de la dérégulation financière dans l’espace européen. On lui doit donc d’avoir joué un rôle de premier plan dans l’application des politiques d’austérité qui ont détruit les économies de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal, attaqué celles de l’Italie, de l’Irlande et de la France. Il est celui qui a largement contribué à construire, au coeur de l’Europe, l’un des plus grands paradis fiscaux du monde, le Luxembourg. Il en a été premier ministre de très nombreuses années et, à ce titre, il a chaque fois utilisé son droit de veto contre tout projet visant une fiscalité des mouvements de capitaux, la réglementation de la finance ou des banques. M. Juncker est bien le symbole de cette Europe et de cette monnaie unique qui ont failli. Il le reconnaissait lui-même il y a un peu plus d’un an quand il déclarait : « L’euro et moi-même sommes les seuls survivants du traité de Maastricht. » Quelle autre manière d’avouer qu’il est l’homme d’un autre temps et celui de l’échec. C’est pourtant de celui-là que M. Pierre Moscovici a pu dire « qu’il serait un bon président de la Commission européenne » !

Pourtant, ce choix est à mille lieues de l’expression populaire et du refus de vote aux élections européennes, marquées à la fois par une poussée de l’extrême droite et de la droite extrême, dite « eurosceptique », la progression d’une gauche alternative dans les pays du sud de l’Europe, un net recul des deux formations traditionnelles, les conservateurs de droite du Parti populaire européen et le Parti socialiste européen, qui se partagent les postes et veulent continuer à le faire au sein des institutions européennes. Ainsi, on assiste à ce spectacle affligeant où socialistes et écologistes soutiennent un candidat de droite à la présidence d’une Commission européenne, « rose-blanche », et la droite soutenant un socialiste à la présidence du Parlement. Et le même partage se fera pour la présidence permanente du Conseil européen. Ce dispositif d’une grande coalition dite « droite-gauche » au sein des institutions européennes, copie conforme de l’entente « démocratie chrétienne/sociauxdémocrates » au pouvoir à Berlin, n’est pas le seul reflet d’ambitions personnelles pour occuper les postes décisionnaires. Elle correspond fondamentalement aux demandes des puissances d’argent et du capital international. Ils veulent être certains de disposer du personnel politique jugé capable de faire survivre le système capitaliste enserré dans la tornade de sa crise.

C’est du reste un appel à ce type « d’union nationale » qu’ont lancé sept dirigeants patronaux, la semaine dernière, derrière le vocable « un partenariat au-delà des... postures » pour libérer la France de ce qu’ils appellent « les blocages structurels », c’est-à-dire l’ensemble des droits sociaux et démocratiques qui ont façonné « le modèle social français ». Ils réclament du pouvoir Valls-Hollande qu’il soit plus ferme contre les cheminots, les intermittents, les députés socialistes qui critiquent le pacte d’austérité, ceux du Front de gauche qui appellent à revenir à gauche, tous les élus qui refusent le charcutage territorial, ou même la décision du gouvernement qui a finalement abandonné le projet de gel du niveau des retraites inférieures à 1 200 euros.

JUNCKER INCARNE, DEPUIS UN QUART DE SIÈCLE, L’ACTUELLE CONSTRUCTION ULTRALIBÉRALE DE L’UNION EUROPÉENNE ET SON CORTÈGE DE SOUFFRANCES.

C’est dire si le combat est rude. Il appelle évidemment plus de débats pour un nouveau projet à gauche, plus de mobilisation unitaire pour résister et obtenir des améliorations immédiates, plus d’efforts pour rassembler celles et ceux qui ne se résignent pas aux situations actuelles en France et en Europe. C’est le sens de la préparation de la Fête de l’Humanité, qui aura lieu les 12, 13 et 14 septembre prochains.

L’enjeu d’un nouveau partage des richesses et d’une nouvelle manière de les produire, respectueuse des hommes et de la planète, devrait être placé au coeur d’une large action transformatrice. Et le nouveau Parlement européen serait bien inspiré de s’emparer du projet de la Confédération européenne des syndicats qui, en proposant de mobiliser une infime part des richesses produites dans un plan d’investissement audacieux et innovant, montre qu’il est possible de créer 11 millions d’emplois en Europe. Ce serait le moyen de tenir compte du résultat des élections européennes.

Editorial de Patrick Le Hyaric dans l’Humanité Dimanche.


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