Européennes : NPA, fin de partie ? Par Roger Martelli

vendredi 6 juin 2014.
 

Dimanche 25 mai, Lutte ouvrière et le Nouveau parti anticapitaliste ont rassemblé 1,6% des suffrages exprimés. C’est le plus mauvais score de l’extrême gauche depuis que le Parlement européen est élu au suffrage universel.

Jusqu’en 1999, c’est Lutte ouvrière qui, portée par la figure entraînante d’Arlette Laguiller, tient le haut du pavé dans la galaxie de l’extrême gauche française. La Ligue Communiste Révolutionnaire d’Alain Krivine, quand elle ne s’allie pas avec LO, préfère le terrain de la lutte sociale et du combat d’idées. Quant au courant "lambertiste" du Parti communiste internationaliste (Marc Gauquelin) puis du Parti des Travailleurs (Daniel Gluckstein), il se contente d’affirmer sa présence sans parvenir à percer.

1990-2000 : alliance LO-LCR

Le tournant, pour cette portion de la gauche, se situe à la charnière des années 1990-2000. Le PCF est alors en pleine crise, épuisé par l’effondrement du soviétisme et englué dans la participation gouvernementale (1997-2002) au nom de la "gauche plurielle". Dans cette phase de radicalisation relative du "mouvement social" (après 1995) et de relance des thèmes chers à la gauche française (égalité et défense de la sphère publique), l’extrême gauche profite des carences d’un PCF qui veut se démarquer à tout prix du "pôle de radicalité" prôné en son sein par les "refondateurs".

Les régionales de 1998 et la généralisation à cette occasion des alliances PC-PS poussent la LCR à se rapprocher de la populaire Arlette Laguiller et de LO. Les élections européennes de 1999 semblent valider cette stratégie. Tandis que la liste conduite par Robert Hue ("Bouge l’Europe !") piétine, l’alliance LO-LCR passe pour la première fois le seuil des 5 % de suffrages exprimés, ce qui lui permet même d’envoyer cinq députés à Strasbourg, presqu’autant que le PCF (six).

L’effondrement du PC, en 2002 puis en 2007, permettent au tandem LO-LCR de venir bousculer le vieux rival communiste. Longtemps considérés avec haine et mépris, les rejetons du trotskisme se permettent même d’humilier le PCF en 2002 : en avril, à la présidentielle, les trois candidats issus de cette tradition atteignent les 10 % alors que le secrétaire national du PC n’atteint pas les 3 % !

1999-2007 : la rupture historique du NPA

Dans cette phase, même si "Arlette" continue d’attirer les regards et la sympathie du public, c’est la LCR qui s’impose peu à peu. En 2002, contre toute attente, c’est un jeune facteur inconnu, Olivier Besancenot, qui impose son style à la fois tranchant et décontracté. En 2007, dans une phase de délitement de toute la gauche radicale, Olivier Besancenot maintient même son score de 2002, tandis qu’Arlette Laguiller enregistre un résultat plus que décevant.

Pour les camarades d’Alain Krivine, la séquence électorale de 1999-2007 est le signe d’une rupture historique. La page communiste étant tournée, le moment est venu de relancer la dynamique critique de l’après-1995 en regroupant, autour du noyau de la LCR, l’ensemble des "anticapitalistes". La théorisation de la distinction de "l’antilibéralisme" et de "l’anticapitalisme" nourrit alors la tentative de création d’une organisation nouvelle. En janvier 2009, elle voit le jour sous le nom de Nouveau parti anticapitaliste (NPA), qui annonce un peu plus de 9.000 membres fondateurs.

Mais le NPA se crée au moment même où s’amorce le regroupement qui, à partir du PCF de Marie-George Buffet et du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, aboutit à la formation du Front de gauche. Or celui-ci présente l’avantage d’apparaitre comme "indépendant" du PS (le leitmotiv du NPA), tout en se fixant l’objectif de subvertir la gauche, jusqu’à devenir majoritaire en son sein. Il reprend ainsi, à sa manière, ce qui fit longtemps la force du courant communiste, de 1934 aux années 1970.

Années 2010 : retour à la marginalité

S’obstinant dans son culte de la différence, le NPA durcit son discours pour justifier le refus d’une alliance avec le tout jeune Front de gauche. Aux élections européennes de 2009, l’extrême gauche n’est pas pénalisée par cette rétraction : le NPA et LO font à eux deux jeu égal avec le Front de gauche (un peu plus de 6%) et le NPA, en manquant d’un poil le seuil des 5%, confirme son hégémonie sur l’extrême gauche. Mais le NPA s’enfonce de plus en plus dans une crise interne qui érode la légitimité de sa direction et affecte sa crédibilité générale.

En 2012, la décision d’Olivier Besancenot de ne pas se présenter à l’élection présidentielle ne fait que cristalliser un mouvement de retrait déjà engagé. En avril 2012, Philippe Poutou se contente d’un petit 1,1% ; à eux deux, les candidats de LO et du NPA plafonnent à 1,6%. C’est le score qu’ils viennent d’obtenir aux élections européennes. Le seul fait nouveau est le retour à l’équilibre antérieur : en 2014, les listes du NPA se partagent un maigre 0,4%...

Après la phase exceptionnelle d’embellie, les organisations héritières de la tradition trotskiste semblent pour l’instant revenues à leur marginalité électorale antérieure. Mais si l’extrême gauche avait su tirer profit de l’effondrement communiste, entre 1999 et 2007, nul ne bénéficie de son effacement en 2014. La culture politique qu’elle incarne, les sensibilités qu’elle exprime peinent pour l’instant à se reconnaitre dans le Front de gauche tel qu’il est. Si l’on excepte l’élan présidentiel de 2012, ce Front a du mal à agréger, tout à la fois, les déçus du socialisme, les sensibilités de la radicalité politique traditionnelle et les cultures non partisanes du « mouvement social ».

Nul doute que, si les résultats de ces européennes devraient pousser les organisation d’extrême gauche à revenir sur leur isolement mortifère, ils devraient aussi conduire le Front de gauche à réfléchir à ce qui pourrait, enfin, permettre de regrouper toutes les sensibilités de l’alternative pour disputer l’hégémonie persistante du Parti socialiste sur la gauche.


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