Appel de 50 économistes européens à voter pour dire "non à l’austérité"

lundi 12 mai 2014.
 

À trois semaines des élections européennes, le réseau européen d’économistes progressistes (Euro-pen) lance un appel aux électeurs pour dire « non à l’austérité, à la dépression et aux inégalités sociales et économiques ».

Réunissant plus de 50 économistes européens, Euro-pen propose cinq axes d’alternatives économiques pour « rejeter l’impasse néolibérale de l’Europe » et affirmer qu’une « autre route pour l’Europe est possible ».

Le 25 mai prochain, les citoyens devront choisir l’Europe de demain. Le moment venu donc pour Euro-pen (European Progressive Economists Network) de mettre en garde les électeurs sur la politique d’austérité actuelle, alimentée par le parlement européen où le Parti Populaire Européen (conservateurs, centre-droite, démocrates-chrétiens) est majoritaire. « Stagnation économique, montée des inégalités, progression des mouvements nationalistes », la cinquentaine d’économistes signataires de l’appel pour « une autre route pour l’Europe », tirent un bilan économique désastreux, à la veille des élections européennes, bien loin de ce qu’ils avaient pu imaginer de l’Europe en 2009, celle « qui promettait des progrès économiques et sociaux, l’extension de la démocratie et des droits sociaux ». Une Europe austéritaire, qu’ils n’espèrent donc pas retrouver après l’élection du 25 mai. Pour cela, ils prennent la plume pour démontrer aux électeurs « qu’un changement radical des politiques européennes est possible », en cinq axes.

En finir avec l’austérité. Les politiques budgétaires restrictives de l’UE doivent être changées, en particulier le Pacte de stabilité et de croissance comme le Traité budgétaire doivent être abandonnés. Les règles budgétaires doivent être remises en cause et l’objectif d’équilibre structurel pour les soldes publics devrait être remplacé par une stratégie économique coordonnée qui permette aux États membres de suivre la politique budgétaire nécessaire pour sortir de la crise. Sans une forte stimulation de la demande, il n’y a aucune issue à la stagnation actuelle. Des investissements publics pour une transition écologique devraient jouer un rôle majeur, financés au niveau européen par un grand programme de prêts de la Banque européenne d’investissement. Un plan européen d’investissements publics est nécessaire pour reconstruire des activités économiques de développement durable et qui fournissent des emplois de qualité. Ces actions devraient être au coeur d’une nouvelle politique industrielle pour l’Europe, orientée vers un objectif de long terme : une transformation sociale et écologique de notre modèle économique, avec une réduction déterminante de la consommation d’énergies non renouvelables.

Contrôler la finance. Face à la déflation et au cercle vicieux des politiques restrictives, de la dépression et de la concurrence par la baisse des salaires, la politique monétaire de la zone euro doit changer radicalement, pour permettre à l’inflation de revenir à au moins 2 %. La Banque centrale européenne doit fournir des liquidités pour des politiques expansionnistes et agir comme prêteur en dernier ressort pour les dettes publiques. Le problème des dettes publiques doit être résolu par une responsabilité commune de la zone euro et par la restructuration des dettes. Des « euro-obligations » devraient être introduites non seulement pour financer la dette publique, mais aussi pour financer la conversion écologique de l’économie européenne. Une réduction radicale de la taille du secteur financier est nécessaire, via une taxe sur les transactions financières, l’élimination de la finance spéculative et le contrôle des mouvements de capitaux. Les règles émergentes de la nouvelle Union bancaire ne s’attaquent pas aux défauts fondamentaux ni à l’instabilité du système financier ; des règles plus strictes devraient interdire les activités financières les plus spéculatives et les plus risquées, et il faudrait introduire une séparation stricte entre banques commerciales et d’investissement. Les centres financiers « offshore » et les paradis fiscaux de l’Union européenne doivent être éliminés grâce à une harmonisation fiscale et une régulation financière plus stricte.

Développer l’emploi, réduire les divergences économiques. Le taux de chômage dans l’Union européenne a atteint un niveau record. C’est une source de faiblesse économique et de désintégration sociale ; la création d’emplois nouveaux dans des activités économiques socialement et écologiquement durables devrait devenir une priorité politique majeure. Au sein de la zone euro, les grands déséquilibres des comptes courants devraient être réduits en obligeant aussi les pays excédentaires à s’ajuster. On devrait mettre fin à la pression pour réduire les salaires et les droits des travailleurs ; la compétitivité ne devrait pas reposer sur des salaires plus bas, mais sur lune productivité et des investissements plus élevés . Un salaire minimum au niveau européen – ajusté pour chaque pays selon son PIB par habitant – devrait être mis en place.

Réduire les inégalités. Les inégalités ont atteint des niveaux record, ce qui empêche un retour à une croissance équitable. Le modèle social européen devrait être défendu et développé par des politiques de redistribution, de protection sociale et d’assistance fondées sur la solidarité à l’échelle européenne. Afin de réduire les inégalités et de défendre l’État-providence, des changements profonds des systèmes fiscaux sont nécessaires, avec une harmonisation fiscale en Europe qui empêche les grandes entreprises d’échapper à l’imposition des bénéfices, et un transfert de la taxation assise sur le travail à celle assise sur la richesse et des ressources non renouvelables.

Développer la démocratie. Les décisions de politique économique devraient être soumises à un contrôle démocratique. Nous devons empêcher les banquiers, les technocrates et les lobbies financiers ou industriels de peser sur des décisions qui nous concernent tous. La démocratie devrait être étendue, avec un plus grand contrôle des parlements et la participation des citoyens au niveau national et européen. En réponse à la crise, la place de l’action publique devrait être élargie dans le domaine des activités économiques, y compris le secteur financier et bancaire, le renouveau productif et les services publics. Les négociations en cours sur le Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP ou TAFTA) envisagent une réduction majeure des processus démocratiques, des marges d’action et des réglementations publiques ; stopper ces négociations devrait être une priorité politique majeure du nouveau parlement.

Rejetant la coalition « entre le centre droit et le centre gauche » qui gouverne l’Europe d’aujourd’hui, Euro-pen prône une alliance « progressiste », où justice sociale, responsabilité environnementale et démocratie, seraient les piliers phare d’une Europe « forte » "sans revendiquer tel ou tel parti car nous souhaitons rester une organisation sans étiquette politique," précise Dany Lang, maître de conférences en économie à l’Université Paris 13 et membre de l’association les "Economistes Atterés". De fait, les organisations membres de ce réseau européen, telles que les Economistes Atterrés, EuroMemo, Beigewum, Econonuestra, The Transnational Institute, invitent les citoyens à voter pour « les forces politiques européennes qui s’engageraient à défendre leur alternative politique et économique ».


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