Frayeurs pour Mastercard et le dollar

jeudi 1er mai 2014.
 

C’est officiel, le parlement russe vient d’adopter après 3ème lecture la mise en place d’un système national de cartes de paiement. Cet évènement n’est pas anodin, et les conséquences qui vont en découler rendent très nerveux le monde économique, à commencer par les systèmes de paiement américains qui vont voir s’envoler 40% du marché mondial.

MasterCard préoccupé

Le groupe de cartes bancaires MasterCard, vivement critiqué par Moscou pour avoir bloqué à titre de sanctions les opérations des banques Rossia et SMP, a exprimé vendredi sa préoccupation face à la décision de la Russie de créer son propre système national de paiement.

« La Russie constitue un marché d’importance stratégique pour MasterCard. En Russie, comme dans le reste du monde, nous travaillons en stricte conformité avec la législation locale. Voici pourquoi nous sommes profondément préoccupés par l’adoption d’amendements à la Loi fédérale sur le système national de paiement et étudions actuellement les conséquences possibles de ces aménagements pour nos propres activités d’affaires et celles de nos partenaires », , lit-on dans le communiqué de MasterCard. La Douma (chambre basse du parlement russe) a adopté vendredi en deuxième et troisième lectures un projet de loi prévoyant la mise en place en Russie d’un système national de cartes de paiement (NSPK).

Suite au rattachement de la Crimée à la Russie, les Etats-Unis et l’Union européenne ont décrété une série de sanctions contre des responsables politiques et des hommes d’affaires russes, ainsi que contre la banque Rossia et sa filiale SMP. Les groupes de cartes bancaires Visa et MasterCard ont cessé sans préavis de fournir leurs services de paiement aux clients de ces institutions financières.

Le président Vladimir Poutine a estimé que les groupes Visa et MasterCard risquaient de perdre le marché russe pour avoir « cédé à des pressions politiques extérieures ». Selon certains économistes, Visa et MasterCard assurent actuellement jusqu’à 90% des paiements effectués par cartes bancaires à l’intérieur de la Russie ( Source Ria novosti ).

D’autres informations confirment une mise en place relativement rapide, comme l’explique Andrey Nesterov, directeur des communications d’entreprise à la carte électronique universel : « Le système de paiement PRO 100 est technologiquement prêt pour fournir le traitement national dans un proche avenir. Nous estimons que cela prendra quelques mois, comme les principales banques russes, qui représentent plus de 40 pour cent du marché, sont déjà reliées au système de paiement PRO 100… » ( Source Russia today ).

Ajoutez à cela les sanctions énergétiques que peuvent infliger la Russie à l’Union Européenne [1], qui n’ont pas encore eu lieu mais qui pourraient rapidement se concrétiser en cas de conflit, ou si personne ne paie l’ardoise ukrainienne. De plus, aux nouvelles alliances économiques énergétiques récemment tissées entre Moscou et la Chine [2], qui elle-même tourne le dos au dollar [3][4], Moscou et Pékin viennent d’affirmer leur coopération pour construire un port en eau profonde en Crimée [5], indiquant une nouvelles fois qu’elle n’a pas l’intention de céder à la pression politique de l’Occident ni de sacrifier ses intérêts commerciaux à cause de la crise ukrainienne.

Comme si cela ne suffisait pas, La Russie et l’Iran ont annoncé des négociations sur les fournitures de produits russes en échange de pétrole iranien [6][7], accord qui inquiète également les Etats-Unis car il contourne le régime de sanctions frappant Téhéran. C’est l’occasion pour Vladimir Poutine de rappeler qu’il dispose d’un atout supplémentaire dans le rapport de force actuel.

Au vu de ce qui lui pend au nez, il apparait que ce ne soit maintenant plus qu’une question de mois avant que l’aigle étoilé se ratatine sur son perchoir, entrainant avec lui l’économie des pays adossés au dollar américain ne possédant pas d’autre alternative. Cette chute de l’empire américain maintes fois annoncée pourrait donc provenir de son propre fait, et qu’Obama a eu comme on dit les « yeux plus gros que le ventre », retournant contre lui les sanctions brandies contre la Russie.

Le mois dernier, le sujet avait déjà été évoqué par un spécialiste américain qui exprimait ses craintes vis à vis de ce qui est en train de se réaliser, et qui annonce le crash économique tant redouté et maintes fois repoussé par les États-unis.

Une Bombe pour le pétrodollar

La Russie est capable de détruire l’économie américaine, a déclaré le célèbre trader Jim Sinclair. Connu pour l’exactitude de ses prévisions l’économiste explique que le dollar puise sa force dans un accord conclu avec l’Arabie saoudite selon lequel les contrats de fourniture d’hydrocarbures doivent être libellés en dollar américain. Moscou est tout à fait capable de faire chuter le pétrodollar.

Adopter des sanctions contre la Russie revient à « se tirer une balle dans la jambe ». Les sanctions ne feront que pousser Moscou à créer son propre système de paiements international et à prendre d’autres mesures de rétorsion, est convaincu Jim Sinclair. Le pétrodollar constitue aujourd’hui la seule vraie valeur, explique l’expert, et la Russie pourrait facilement le faire chuter en exigeant le paiement non plus en dollar, mais en euro ou en yuan pour ses livraisons de pétrole.

Est-ce que Moscou veut que la situation prenne cette tournure ? L’Occident menace d’exclure la Russie du système de paiements interbancaires SWIFT en guise de punition pour la politique russe en Ukraine. Mais dans ce cas il ne faudra même pas passer à une autre monnaie car les sanctions se retourneront alors contre ceux qui les ont adoptées, est convaincu le professeur Alexandre Abramov du département de marché boursier de l’Ecole des hautes études en sciences économiques.

« Du point de vue technique est il est assez facile d’exclure la Russie du système en bloquant les adresses des banques russes. Mais il s’agit d’un des principaux systèmes utilisés par les banques pour des paiements internationaux. Il est peu probable qu’aujourd’hui les États-Unis ou l’Europe souhaitent recourir à cette mesure parce que les systèmes bancaires sont imbriqués les uns dans les autres et si les banques russes ne peuvent plus utiliser ce système, ils seront en retard de paiement face à leurs partenaires à l’Occident. Ce sera alors le choc pour le système financier et ceci est un danger bien plus réel que le paiement des livraisons de pétrole en euro. Il me semble que le secteur financier qui sort à peine de la crise, n’a aucun intérêt à recevoir ce genre de chocs. »

Le sort du pétrodollar est entre les mains de la Russie qui peut provoquer le plus grand krach de Dow Jones de l’histoire. On a beau brandir la bannière étoilée, la réalité est là : les Russes sont capables de bouleverser l’économie américaine, met en garde Jim Sinclair.

Moscou ne se dépêche pas d’adopter des mesures mais a l’intention de répondre de « façon symétrique ». Quant aux sanctions économiques, elles ne seront pas efficaces et ne feront que pousser les Russes à agir. Le refus temporaire des systèmes Visa et MasterCard de fournir leurs services à certaines banques mondiales a déjà fait les pouvoirs russes décider la création d’un système de paiements russe. Les partenaires de longue date, tels que Siemens, par exemple, ne tarderont pas à conclure de nouveaux contrats avec les Russes. Eux, ils ne semblent pas vouloir « se tirer une balle dans la jambe »


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