Elections municipales : chronique d’un désastre annoncé

samedi 5 avril 2014.
 

Le deuxième tour des élections a donc amplifié les résultats du premier, et le bilan est celui d’un désastre. Confronté à une politique gouvernementale qui a consciencieusement sapé sa base sociale du 6 mai 2012, le peuple de gauche s’est massivement abstenu et le PS perd 155 villes de plus de 9.000 habitants. Analyse.

Deux ans après la défaite de Nicolas Sarkozy, l’UMP obtient un triomphe et emporte un succès supérieur à celui, pourtant historique, de 1983. Bien que lourdement lesté par les affaires et ses difficultés de leadership, le principal parti d’opposition gagne de très nombreuses villes. L’électorat de droite s’est fortement mobilisé pour infliger une lourde sanction au gouvernement de François Hollande. Des villes socialistes depuis plus de cent ans, comme Limoges, basculent de gauche à droite.

Le Front de gauche pas épargné

À la victoire de la droite s’ajoutent les bons résultats du Front national. Celui-ci a emporté quelques mairies, la plus symbolique étant certainement celle du 7e secteur à Marseille (13 et 14° arrondissement) et ses 155.000 mille habitants. Surtout, en obtenant autour de 1.200 conseillers municipaux dans plusieurs centaines de mairies, il obtient les élus et les tribunes qui vont lui permettre de poursuivre son enracinement lors des six prochaines années. La prochaine échéance, celle des élections européennes, peut lui offrir une nouvelle progression le faisant passer nettement devant le Parti socialiste, voire en le posant comme la principale formation politique française.

Les mairies dirigées par le Front de gauche ne sont pas épargnées par la sanction qui frappe la gauche. Avant ces élections municipales, le Front de gauche dirigeait 28 villes de plus de 30.000 habitants, il ne lui en reste que 21. Certes, Montreuil aura un maire communiste avec la victoire de Patrice Bessac. Mais en vertu des accords de l’entre-deux tours avec EELV et la liste PS de Razzy Hammadi, le Front de gauche est clairement minoritaire au sein de cette liste Bessac. Les victoires du Front de gauche à Aubervilliers ou Thiers n’effacent pas les nombreuses pertes, un peu partout en France. Globalement, le PCF perd 30% de ses mairies de plus de 3.500 habitants.

Le radeau de la Méduse socialiste

Quels enseignements seront tirés par l’exécutif après de si brillants résultats, il est encore trop tôt pour le dire. Immanquablement, le casting va être profondément modifié, et il apparaît aujourd’hui impossible que Jean-Marc Ayrault demeure à son poste de Premier ministre. Déjà, de nombreux socialistes regardent fixement leur téléphone avec l’espoir plus ou moins secret de monter sur le radeau de la Méduse. Pour ce qui est de la politique menée, il n’y a de toute évidence pas grand-chose à attendre. À la sortie du Conseil des ministres du 26 Mars, Marylise Lebranchu a asséné un peu rassurant « Il faut qu’on aille plus fort, plus vite, plus clairement et avec plus de justice » – signe que les élites socialistes n’ont absolument tiré aucun enseignement d’une raclée électorale pourtant historique.

Sur son blog, Noël Mamère, a fort bien résumé la situation : « Le fait que sondeurs et politiques n’aient rien vu venir est révélateur d’une certaine forme de cécité de cette France du « dedans », vivant dans l’entre-soi, hors-sol, devenue incapable de regarder le pays en face, avec ses frustrations, ses attentes, sa souffrance. Pourtant, les signaux d’alarme n’ont pas manqué depuis quelques années. Par exemple, ce rapport de Jean-Paul Delevoye, l’ancien médiateur de la République, sous Sarkozy, démontrant que près de quinze millions de Français ne savent pas comment finir le mois, à 40 euros près. Sans compter les nombreux avertissements des associations caritatives, des ONG, les enquêtes de sociologues. La gauche, qui prétend lutter contre les injustices sociales et dont l’ennemi serait la finance, n’a pas été prise en traître. Elle savait, mais elle n’a pas voulu voir, parce que voir aurait été accepter l’échec de sa politique de justice sociale. »

Le constat étant partagé, il reste maintenant à construire un projet, une organisation à la hauteur des enjeux et des attentes des Français. Le Front de gauche, s’il est capable de s’ouvrir, peut être l’instrument d’un tel renouveau. Cela suppose de s’affranchir des multiples intérêts particuliers qui forment autant d’obstacles à un vrai renouveau politique.

Guillaume Liégard, 31 mars 2014


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