Tenir la parole donnée à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie depuis 1998

jeudi 22 février 2007.
 

Intervention de René Dosière au nom du groupe socialiste au congrès du Parlement sur le le projet de loi constitutionnelle relatif au corps électoral spécial de la Nouvelle-Calédonie.

Le congrès a adopté largement cette loi.

Adopter ce texte, c’est d’abord respecter la parole de la France, donnée par le chef de l’État, par trois Premiers ministres et quatre ministres de l’outre-mer, ainsi que par la représentation nationale à deux reprises. C’est aussi faire vivre pleinement l’accord de Nouméa signé en 1998 entre l’État, des indépendantistes patients et des anti-indépendantistes réalistes.

Prolongeant pour vingt ans l’accord de Matignon, celui de Nouméa propose aux citoyens calédoniens de construire un destin commun. Ceux qui bénéficient de cette citoyenneté (les définir est important) auront le droit de vote aux élections provinciales de 2009 et 2014, qui seront décisives. Ils doivent justifier d’un lien fort avec le pays, qui s’exprime par dix ans de présence. Se rappelant les pratiques électorales auxquelles on eut recours autrefois dans les colonies (je pense à l’Algérie notamment), les socialistes approuvent l’exigence des Kanaks de confier aux seuls Calédoniens présents en 1998 la mise en œuvre des accords, à l’exclusion des nouveaux arrivants.

Une interprétation malheureuse du Conseil constitutionnel a jeté le trouble dans les esprits. Aujourd’hui, nous allons le dissiper définitivement.

N’ayant rien oublié des drames de la décolonisation, Michel Rocard et Lionel Jospin, deux hommes d’État auxquels les socialistes sont fiers de rendre hommage de leur vivant, ont innové pour assurer à la Nouvelle-Calédonie une décolonisation pacifique.

L’accord de Nouméa comporte en effet des innovations constitutionnelles : l’attribution au Congrès de la Nouvelle-Calédonie d’un pouvoir législatif véritable, puisque les lois de pays sont soumises directement au Conseil constitutionnel ; la formation d’un gouvernement local composé, obligatoirement, de membres issus de toutes les forces politiques de Nouvelle-Calédonie ; la pleine reconnaissance de l’identité kanak, ce qui rend nécessaire le recueil de données démographiques sur une base ethnique, disposition qui n’a pas été respectée lors du dernier recensement ; enfin, la priorité en matière d’emploi en faveur des citoyens calédoniens.

Une telle remise en cause des fondements de notre ordre démocratique ne manque pas de susciter l’hostilité de tous ceux qui craignent sa transposition dans d’autres territoires de la République.

En réalité, comme le souligne le constitutionnaliste Guy Carcassonne, « il s’agit moins de dispositions constitutionnelles particulières que d’une autre constitution, celle de la Nouvelle-Calédonie, que notre texte de 1958, bien accueillant, abrite dans son titre XIII ».

Il reste dix ans pour construire une Nouvelle-Calédonie plus unie, plus juste et plus prospère. Le travail à accomplir est considérable pour diversifier l’économie et pour la rééquilibrer géographiquement, notamment par la création d’autres usines métallurgiques, pour donner à chaque communauté sa juste place et pour offrir à tous un logement décent, une formation et un travail.

La paix ne peut s’obtenir par une simple proclamation. Elle doit se nourrir en permanence de l’esprit qui a permis de l’établir et en particulier de l’esprit de dialogue.

L’application de l’accord de Nouméa dépend fondamentalement des partenaires calédoniens, auxquels je rends hommage aujourd’hui. Ils ont eu le courage d’accepter le compromis, de l’expliquer et de l’appliquer. Certains sont dans les tribunes du public, d’autres sur les bancs du Congrès. Je n’exclus pas de cet hommage les parlementaires de Nouvelle-Calédonie malgré le vote négatif qu’ils vont émettre. Je souhaite seulement que, surmontant les péripéties locales, ils retrouvent leur place parmi les signataires pour continuer d’apporter leur pierre à la construction de la maison commune dont ils ont posé les fondations.

Aujourd’hui, il s’agit de tenir la parole de la France, pour que plus jamais la Nouvelle-Calédonie ne connaisse les drames qui l’ont endeuillée et qui n’étaient dignes ni d’elle ni de la France. La Nouvelle-Calédonie mérite que nous fassions taire nos divergences pour aller à l’essentiel : effacer les blessures de l’histoire par une décolonisation sans rupture


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