Pacte de responsabilité : l’austérité jusqu’en 2017

mardi 25 février 2014.
 

François Hollande a annoncé un nouveau cadeau aux actionnaires. Avec son « pacte de responsabilité », il annonce vouloir supprimer les cotisations sociales patronales versées à la branche famille de la Sécurité Sociale. Cela représente 35 milliards d’euros de recettes annuelles pour la Sécu. Mais F. Hollande parle de « 30 milliards » car il n’entend pas supprimer les cotisations payées par les employeurs publics, soit environ 5 milliards d’euros.

Dans le détail, F. Hollande propose d’ajouter 10 milliards d’euros de baisses de cotisations sociales aux 20 milliards d’euros déjà offerts au patronat sous la forme du Crédit d’impôt compétitivité (CICE) voté en novembre 2012. F. Hollande laisse même le soin au MEDEF de choisir les modalités de cet ajout. Première option, supprimer en même temps le CICE et la totalité des cotisations familiales : le patronat perdrait 20 milliards d’euros d’une main pour en gagner 30 de l’autre. Deuxième option, garder le CICE et lui ajouter un complément en supprimant une partie des cotisations familiales à hauteur de 10 milliards d’euros. Dans les deux cas, cela revient à ponctionner 10 milliards d’euros supplémentaires dans la poche des salariés pour les donner aux employeurs. C’est-à-dire à baisser les salaires puisque les cotisations sociales font partie du salaire socialisé, versé sous forme de prestations sociales.

Confirmation économique malgré l’échec

C’est une aggravation de l’orientation libérale de F. Hollande et une confirmation du choix de la « politique de l’offre » qui vise à baisser le prétendu « coût du travail » pour « alléger les contraintes des entreprises » en espérant que celles-ci finissent par embaucher. F. Hollande a même franchi un cap idéologique en reprenant une théorie archaïque formulée en 1803 par l’économiste libéral Jean-Baptiste Say selon laquelle « l’offre crée la demande ». Le prix Nobel d’économie Paul Krugman a violemment critiqué F. Hollande dans un éditorial du New York Times : « ce qui est choquant, c’est qu’il ait épousé des doctrines de droite discréditées depuis longtemps. […] Des conservateurs mal avisés et bornés ont bien entendu été à l’initiative de ces politiques, mais elles ont ensuite été reprises et mise en œuvre par des politiciens invertébrés et lâches de la gauche modérée. […] C’est le cas de M.Hollande, qui en annonçant sa volonté de réduire les impôts sur les entreprises tout en diminuant les dépenses (sans plus de détails) pour en supporter le coût, a déclaré “c’est sur l’offre que nous devons agir,” […] Cela est tout simplement faux, […]. Tous les faits montrent que la France est en excès de ressources productives, à la fois en travail et en capital, lesquels restent inutilisés du fait d’une demande trop faible. […] Lorsque M.Hollande devint le leader de la deuxième économie de la zone euro, certains espéraient qu’il prendrait un autre tournant. Au lieu de quoi, il s’est recroquevillé comme les autres dans ce que l’on pourrait appeler un effondrement intellectuel. Et la seconde dépression européenne se poursuit… ». Les enquêtes mensuelles réalisées par l’INSEE invalident aussi la politique de F. Hollande : seuls 19% des employeurs disent rencontrer des problèmes d’offre !

Cette politique est un échec comme le montre la hausse continue du chômage avec plus de 1000 inscrits supplémentaires à Pôle Emploi par jour depuis mai 2012. Mais F. Hollande s’entête : pour lui, si sa politique ne marche pas, ce n’est pas parce qu’elle ne va pas dans le bon sens, c’est parce qu’elle ne va pas assez loin !

Tournant politique

Si l’annonce du « pacte de responsabilité » marque bien un tournant, c’est sur le plan politique. Avec cette annonce, F. Hollande balaye définitivement son projet présidentiel. Jusqu’ici, il y avait renoncé point par point. Avec le « pacte de responsabilité », c’est la logique globale qu’il foule aux pieds. En effet, le 26 janvier 2012, le candidat Hollande avait promis « un quinquennat en deux temps ». D’abord le « redressement » et les « réformes structurelles », « ensuite, il y aura le deuxième temps du quinquennat […] : alors nous pourrons aller plus loin dans la redistribution et c’est là que nous pourrons regarder les questions de rémunération et de réformes sociales ». Or dans sa conférence de presse du 14 janvier, F. Hollande a pris le contre-pied de ce discours. Il annonce que « d’ici 2017 » et la fin du quinquennat, il poursuivra la même politique : la fin des cotisations familiales est un « objectif d’ici 2017 ». Une nouvelle loi de programmation des finances publiques pour réaliser « 50 milliards d’euros d’économies supplémentaires » portera sur la période 2015-2017. Il n’y aura donc aucune « redistribution » mais bel et bien une aggravation de l’austérité.

Le changement de logique politique est confirmé par la décision « d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale » comme le permet l’article 49-1 « sur [un] programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale ». Jean-Marc Ayrault l’a utilisé, comme de coutume, au début de mandature. Avec ce nouveau vote de confiance, la logique est claire : contraindre les députés PS, PRG, MRC et EELV a validé ce cap « jusqu’en 2017 » dès ce printemps. En somme, F. Hollande met les parlementaires de sa majorité au pied du mur : ils doivent s’opposer lors de ce vote ou se taire jusqu’à la fin du quinquennat. Le gouvernement ayant précisé que vote de confiance aurait lieu à l’Assemblée « entre le 25 mai et le 30 juin » prochain, les élections européennes du 25 mai seront l’occasion d’adresser un clair vote de défiance populaire à F. Hollande. Avant de voir grossir l’opposition de gauche au Parlement ?

Mathias Tavel


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