Pouria Amirshahi (député PS) : "À gauche, les lignes ne peuvent que bouger"

lundi 10 février 2014.
 

Le député PS Pouria Amirshahi lance un pavé dans la mare 
en appelant 
les socialistes 
à retrouver 
le chemin 
de l’espérance tracé lors 
du discours 
du Bourget. 
Pour l’élu, le pacte 
de responsabilité est voué à l’échec. Entretien.

Député PS de la 9e circonscription des Français de l’étranger, ancien président de l’Unef, Pouria Amirshahi exprime avec vigueur ce qui se dit désormais dans la majorité sur la politique suivie par François Hollande, au-delà du courant auquel il appartient, 
Un monde d’avance, qui regroupe les amis de Benoît 
Hamon et Henri Emmanuelli. Il lance un appel à tous les socialistes à « reprendre le chemin du 6 mai ».

Ainsi, le pacte de responsabilité, qui « permettrait aux entreprises d’échapper à l’effort 
de redressement demandé 
à tous et diminuerait 
les capacités de la puissance publique par une baisse drastique et programmée 
des budgets », illustre un double renoncement, dites-vous  ?

Pouria Amirshahi. Le premier renoncement, avec la philosophie de la baisse des cotisations sociales, est la diminution de la capacité de l’État à se donner les moyens de reconstruire notre appareil productif. Le second renoncement, ou en tout cas déni, par rapport à la feuille de route initiale, est ce quinquennat en deux temps, deux ans de rigueur pour faire vite, et trois ans de relance. On nous dit désormais que ce sera cinq ans de rigueur en continu  : ce n’est plus simplement le discours du Bourget que l’on met dans le rétroviseur, c’est aussi cette feuille de route-là, qui avait été acceptée en 2012 parce qu’elle donnait un horizon de relance. Tous les pays qui sont dans des stratégies de relance pour le nouveau monde qui s’ouvre procèdent à des investissements massifs et agissent sur plusieurs leviers  : le levier monétaire lorsqu’ils en disposent – ce n’est pas le cas de l’Union européenne aujourd’hui, c’est un problème –, le levier du déficit – celui de 
la dette ou de l’inflation. L’investissement n’est pas de l’argent perdu.

Même le président américain Barack Obama se prononce pour une hausse substantielle du salaire minimum…

Pouria Amirshahi. On en vient aux contreparties. À partir du moment où l’on acte qu’un virage est pris, le seul espace ouvert par le président de la République est là. Je vois trois niveaux d’exigence  : les salaires, l’emploi, l’investissement. Si les entreprises s’engagent clairement de manière chiffrée, avec des conditionnalités, alors ce sera un plus pour les salariés. Pour l’heure, avec les seuls engagements très évasifs de M. Gattaz, on ne va pas beaucoup avancer. C’est pourquoi il faut des formes de mobilisation, car nous sommes nombreux à penser ce que je vous dis là et à être en capacité de sortir d’un débat finalement assez pauvre entre la stricte fidélité à ses idées 
et la totale loyauté à l’égard d’un homme.

Jusqu’à présent, votre courant, 
Un monde d’avance, 
semblait en retrait pour, 
en somme, «  laisser 
sa chance  » au chef 
de l’État. Le ton est-il en train de changer  ?

Pouria Amirshahi. Ce n’est pas le seul reflet d’un courant ou d’une chapelle. C’est un état d’esprit partagé par de nombreux responsables socialistes de renouer avec l’esprit du Bourget et porter un autre modèle de société. «  Donner sa chance  » était légitime et loyal, mais la loyauté est à double sens et vaut d’abord par rapport aux engagements pris. Chacun avait conscience que ce serait long, mais chacun avait l’ardent désir aussi de voir, étape par étape, le cours des choses, en Europe comme en France, s’inverser. Le sursaut collectif, de toute façon, viendra  ; dans le débat sur le pacte de responsabilité ou sur un autre sujet, il se construira, car on voit bien que ce n’est pas simplement la question économique qui est au cœur de notre préoccupation, c’est le sens global de notre engagement aujourd’hui. Et peut-être aussi notre capacité à mobiliser notre camp, car même quand nous faisons de bonnes réformes, nous sommes bien en peine de dire que la gauche est en situation de consolider la République. Il faut des signes concrets, dans les partis et entre les partis, dans les associations et entre les associations, que le drapeau du Bourget est à nouveau hissé. Les semaines qui viennent seront marquées, à n’en pas douter, par de nouveaux jalons, c’est indispensable, sauf à considérer qu’il n’y a qu’une seule politique possible. La gauche est ainsi faite que les lignes vont bouger, c’est une évidence et je le souhaite.

« L’écrasante majorité des Français pour la PMA ». Rétropédalage sur le projet de loi famille  : Jean-Marc Ayrault a assuré jeudi que le gouvernement était disposé à «  examiner sans tarder  » certains 
aspects contenus dans l’avant-projet, dont le report 
a entraîné des critiques dans la majorité. 
Par exemple, «  il y a des pères divorcés qui montent 
dans les grues […], ça exprime un malaise  », 
selon le premier ministre. «  Je comprends que 
l’on cherche à apaiser le climat, objecte Pouria 
Amirshahi, mais n’oublions pas l’écrasante 
majorité de Français en faveur de la PMA. Après 
la mobilisation de 30 000 personnes en soutien au droit à l’avortement en Espagne, donner à ce point satisfaction à l’ultraréaction qui parade aujourd’hui coupe les pattes à ceux qui se mobilisent pour l’égalité des droits et la reconnaissance 
de toutes les familles. Il y a sur les questions 
de droit, de libertés, des esprits éclairés, nombreux, contrairement à ce que le discours ambiant laisse entendre, et disponibles pour progresser 
et non régresser. Encore faut-il les soutenir, 
les encourager et les faire aboutir par la loi.  »

Entretien réalisé par Lionel Venturini, L’Humanité


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