Faire avancer pour de bon l’égalité est la seule manière de gagner la bataille de la fraternité

jeudi 6 février 2014.
 

Pour contester la prétention de la gauche à l’égalité, la droite dispose de deux registres qui ne se recouvrent pas nécessairement. Leur mécanique est identique : renvoyer l’égalité au rang d’utopie dangereuse au nom d’une réalité inégalitaire en apparence incontestable.

L’inégalité ne règne-t-elle pas dans le domaine économique ? La droite néolibérale le justifie en décrétant l’égalité contraire aux lois économiques. L’égalité fausserait la compétition en protégeant les moins bons et dissuaderait donc l’effort et le talent. Un refrain entendu jusque dans la bouche des néolibéraux qui font carrière à gauche… C’est le problème ! Depuis le tournant de Hollande, cette orientation ne permet pas de s’opposer frontalement au pouvoir, quand elle ne conduit pas comme Gattaz à lui répondre « chiche ».

Il existe une seconde manière, plus radicale, de contester l’égalité. C’est de la prétendre contraire à la nature. Nous naissons petits ou grands, gros ou maigres. Puisque tous les êtres sont différents, ils ne peuvent être égaux. Cette volonté d’inscrire la hiérarchie des personnes dans un ordre naturel s’exerce surtout contre la revendication d’égalité des sexes. Car la principale différence biologique qui nous sépare est de naître homme ou femme. L’anti-féminisme peut aussi glisser vers une condamnation de l’homosexualité comme contraire à la nature. C’est là que se sont opérées les jonctions entre secteurs de droite et d’extrême-droite révélées par la manifestation Jour de colère. Le racisme participe en effet de la même recherche d’une justification biologique de l’inégalité.

La droite a perdu la présidentielle, il est donc logique qu’elle soit traversée de débats sur les causes de la défaite et les moyens de rebondir. Ses controverses sont d’autant plus vives qu’elle y a aussi perdu son leader. La manifestation de dimanche dernier s’inscrit donc dans un contexte de refondation de la droite. Elle montre combien le second courant a pris l’ascendant.

C’est leur affaire et « A gauche » n’a pas à s’intéresser à la refondation de la droite ? C’est aussi la nôtre. D’abord car l’histoire de notre pays nous enseigne le risque de glissement fasciste. Mais aussi parce que le système politique n’est pas hémiplégique. Les deux côtés de l’échiquier interagissent sans cesse. Ce processus à droite est aussi un fruit pourri, et un objectif, du hollandisme. Lorsque Badinter s’inquiète à juste titre d’un retour des années 30, il ne voit pas que le gouvernement mène une politique des années 30. Quand Valls évoque l’émergence d’un Tea Party, il fait mine d’oublier que celui-ci dut son essor à la convergence économique entre les républicains et les démocrates, conséquence de la ligne démocrate dont il est un adepte. C’est même son calcul car après avoir dominé le camp républicain, le Tea Party l’a conduit à la défaite électorale…

Lorsque le ministre de l’Intérieur-chef solférinien des municipales-candidat à Matignon-toujours prêt pour l’Elysée s’exclame que « la gauche doit se réveiller », s’adresse-t-il à Valls qui n’a toujours pas rétabli les titres de séjours pluriannuels, à Touraine qui ferme les centres IVG, à Ayrault qui n’a pas réglé le « problème rom » en créant les villages d’insertion et logeant 20000 personnes, à Hollande incapable de baisser le chômage ? Non bien sûr. Mais nous oui. Agir dans ce sens impliquerait certes de se fâcher avec Gattaz et Merkel. Et d’assumer l’affrontement sur le terrain du partage des richesses. Mais faire avancer pour de bon l’égalité est la seule manière de gagner la bataille de la fraternité.


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