Ségolène Royal veut repartir du bon pied (gauche) à Villepinte (A Gauche)

dimanche 18 février 2007.
 

Que faire lorsque l’on vous dit que vous perdez pied ? Repartir là où on sent un point d’appui résister sur le sol qui se dérobe. Dimanche dernier à Villepinte, Ségolène Royal a donc décidé de relancer sa campagne du pied gauche. Bien sûr le détail des mesures du pacte présidentiel n’a pas fait disparaître les points de désaccords que nous avons exposés dans ces colonnes pendant le débat de la désignation socialiste. Mais le moment n’est plus d’en dresser la liste. Je préfère à cette heure retenir la volonté salutaire de repartir du bon pied.

Car il y a urgence. Personne à gauche n’est dans la position de compter les points, marquant ici ou là d’un sonore « je l’avais bien dit » que les difficultés de la candidate socialiste sont les conséquences funestes d’errements pointés de longue main. Partout à gauche, la crise des organisations atteint des niveaux sans précédent. Au point que tout pourrait être emporté. La gauche et la droite ne sont pas en effet des dimensions inscrites dans l’espace politique comme le haut et le bas le sont dans l’espace physique par la loi naturelle de la gravité. Ce sont des constructions politiques, enracinées dans un combat idéologique et culturel visant consciemment à construire des représentations de soi-même et du monde qui permettent de les changer, l’un comme l’autre. Lorsque ce combat n’est pas mené, voire lorsque nombreux à gauche s’évertuent à en dilapider les acquis, les lois de la physique politique peuvent basculer. Et tout devenir possible.

Des exemples ? Cet électricien sur un marché qui dénonce Royal qui ne fait rien contre la privatisation d’EDF et GDF, alors que la constitution d’un pôle public de l’énergie regroupant les deux entreprises est dans son programme... et annonce « en conséquence » son intention de voter Bayrou, lequel n’a jamais émis la moindre intention de revenir sur les privatisations engagées dans ce secteur. Cet autre qui manifeste la semaine dernière dans un cortège syndical avec ses collègues fonctionnaires et se réjouit du fait que « cinq ans de droite vont nous faire retrouver le goût du pain ». Ces paysans menacés par les réformes libérales qui se jettent aux dernières élections des chambres d’agriculture dans les bras de la droite extrême.

La confusion qui règne dans la gauche d’en bas est en lien direct avec ce qui se passe dans la gauche d’en haut. Refus chez certains de faire la différence entre la gauche et la droite au second tour, incapacité largement partagée à penser la moindre formule permettant le rassemblement de la gauche, abandon généralisé de la bataille culturelle malgré le matraquage des médias dominants, proclamations régulières chez d’autres que sur les questions essentielles, le clivage gauche-droite n’a pas lieu d’être... la liste est longue des choix et attitudes qui produisent l’effacement du sentiment d’appartenance à un même camp, la gauche. Or celui-ci s’opère toujours au profit d’une droite dont les orientations libérales ne satisfont que les intérêts d’une minorité de nos concitoyens. D’ailleurs Sarkozy ne s’y trompe pas lorsqu’il expliquait dimanche dernier à ses comités de soutien que sa campagne aurait à affronter les « vieux clivages si difficiles à dépasser et les vieux réflexes conditionnés par l’éducation ».

Une reconstruction durable du socle électoral de la gauche appellera un effort comparable à celui que déployèrent avec une immense énergie les militants des années du Programme commun. On ne pourra faire l’économie d’une refondation d’ensemble, à la fois idéologique, programmatique et organisationnelle, tirant les leçons du double échec du communisme d’Etat et de la sociale-démocratie. Mais le calendrier d’un tel chantier dépasse largement celui de l’urgence présidentielle. Dans les quelques semaines qui restent avant l’échéance, tâchons au moins de ne pas oublier le B-a-ba d’une conscience de gauche. D’abord, ne rien faire pour aggraver ce qui divise la gauche. Tout ce qui peut au contraire être tenté pour rapprocher les points de vue, maintenir ou renforcer les liens de fraternité militante qui tiennent ici ou là doit être fait. Ensuite, mener une campagne frontale contre la droite. L’adversaire c’est elle. Il y a suffisamment de consciences perdues à éclairer pour éviter de convoiter les maigres vestiges de ses partenaires. Et c’est la droite toute entière qu’il faut affronter : ne laissons ni Bayrou ni Le Pen faire croire qu’ils incarnent un quelconque dépassement du clivage gauche droite. Un double devoir de fraternité avec les siens et de combativité sans failles contre ses adversaires s’impose donc à chacun à gauche.

(article paru dans A Gauche du 13 février 2007)


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