Quand le Medef copilote avec Hollande

dimanche 12 janvier 2014.
 

À Toulouse, le président de la République a repris, jeudi, de nombreux poncifs patronaux sur les « lourdeurs administratives » et leur coût pour l’économie. 
En coulisses, le gouvernement prépare son choc fiscal concernant la protection sociale.

« La France a besoin de ses entreprises. La simplification est une dimension du pacte de responsabilité parce qu’elle contribue à l’allégement des charges. » Pour son premier déplacement présidentiel de l’année, le président de la République a, jeudi à Toulouse (Haute-Garonne), poursuivi sur la lancée résolument sociale-libérale de ses vœux aux Français. Devant une assemblée composée majoritairement de chefs d’entreprise triés sur le volet chez l’avionneur franco-italien ART, à l’abri des salariés de Sanofi, d’EADS et d’Astrium qui manifestaient, tenus à bonne distance par les forces de police, François Hollande aura, dans une intervention d’une vingtaine de minutes, repris de nombreux poncifs patronaux autour de la « paperasse bureaucratique » qui paralyserait les entreprises. Désignant Guillaume Poitrinal, ex-PDG du groupe Unibail-Rodamco, chargé de copiloter le comité de suivi du « choc de simplification » comme inspirateur, il a, au-delà d’un vocabulaire choisi – les « charges » ont été dénoncées à maintes reprises –, justifié la nécessité d’agir contre la « complexité fiscale et administrative ». Selon les calculs de l’OCDE, auxquels se réfère le président, les « lourdeurs administratives » entraîneraient une perte de 60 à 80 milliards d’euros pour les entreprises. « Gagner du temps, c’est gagner de la croissance », estime François Hollande.

Comme le fait régulièrement le Medef, le président de la République raille « les 2 000 lois, 26 000 décrets et 16 000 pages de circulaires produites chaque année pour expliquer ce qu’est la loi et ce qu’est le décret ». Parmi les mesures annoncées pour faciliter la vie des entreprises, François Hollande pointe en particulier une extension de la procédure du « rescrit »  : ce mécanisme obligeant l’administration à garantir une stabilité des règles fiscales aux entreprises sera ainsi élargi à d’autres domaines que la fiscalité.

Un appel à l’union sacrée

« La simplification, c’est un élément stratégique, pas une politique parmi d’autres », avertit encore François Hollande, qui promet de « réduire les normes ». Selon lui, il est possible de « faire que chacun soit gagnant : l’entreprise, le salarié, l’administration, l’agent public et le citoyen lui-même ». Et de lancer un appel à l’union sacrée  : « Rien ne pourra se faire sans les entreprises avec les structures qui les représentent  ; rien ne pourra se faire sans les salariés et leurs représentants dans les entreprises… L’erreur, ça serait d’opposer les uns aux autres. Il faut faire une alliance, le mot pourra surprendre, mais oui, une alliance, car il y a des sujets qui intéressent l’ensemble de la nation. »

Un choc social

Mais derrière le « choc de simplification », c’est un bouleversement dans le financement de la protection sociale que le président de la République et le gouvernement Ayrault préparent avec leur « pacte de responsabilité ». Jeudi, à Toulouse, François Hollande s’est contenté de promettre de « réduire les coûts des charges sur le travail », mais un peu plus tôt dans la matinée, c’est Michel Sapin qui en avait remis une couche sur le sujet. Alors que le haut conseil du financement de la protection sociale doit finaliser le 15 janvier un rapport sur les perspectives financières d’ici à 2060, le ministre du Travail a lancé sur France Culture  : « Pour le retour de la confiance, nous allons jusqu’au bout de ce que nous disons depuis longtemps. La fiscalité des entreprises pèse trop sur la production et pas assez sur le résultat, et le financement de la protection sociale pèse trop sur le travail, alors que cela devrait plus largement être porté par l’ensemble des Français. »

Les coups de boutoir du Medef contre la cotisation sociale et pour un transfert sur la CSG ou la TVA portent manifestement leurs fruits. «  La question du financement de la protection sociale se pose et depuis longtemps, ajoute Michel Sapin. Est-il légitime et normal que par exemple la branche famille soit financée uniquement par le travail  ? La réponse est que ce n’est pas légitime. Mais entre le constat d’une illégitimité et l’action, il y a entre 0 et 35 milliards d’euros.  » Toute la question est de savoir si, avant «  l’action  », le gouvernement et le président de la République vont se décider à entendre autre chose que les suggestions des patrons et à respecter le pacte de responsabilité qu’ils ont avec les Français qui les ont élus en 2012…


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