Ecole privée, école publique (Repère n° 121)

vendredi 16 février 2007.
 

Les écoles privées sont confessionnelles ou commerciales, si l’on admet que ce critère opère une partition. La plupart sont sous contrat d’association, c’est-à-dire que le salaire et la formation de leurs enseignants sont pris en charge par l’Etat, et l’enseignement y est en principe contrôlé par les inspecteurs de l’Education nationale, modulé par le « caractère propre » de ces établissements. Mais on sait que depuis la loi Jospin de 1989, maintenue par la loi Fillon, la notion de caractère propre n’est plus une caractéristique de l’enseignement privé seulement, puisque le projet d’établissement constitue, en principe du moins, un caractère propre de celui-ci.

Il y a tout de même d’importantes différences de fonctionnement entre les établissements privés et publics : on demande aux parents du privé une contribution aux frais, variable, mais surtout les écoles privées peuvent refuser ou renvoyer les élèves indisciplinés ou trop faibles (étudiés au cas par cas).

Ce sont ces différences de fonctionnement, la possibilité de faire régner une discipline plus correcte en ne se soumettant pas à certaines circulaires destructrices de l’Education nationale, qui font l’attrait des écoles privées. Bien plus que la recherche d’une référence religieuse, ou la volonté de fuir certaines populations : la presse avait relevé les cas en Seine-Saint-Denis de familles d’origine maghrébine et de confession musulmane qui mettent leurs filles dans des établissements catholiques pour qu’elles y soient à l’abri des viols ...

Les parents pensent souvent que l’enseignement est de meilleure qualité dans les écoles privées ; c’est le plus souvent faux, à cause du contrat d’association qui oblige les établissements à suivre les programmes de l’Education nationale. Nous ne connaissons à ce sujet que quelques anecdotes, mais nous pourrons à la demande communiquer des énoncés de mathématiques montrant que la misère intellectuelle est partagée, même dans les quartiers luxueux. La vraie différence de niveau d’enseignement se situe chez quelques établissements hors contrat, prestigieux.

D’après les statistiques fournies par le ministère, pour l’année scolaire dernière, environ 13 % des élèves d’âge primaire sont scolarisés dans l’enseignement privé, et 21 % de ceux d’âge secondaire.

Cette différence de pourcentage montre deux choses : comme c’est à l’âge de l’adolescence que se manifestent avec la croissance de la force physique, les désirs d’affrontement avec les adultes, inévitables à la puberté, c’est au collège que les désordres de conduite sont les plus évidents (dans les lycées professionnels le pourcentage est pire) ; si la loi ne permet pas de les encadrer et éduquer, ce qui est hélas le cas, ce sera l’endroit le plus à fuir ; ce que confirme cette statistique. Ce que confirme par ailleurs chez les candidats à l’enseignement la bien plus grande proportion d’aspirants au professorat des écoles, plutôt qu’à l’enseignement secondaire.

les parents ne sont pas assez sensibles à la question pédagogique la plus grave, quant aux contenus et programmes c’est à l’école primaire que se jouent les fondements. Mais l’organisation scolaire, notamment le passage automatique, l’absence de contrôles et examens, l’effet nul de l’évaluation officielle en début de CE2 (comme des autres), font que les parents ne sont pas alertés à temps. Sauf exception. Mais de toute façon, comme les établissements privés suivent la plupart les programmes de l’Education nationale, il ne sert à rien d’y chercher recours.

La question du financement

Les organisations laïques revendiquent généralement « A l’école publique, fonds publics, à l’école privée fonds privés ». Dans l’état actuel des lois et des pratiques, que se passerait-il si on mettait en oeuvre cette revendication ?

Comme les salaires des enseignants du privé sont en grande partie payés par l’Etat, ils devraient donc être pris en charge par leur établissement, c’est-à-dire par les parents ; qui pour une grande part, ne pourront pas. Ils chercheront donc à se rabattre sur l’école publique, ainsi que les enseignants, mis au chômage. Supposons que l’Etat tutélaire réembauche ces enseignants comme fonctionnaires : il faut donc formellement créer au budget ces postes de fonctionnaires : et les directives de Bruxelles ? Ce n’est pas que nous y soyons favorables, au contraire ! Mais elles existent, tant que notre pays n’aura pas claqué la porte des institutions européennes.

Pour accueillir ces élèves supplémentaires, 13 à 21 % d’une classe d’âge, ce qui n’est pas négligeable, il faut de nouveaux locaux, ou racheter les locaux des écoles privées, donc les collectivités locales se trouveront engagées dans des frais importants. A moins que l’on ne réquisitionne ces biens immobiliers ? Or la nationalisation sans rachat ni indemnité de biens privés, surtout de cette ampleur, est une décision politique importante et rare, dans un pays d’économie capitaliste comme le nôtre, elle n’a eu lieu qu’à la Libération par décision du gouvernement gaulliste-communiste.

Par les temps qui courent on ne voit nul programme politique allant jusque là dans la mise en cause de la propriété privée. Pour notre part nous verrions d’un oeil favorable un tel bouleversement (pas seulement pour les écoles ...), mais nous savons que nous ne serons pas suivis. Nous en déduisons qu’une telle revendication est politiquement irréaliste.

De plus, et surtout, regardons l’intérêt des enfants : si on se limite à une modification de propriété des locaux, sans changer le contenu éducatif et pédagogique, c’est-à-dire en laissant les programmes et l’organisation scolaire dans l’état de dégradation actuel, on n’aura fait qu’aggraver la situation : les élèves ne seront pas mieux instruits ni mieux éduqués. Or ce qui est important pour une association familiale, c’est l’amélioration de la situation des enfants et des familles.

On peut donc faire bien plus économique en posant la question autrement : ce n’est pas une question d’argent, mais de contenu d’enseignement ; et de formation des enseignants. Mais il faut croire que les vraies décisions de changement à cet égard, qui sont profondément politiques, coûtent à nos gouvernants infiniment plus cher que quelques immeubles, quelques lycées. Même au prix exorbitant de l’immobilier en Ile-de-France, augmenté des dessous de table exorbitants probablement perçus - blanchis - par la presque totalité des partis politiques dans l’affaire des marchés publics des lycées.


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