Budget 2014 : convergences à gauche pour un changement de cap

mercredi 13 novembre 2013.
 

Tribune de Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice (PS), animatrice de gauche avenir, publiée dans l’Humanité des débats.

L’examen en première lecture du budget 2014 de l’État par l’Assemblée nationale a montré le fort mécontentement d’une large partie de la gauche et des prises de position critiques convergentes sur des points majeurs. Ce budget, qui ponctionne les ménages et favorise les entreprises, est bien loin des engagements pris. Il va plus vite et plus fort dans la mise en œuvre des préconisations de la Commission européenne, qui d’ailleurs s’est félicitée d’un «  budget responsable et prudent  ». Un changement de cap est indispensable et urgent  !

La priorité est accordée à la baisse du déficit. Il prévoit de ramener le déficit public de 4,1 % en 2013 à 3,6 % en 2014. Or cette marche forcée vers les 3 %, puis vers la règle d’or, s’opère dans un contexte de faible croissance, puisque les prévisions la situent à 0,9 %, insuffisante pour réduire le chômage et créer des emplois. Surtout, cette situation va créer mécaniquement un accroissement des déficits de 0,4 %. C’est donc près d’un point de PIB qu’il va falloir trouver en impôts supplémentaires et en réduction de dépenses, ce qui va pénaliser lourdement la croissance. Or, ce budget ne porte aucune stratégie de relance, de saut qualitatif vers la transition écologique et le redressement productif  ; surtout, il consacre et renforce les inégalités fiscales et la ponction sur le pouvoir d’achat des ménages.

La hausse des impôts pèse essentiellement sur les foyers et les citoyens alors même que les entreprises sont épargnées voire choyées. La hausse des impôts sera en 2014 de 9,5 milliards d’euros en tenant compte de la TVA, certes votée courant 2013 mais applicable seulement à partir du 1er janvier. Et cela sans compter l’augmentation de 0,15 % des cotisations retraites qui seront payées par les actifs et par les employeurs qui, eux, seront compensés !

Le pouvoir d’achat des Français sera percuté  : le montant de l’impôt sur le revenu attendu en 2014 est en hausse et atteindra 75,3 milliards d’euros, la TVA va augmenter pour atteindre 139,3 milliards. Dans le même temps, l’impôt sur les sociétés diminuera considérablement, en particulier sous l’effet du Cice  : 36,2 milliards sont attendus cette année contre 53,5 en 2013. Si les taux annoncés semblent élevés en comparaison avec nos voisins, la réalité est que le montant de l’impôt sur les sociétés qui rentre dans les caisses de l’État est aujourd’hui plus faible que la somme des niches fiscales pour cet impôt ! Cela devient absurde et, en tout cas, c’est souvent au détriment des PME. On est loin du rééquilibrage promis entre les grandes entreprises qui arrivent à payer très peu et les petites et moyennes qui créent des emplois et qui payent davantage. Après la réforme de la taxe professionnelle réalisée par Sarkozy, qui l’a diminuée de 10 milliards, ce budget poursuit la tendance à faire peser la fiscalité sur les ménages plutôt que sur les entreprises.

Le débat parlementaire a montré des positions communes à une large frange de la gauche. Sur la remise en cause du Cice, crédit d’impôt aux entreprises sans contrepartie, qui va coûter plus de 10 milliards d’euros cette année  : lors du forum du 12 décembre 2012 de Gauche avenir, nous avions dénoncé ce choix. D’une part, il reprend la logique de la baisse du «  coût du travail  », qui ne permettra pas de redresser notre industrie. Car en réalité, les entreprises ont besoin de carnets de commandes, d’investissement et de nouvelles stratégies de modernisation. Ensuite, contrairement aux engagements présidentiels, c’est une aide sans contrepartie, de surcroît non contrôlée par l’administration fiscale. Enfin, plus de la moitié des crédits iront à des secteurs qui ne sont pas concernés par la compétition mondiale.

La réforme fiscale n’a pas eu lieu et la hausse significative des impôts ne se fait pas dans la justice. La gauche a toujours estimé que la TVA est un impôt indirect injuste qui pénalise tout particulièrement les couches populaires. La mise en place d’un véritable impôt progressif, la lutte contre les niches fiscales (en particulier celles qui amputent la progressivité de l’IR pour les hauts revenus), la taxation du capital, du patrimoine et de la spéculation devraient être à l’agenda et sont une urgence sociale et économique.

Bon nombre de socialistes, de Verts, et tout le Front de gauche ont demandé l’abandon des hausses de TVA. Au passage, en dépit de nombreuses annonces sur le taux de TVA pour les produits et services de première nécessité à 5 %, le gouvernement revient au taux de 5,5 %, ajoutant la confusion à des choix désastreux.

Le refus du choc de baisse des dépenses publiques pour plus de 15 milliards d’euros, dont une large part va concerner les collectivités locales qui portent de plus en plus les services publics et les investissements du pays, enjeux majeurs pour le développement local et l’emploi. Le refus de voir baisser les effectifs de la fonction publique. S’il y aura bien 10 979 postes créés (9 984 dans l’éducation), 13 123 postes seront supprimés, soit une baisse de 2 144 postes. Le budget consacre aussi l’absence de revalorisation générale des rémunérations publiques et une diminution des mesures catégorielles. Le pouvoir d’achat des fonctionnaires va baisser. Ces choix auront de graves conséquences dans le fonctionnement des services publics.

Ce budget s’inscrit dans la théorie de la relance par l’offre au détriment de la demande. C’est toute la thèse développée par Angela Merkel et les libéraux de la Commission européenne, qui pourtant a fait la preuve de son inefficacité et de ses dangers sociaux pour l’ensemble du continent européen.

Oui un changement de cap est indispensable et urgent.


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