New-York : Bill de Blasio élu maire

dimanche 10 novembre 2013.
 

2) New York : victoire de de Blasio après une campagne axée sur la réduction des inégalités

"Je suis un homme de gauche qui croit en l’intervention de l’État" a-t-il affirmé à maintes reprises dans la campagne. Ce qui lui a valu d’être affublé de l’une des insultes suprême aux Etats-Unis : « socialiste ». Son programme est ambitieux : Il a répété, meeting après meeting, qu’il voulait augmenter les impôts des plus riches (New York compte 400.000 millionnaires) pour financer l’école maternelle pour tous les enfants dès 4 ans et a promis de construire des dizaines de milliers de logements sociaux pour la classe moyenne. Il s’est également engagé à se battre pour préserver le maillage hospitalier et a annoncé la cantine gratuite dans les écoles. "Chers New-Yorkais, aujourd’hui, vous avez fait entendre une voix forte et claire afin que la ville prenne une nouvelle direction, unis par la certitude que notre ville ne doit laisser aucun new-yorkais derrière elle", a lancé dans la soirée le vainqueur devant ses partisans réunis à Brooklyn.

Durant sa campagne il s’est appuyé sur sa famille mixte, fondée avec son épouse afro-américaine, et notamment sur son fils Dante, un adolescent arborant une impressionnante coiffure afro. A 15 ans, il accusait dans un clip de campagne la police new-yorkaise de cibler injustement les jeunes noirs et latinos avec sa politique "stop-and-frisk" (interpellation et fouille de piétons), soutenue par Bloomberg, le maire sortant. Bill de Blasio a ainsi promis de changer le chef de la police, et a lui aussi dénoncé ces délits de faciès. Il a également annoncé la disparition des calèches de Central Park ; l’instauration de deux jours de congé scolaire pour les fêtes musulmanes, la création d’une aide aux petites entreprises en passant par des aides personnes âgées, le développement l’université publique de la ville de New York (CUNY)...

Le nouveau maire de New York dispose ainsi d’une très large avance de voix, avec 73% des suffrages contre 24% pour son adversaire républicain Joe Lhota. S’il a profité de l’image engagée et moderne de sa famille auprès de la population très hétéroclite de New York, (33,3% de blancs, 25,5% de noirs, 28,6% d’hispaniques et 12,7% d’asiatique et plus de 20% de pauvres), il est aussi la preuve qu’une politique de gauche séduit, avec une fiscalité juste. Bill de Blasio a cependant pris garde durant sa campagne de rencontrer le monde des affaires, de la finance et de l’immobilier...

Source : L’Humanité

1) Bill de Blasio : un sandiniste à la mairie de New York

Source : New York Times

Le jeune homme débraillé arrivé au Nicaragua en 1988 sortait du lot. Grand et parfois gauche, il tenait un discours décousu, truffé de références à Franklin Roosevelt, Karl Marx et Bob Marley.

A l’âge de 26 ans, Bill de Blasio s’etait rendu dans ce petit pays d’Amérique centrale où une guerre opposait forces de gauche et de droite pour y participer à la distribution de nourriture et de médicaments. Mais il en revint avec quelque chose de complètement différent : une prise de conscience de ce que pouvait faire un gouvernement résolument positionné à gauche.

De Blasio, le médiateur de New York, ville dont il ambitionne de devenir le prochain maire, n’évoque que rarement l’époque où il était un jeune idéaliste s’opposant à la guerre, aux systèmes antimissiles et à l’apartheid à la fin des années 1980. Son site de campagne ne fait aucune allusion à son passé. Pourtant, cette jeunesse militante a davantage façonné ses convictions qu’on ne le pense, et elle était bien plus marquée par l’engagement politique que par un travail humanitaire.

De Blasio, qui a étudié la politique latino-américaine à l’université Columbia et parle couramment l’espagnol, admirait le parti sandiniste au pouvoir au Nicaragua et s’est jeté à corps perdu dans le combat contre l’un des aspects les plus controversés de la politique américaine de l’époque. Le gouvernement Reagan dénonçait la tyrannie de sandinistes qu’il qualifiait de communistes, tandis qu’à gauche leurs défenseurs faisaient valoir qu’après des années de dictature ils avaient entrepris de bâtir une société libre, tout en ouvrant l’accès à l’éducation, à la terre et aux soins médicaux.

Aujourd’hui, de Blasio se montre plus volontiers critique sur la répression des dissidents par les sandinistes, mais assure avoir beaucoup appris de son séjour au Nicaragua. “J’étais motivé par le désir de créer un monde plus juste, qui ne laisserait personne sur le bord de la route, explique-t-il. J’étais un militant animé par la volonté d’améliorer la vie des gens.”

De Blasio soutenait avec ferveur les révolutionnaires nicaraguayens. A N ew York, il collectait des fonds pour les sandinistes et était abonné à leur organe de presse, Barricada. En 1990, interrogé lors d’un meeting sur le genre de société qu’il prônait, il a déclaré être favorable au “socialisme démocratique”.

Aujourd’hui, de Blasio, membre du Parti démocrate, se décrit comme progressiste. Il s’est présenté aux municipales comme un homme de gauche volontariste, qui s’emploierait à réduire les inégalités dans la ville en augmentant l’aide aux familles pauvres et en demandant aux riches de payer plus d’impôts. Pour avoir été témoin des efforts des sandinistes en ce sens, il est convaincu qu’il est du devoir des pouvoirs publics de défendre les pauvres et d’améliorer leurs conditions de vie. Le progressisme de Bill de Blasio trouve ses racines dans un dispensaire délabré de Masaya, une petite ville située au pied de volcans nicaraguayens. Le jeune homme barbu et dégingandé avait débarqué à Masaya dans le cadre d’une visite de dix jours au Nicaragua en 1988, point d’orgue d’une année passée à travailler dans une organisation pour la justice sociale, le Quixote Center, dans l’Etat du Maryland.

A l’époque, coups de feu et chansons engagées résonnaient dans l’air nicaraguayen alors que les sandinistes étaient en guerre contre les Contras, un mouvement contre-révolutionnaire soutenu par les Etats-Unis. Les dirigeants américains craignaient que les sandinistes, armés par l’Union soviétique et ravitaillés par Cuba, ne fassent des émules et ne répandent le socialisme en Amérique latine. Mais la décision de Washington d’intervenir était impopulaire, surtout après la révélation du financement secret des Contras par le gouvernement Reagan, malgré le vote par le Congrès de l’arrêt de toute aide aux combattants.

Aux quatre coins des Etats-Unis, les militants, établissant un parallèle avec le Vietnam, se mobilisèrent contre l’ingérence de leur pays dans les affaires nicaraguayennes. Des dizaines de milliers d’Américains – médecins, bénévoles religieux, pacifistes – affluèrent au Nicaragua dans l’espoir de venir compenser les effets de l’embargo économique imposé par Washington. Ce qui attirait nombre d’entre eux, c’était l’idéal de créer une nouvelle société plus égalitaire. Mais pour leurs détracteurs ils n’étaient qu’une bande de naïfs plus désireux de saper l’action du gouvernement Reagan que d’aider les pauvres.

Au dispensaire de Masaya, de Blasio a eu une révélation. Elle lui est venue sous la forme d’une carte épinglée au mur, montrant le lieu de résidence exact de chaque famille habitant en ville. Les médecins l’utilisaient comme support pour une campagne de porte à porte visant à sensibiliser la population à la vaccination et aux mesures d’hygiène. De Blasio voyait dans cette idée simple le symbole de ce qu’un gouvernement fort, profondément conscient des besoins de la population, pourrait réaliser. “J’en ai retiré un enseignement sur ce que doit être un gouvernement pragmatique, volontariste et en phase avec le peuple”, explique-t-il.


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