Le Portugal approuve la légalisation de l’avortement

mardi 13 février 2007.
 

Le premier ministre portugais, le socialiste José Socrates, qui s’était personnellement impliqué dans la campagne référendaire pour dépénaliser l’interruption de grossesse, l’a annoncé dès les premiers résultats : "L’avortement cessera d’être un crime" au Portugal. Plus de 59 % des électeurs ont répondu "oui", dimanche 11 février, à la question qui leur était posée : "Êtes-vous d’accord pour dépénaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG), à la demande de la femme, dans les dix premières semaines, si cela a lieu dans un établissement légalement agréé ?"

Chiffres Référendum. 59,3 % des électeurs portugais ont répondu "oui", dimanche 11 février, à la dépénalisation de l’avortement jusqu’à dix semaines de grossesse ; 40,8 % ont voté "non". La participation située à 43,60 % n’a pas atteint les 50 % requis, rendant le résultat non contraignant.

Avortements clandestins. Selon l’Association pour le planning familial, 18 000 Portugaises ont eu recours à l’avortement clandestin, en 2005. Seuls 906 avortements "légaux" ont été pratiqués en 2005.

UE. Trois autres pays de l’Union européenne interdisent l’avortement : la Pologne, l’Irlande et Malte.

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La participation (43,60 %) n’a cependant pas atteint les 50 % requis pour que le référendum soit contraignant. Ce fut déjà le cas lors de la précédente consultation en 1998, où l’abstention avait atteint les 68 %. Le "non" l’avait alors emporté avec 50,7 % des suffrages.

Cette fois, le premier ministre portugais a estimé que le résultat positif lui donne une légitimité pour obtenir "avant juillet" la légalisation de l’avortement au Parlement, où son parti dispose de 121 sièges sur 230. "Le peuple s’est exprimé de manière claire. Notre devoir sera de respecter la volonté des Portugais", a insisté M. Socrates. Ajoutant, au cours d’une conférence de presse destinée à apaiser les vives tensions de la campagne : "Le résultat de ce référendum ne signifie pas la défaite d’un camp."

Le gouvernement peut compter sur l’appui des autres partis de gauche (Parti communiste, Bloc de gauche) et des cinq organisations citoyennes qui se sont mobilisées pour en finir avec "l’obscurantisme" et "le scandale national de l’avortement clandestin" qui touche 18 000 à 20 000 Portugaises par an. Faute d’établissements agréés et sans moyens financiers pour aller avorter à l’étranger, notamment en Espagne, les plus défavorisées risquent leur vie : 11 000 femmes ont dû se rendre aux urgences des hôpitaux, en 2005, après des avortements mal faits, et plusieurs sont mortes, dont une fillette de 14 ans, il y a deux mois.

REJOINDRE LES BONNES PRATIQUES

La loi actuelle, très restrictive, date de 1984. Elle n’autorise l’IVG qu’en cas de viol, de malformation du foetus ou de grave danger pour la mère. Les femmes qui y contreviennent sont passibles de trois ans de prison. Dans les faits, les femmes sont arrêtées, les procès ont lieu, mais aucune d’entre elles n’est emprisonnée, leurs peines sont souvent commuées en amendes. Une situation que de nombreux juristes en faveur du "oui" dénonçaient comme "barbare et hypocrite".

Que sera la nouvelle loi ? Les partisans du "non", dimanche soir, annonçaient ne pas renoncer au combat et avançaient déjà des arguments moraux - "L’avortement libre deviendra, au mépris de la vie, une simple contraception" -, ou économiques - "L’Etat pourra-t-il assumer le coût des avortements, alors que les listes d’attente sont longues déjà, faute de moyens, pour les plus simples interventions ?".

Coupant court aux critiques, José Socrates a redit qu’il s’agissait à présent de changer la loi de "façon responsable" : "Nous allons rejoindre les bonnes pratiques des autres pays européens qui ont obtenu de bons résultats contre l’avortement clandestin", a-t-il expliqué. "La loi devra notamment prévoir une période de réflexion afin que les femmes qui décideront d’avorter le fassent de manière posée et réfléchie", a-t-il précisé. Le ministre de la santé, Correia de Campos, a avancé l’exemple de pays comme la "France, l’Espagne et, dans une moindre mesure, l’Allemagne" qui insistent sur un temps de réflexion et des entretiens avec la femme avant de pratiquer l’IVG.

En attendant, les partisans du "oui" se sont vivement félicités de la "maturité démocratique du pays qui met fin à l’humiliation des femmes" et, comme le disait un éditorialiste, "de son interruption volontaire d’apathie, après tant d’années".

Mais la violence de certains prêtres durant la campagne, qui ont menacé les électeurs "d’excommunication" s’ils votaient "oui", la charge de nombreux médecins qui n’ont pas hésité à faire circuler des foetus en plastique supposés âgés de dix semaines alors qu’ils étaient parfaitement formés et, surtout, le grand nombre d’abstentions ont montré le profond malaise d’une société portugaise encore très divisée. Une société, à la fois solidement ancrée dans la modernité européenne, mais qui se dit catholique à plus de 80 % et reste, notamment au nord du pays, très influencée par une Eglise encore très conservatrice.

Marie-Claude Decamps


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