L’épargne salariale ou comment flexibiliser les salaires

jeudi 3 octobre 2013.
 

Le projet de loi sur le développement de la participation et de l’actionnariat salarié est discuté au Parlement français en juin. Finalement, le blocage obligatoire de l’épargne salariale pendant cinq ans sera maintenu. Tout au plus les salariés pourront-ils demander une « avance » sur leur épargne… moyennant le paiement d’un intérêt. Les exonérations d’impôts et de cotisations, elles, sont toujours aussi importantes.

Historiquement, deux conceptions de l’association entre capital et travail ont existé : l’une libérale, l’autre socialiste. La différence entre les deux tient à la participation aux décisions, les socialistes proposant de nouveaux modes d’organisation du travail. Cette distinction est centrale, comme le souligna l’économiste libéral Léon Walras (1) pour qui il fallait « chercher dans l’association coopérative un moyen facile et rapide d’épargne, et non pas un principe d’organisation du travail et une révolution sociale (2) ». Cependant, le général de Gaulle voyait dans la participation « une troisième solution (autre que le capitalisme ou le communisme) », car « elle change la condition de l’homme au milieu de la civilisation moderne (3) ». Pour parvenir à cette troisième voie, la participation devait prendre une triple forme : participation aux résultats, au capital et à la gestion de l’entreprise.

Le général de Gaulle pose les prémices de son projet le 4 janvier 1948, dans son discours aux mineurs en grève de Saint-Etienne : « L’association, qu’est-ce à dire ? D’abord ceci que, dans un même groupe d’entreprises, tous ceux qui en font partie, les chefs, les cadres, les ouvriers, fixeraient ensemble entre égaux, avec arbitrage organisé, les conditions de leur travail, notamment les rémunérations. » Mais il ajoute : « Ils les fixeraient de telle sorte que tous, depuis le patron ou le directeur jusqu’au manœuvre, recevraient, de par la loi et suivant l’échelle hiérarchique, une rémunération proportionnée au rendement global de l’entreprise. » Egaux, mais soumis à la hiérarchie…

Cette ambiguïté se retrouve avec la participation à la gestion de l’entreprise. Le 7 juin 1968, au cours d’un entretien télévisé, le général soutient que la participation « implique (…) que tous soient informés d’une manière suffisante de la marche de l’entreprise et puissent, par des représentants qu’ils auront tous nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue et leurs propositions. C’est la voie dans laquelle j’ai déjà fait quelques pas ; par exemple en 1945, quand, avec mon gouvernement, j’ai institué les comités d’entreprise ». Ces propos doivent être interprétés à la lumière de ceux tenus le 1er octobre 1944 à Lille : « Il faut que [la collaboration entre ceux qui travaillent et ceux qui dirigent] soit établie de manière organique entre les uns et les autres, sans naturellement contrarier en rien l’action de ceux qui ont la responsabilité de leur direction (4). » C’est ce qui se produira. Au temps de la participation gaulliste

Dans le domaine économique, les comités d’entreprise ne seront pas des organismes de décision, mais des instances d’information et de consultation. Et encore, dans la pratique, on constate que le patronat se limitera à trois règles : « Le volume d’informations distribuées devra être limité, leur contenu orienté, leur lisibilité faible (5). » Il y aura bien, par la suite, de nouvelles obligations d’information et de consultation, mais elles auront surtout pour effet de retarder le processus de décision des dirigeants, sans remettre en cause leur pouvoir. On se heurte ainsi aux limites de la participation gaulliste quant à sa capacité à transformer la condition ouvrière. En effet, comment rendre effective une participation des salariés à la gestion des entreprises sans participation aux décisions, et donc sans revoir, un tant soit peu, l’organisation du travail ?

Comme l’ont écrit Karl Marx et Friedrich Engels, la division du travail « implique en même temps la répartition du travail et de ses produits, distribution inégale, en vérité, tant en quantité qu’en qualité ; elle implique donc la propriété (6) ». La seule mise en commun de l’épargne des salariés dans l’entreprise, prônée par les libéraux, ne saurait en aucun cas remettre en cause l’exploitation. Pis, elle pourrait aboutir à cette situation absurde où les salariés l’accroissent eux-mêmes. Ce que Marx avait souligné à propos des caisses d’épargne : « La caisse d’épargne est la chaîne d’or par laquelle le gouvernement tient une grande partie des ouvriers. Ceux-ci ne trouvent pas seulement de cette manière intérêt au maintien des conditions existantes. Il ne se produit pas seulement une scission entre la partie de la classe ouvrière qui participe aux caisses d’épargne et la partie qui n’y prend point part. Les ouvriers mettent ainsi dans les mains de leurs ennemis mêmes des armes pour la conservation de l’organisation existante de la société qui les opprime (7). » L’influence de l’analyse marxiste au lendemain de la seconde guerre mondiale était telle que toute la gauche syndicale et politique admettait le principe d’un antagonisme entre capital et travail, et était donc opposée au projet gaulliste, qui prétendait instaurer une association entre les deux.

Ce clivage sera respecté jusqu’à la fin du XXe siècle, les différentes lois concernant la participation et l’intéressement ayant été votées sous des gouvernements de droite (en 1986 et 1994). Toutefois, à la fin des années 1990, les choses changent. Sur le plan syndical, plusieurs organisations se rallient à ce que l’on appelle dorénavant l’épargne salariale (lire « Deux dispositifs »). La Confédération française démocratique du travail (CFDT) y voit « de nouvelles occasions de concrétiser ses ambitions de transformation sociale (8) ». Pour la Confédération générale du travail (CGT), il s’agit d’éviter « de laisser se développer des systèmes sans véritable contrôle » et d’adopter, dans les négociations, « une approche plus revendicative » afin de « créer des rapports de forces dans les branches et les entreprises (9) ». L’ensemble des syndicats représentatifs – hors Force ouvrière (FO), qui y reste farouchement opposée – ont créé un Comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES), le 29 janvier 2002, pour labelliser des fonds d’épargne salariale multientreprises, estimés « socialement responsables ».

Sur le terrain politique, le front du refus de l’épargne salariale, jusque-là incarné par la gauche, explose, faisant éclater le clivage traditionnel. Le gouvernement de M. Lionel Jospin voit dans l’épargne salariale un moyen de financer les retraites, d’augmenter les rémunérations, voire de redonner du pouvoir aux salariés dans le contexte de financiarisation de l’économie (10). La rhétorique change. Désormais, capital et travail ont les mêmes intérêts et voguent ensemble sur les flots harmonieux du capitalisme patrimonial. Il convient de jeter Marx par-dessus bord, ou, si l’on préfère, à la corbeille (11). Et d’adapter la législation, au nom de la modernité, de la liberté, de l’utilité.

Pour la première fois, donc, la gauche légifère sur l’épargne salariale, avec, entre autres objectifs, de l’étendre à tout le salariat. Selon M. Jean-Pierre Balligand, député socialiste, alors rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale, « ce projet est (…) utile pour un meilleur partage de la valeur ajoutée dans l’intérêt des salariés, sans perte de compétitivité pour les entreprises (…) ; utile pour démocratiser l’accès à l’épargne salariale (…). Il enrichit le contrat social et fournit au dialogue social de nouveaux espaces d’expression. C’est un projet moderne et redistributif, utile pour les salariés de notre pays et pour la croissance durable de notre économie (12) ».

Mais le voile de la « modernité » parvient difficilement à dissimuler une question essentielle : pourquoi l’augmentation des rémunérations sous forme d’épargne salariale se ferait-elle « sans perte de compétitivité pour les entreprises » ? Qu’est-ce qui différencie cette épargne du salaire ? Principalement deux éléments : son caractère variable, et son exonération de cotisations sociales et d’impôt.

Parmi les dispositifs d’épargne salariale, c’est l’intéressement qui se rapproche le plus du salaire dans la mesure où il est immédiatement disponible et calculé en fonction de critères qui peuvent être définis à un niveau local (lire « Deux dispositifs »). La participation (calculée en fonction du profit de l’entreprise) et l’abondement (somme supplémentaire versée aux salariés qui placent leurs fonds dans l’entreprise) restent bloqués au moins cinq ans.

Pour éviter que l’épargne salariale n’empiète sur les salaires, l’ordonnance de 1959 a posé dès le départ le principe de non-substitution de l’intéressement aux « autres éléments de rémunération » (salaire et primes). En cas de non-respect, la réintégration dans l’assiette des cotisations de Sécurité sociale des montants versés s’effectue à hauteur des éléments de rémunération supprimés.

Néanmoins, cette règle a été assouplie à plusieurs reprises. La loi du 25 juillet 1994 dispose que la remise en cause des exonérations n’est plus possible dès lors qu’un délai de douze mois s’est écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération supprimé et la date d’effet de l’intéressement. Elle a également abrogé l’obligation d’avoir conclu un accord salarial moins de deux ans avant la mise en place du dispositif d’intéressement. La loi du 19 février 2001 a, elle, instauré une durée maximale (de quatre mois) pour la procédure de validation d’un accord d’intéressement, réduisant ainsi la capacité d’intervention de la direction départementale du travail pour débusquer d’éventuelles irrégularités. De plus, aucune contestation ultérieure ne peut entraîner la remise en cause des exonérations fiscales et sociales. Innovations dangereuses

Evidemment, rien n’interdit de ne pas augmenter les salaires (ou d’en réduire les hausses) et d’accroître la participation financière. Une pratique fort courante comme le montre l’évolution de la part de ces versements dans la masse salariale des entreprises qui utilisent ces dispositifs. Celle de l’intéressement passe de 3,1 % en 1996 à 4,5 % en 2003 (dernier chiffre disponible), celle de la participation de 3,8 % à 4,6 %. Autrement dit, la structure de rémunération se déforme, et les entreprises ont plus tendance à verser des primes d’intéressement et de participation que d’augmenter les salaires.

La « rigueur salariale » (hausse des salaires réels de 0,5 % en 2004), l’augmentation des profits (+ 64 % pour les sociétés du CAC 40) et la croissance des dividendes versés (+ 36,8 %) ont conduit les syndicats à revendiquer un partage de la richesse plus favorable aux salariés. Réponse du ministre de l’économie, M. Thierry Breton, après qu’ils eurent, début 2005, organisé des journées d’action : la création d’une prime exceptionnelle d’intéressement. Celle-ci fut instaurée par la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie, les entreprises étant autorisées à verser jusqu’à 200 euros par salarié, ou 15 % de l’intéressement de 2004 quand le dispositif existait. Que des sociétés n’ayant pas d’accord d’intéressement aient pu verser une prime constitua une « nouveauté », selon M. Breton. Le but étant de « mettre le pied à l’étrier des entreprises éloignées jusqu’à présent de ces logiques (13) ».

Mais ce ne fut pas la seule nouveauté. Il y en eut deux autres. Premièrement, même dans le cas où les entreprises disposaient d’un accord d’intéressement, les modalités d’attribution ne furent pas liées aux critères fixés dans cet accord. Deuxièmement, cette prime rompit avec l’obligation d’accord entre salariés et direction, nécessaire à toute mise en place de ce type de dispositif. Difficile, dans ces conditions, de ne pas penser aux recommandations de Jean-Baptiste Godin (industriel et homme politique français [1817-1888] qui a créé le Familistère de guise) : « Avant de penser à faire participer le personnel aux bénéfices, il faut assurer [aux travailleurs] une position décente et assurer leur lendemain et celui de leur famille (14). »

Un coin ayant été enfoncé sans réaction particulière, le premier ministre, M. Dominique de Villepin, s’empressa d’annoncer, le 1er septembre 2005, la possibilité pour les entreprises d’accorder l’année suivante un bonus, « exceptionnel », de 1 000 euros maximum à leurs salariés, entièrement exonéré d’impôt et de cotisations sociales. Seul le changement de nom confère un caractère exceptionnel à ce bonus, bien proche de la prime d’intéressement de juillet. Comble du cynisme, il fut adopté dans… la loi de financement de la sécurité sociale.

La volonté de comprimer le salaire direct (salaire net) concerne aussi le salaire indirect (cotisations sociales). Ainsi, en 2003, la réforme des retraites a augmenté la durée de cotisation, et créé des dispositifs de capitalisation censés améliorer le niveau des retraites dont la dégradation avait été déclenchée par le décret Balladur d’août 1993. Or, parallèlement, le taux de cotisation au régime général de l’assurance-vieillesse était bloqué depuis 1991 (6,55 % pour la part salariale, 9,8 % pour la part patronale), année du Livre blanc sur les retraites, qui pointait pour la première fois l’augmentation à venir des besoins de financement du système de retraite… En réalité, le même effet de vase communicant entre la répartition et la capitalisation se produit entre les salaires et l’épargne salariale. Avec la même rhétorique destinée à rendre difficile toute contestation, puisque l’épargne-retraite « complète » les retraites, et l’épargne salariale les salaires.

C’est une rupture importante avec le capitalisme des « trente glorieuses », où le salarié bénéficiait d’une certaine stabilité de l’emploi et recevait un salaire peu ou prou indexé sur les gains de productivité. Le risque économique reposait sur les détenteurs de capital. Les mesures Breton-Villepin inversent cette logique. Il s’agit rien moins que de faire passer la rémunération salariale après le profit, ce qui la rend plus aléatoire et accroît la flexibilisation de la masse salariale. Qui plus est, elle n’intègre plus la couverture des risques sociaux. Et elle échappe à toute fiscalité (hors contribution sociale généralisée – CSG – et contribution au remboursement de la dette sociale – CRDS). Exonérations en tous genres

Ces exonérations de toutes sortes peuvent alors aboutir à des situations pour le moins cocasses. Ainsi, trois semaines après l’annonce du bonus exceptionnel, le ministère de la santé a fait circuler le projet d’instauration d’une cotisation patronale de 7,5 % sur l’intéressement pour financer l’assurance-maladie. La réaction des institutions financières et des organisations patronales ne se fit pas attendre : « Une très mauvaise idée », selon le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), M. Jean-François Roubaud, « injuste socialement » et « génératrice d’un sentiment d’insécurité fort » selon l’Association française de gestion (15). Il n’en fallut pas plus pour enterrer le projet.

Les contradictions ne s’arrêtent pas là. Deux députés de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), MM. François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain, se sont inquiétés de la « fragilisation du corpus juridique » de l’épargne salariale due à un « foisonnement de modifications et d’ajouts qui l’ont immanquablement rendu instable » (16). Le sénateur UMP Philippe Marini a notamment souligné l’« aspect un peu contradictoire des législations de 2003 (…) et 2004 (17) ». Avec la réforme des retraites, M. Jean-Pierre Raffarin entendait « faciliter l’épargne-retraite » afin de donner « plus de liberté » (18). Le ministre des affaires sociales, M. François Fillon, avait alors allongé la durée des plans partenariaux d’épargne salariale volontaire (donc la durée de blocage), créés par la loi Fabius de 2001, jusqu’au départ à la retraite, « afin de permettre aux salariés de disposer d’une véritable épargne en vue de la retraite, en rente ou en capital (19) »…

Le 4 mai 2004, au cours d’une conférence de presse, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, estimait qu’« il y a de l’épargne en France et pas assez de consommation ». Et d’annoncer plusieurs mesures destinées à faire baisser la première. Parmi lesquelles, la loi pour le soutien à la consommation et à l’investissement du 9 août 2004, qui autorisa le déblocage anticipé de l’épargne salariale – normalement immobilisée pendant cinq ans – dans la limite de 10 000 euros par personne, exonérés d’impôt sur le revenu.

Le blocage de la participation a véritablement obnubilé le gouvernement de M. Raffarin : « Je crois que le blocage obligatoire des sommes issues de la participation n’a plus aujourd’hui de véritable raison d’être. Le principe du blocage avait été conçu dans une période où l’accès au crédit était difficile, où le pays manquait d’épargne (20). » Néanmoins la loi Breton sur la modernisation de l’économie fut plus mesurée, puisque le déblocage ne concerna que la participation aux résultats de 2004. Celle-ci pouvait être versée directement jusqu’au 31 décembre 2005, sans toutefois donner lieu à une exonération d’impôt sur le revenu, comme c’est le cas au terme de la période de blocage.

Voilà donc les dispositifs conçus par le général de Gaulle, et devant mener à la troisième voie, transformés en vulgaire instrument de soutien à la consommation… En fait, l’histoire se répète car, excepté le candidat Jacques Chirac à l’élection présidentielle de 1995 martelant que « la feuille de paye n’est pas l’ennemi de l’emploi », la droite éprouve une aversion certaine à mener une politique salariale expansionniste. Chaque fois qu’elle est au pouvoir, depuis le début des années 1990, elle espère remédier à l’insuffisance de la demande et à la faiblesse du pouvoir d’achat en autorisant le déblocage de la participation. En 1994, celui-ci était conditionné à l’achat d’un véhicule (neuf ou d’occasion) ou à la réalisation de travaux immobiliers. Bien que cette mesure fût très critiquée, sa conception garantissait au moins que les montants débloqués (1,4 milliard de francs) se retrouveraient dans la consommation.

En 2004, le déblocage n’est soumis à aucune condition. D’après l’Autorité des marchés financiers, environ 7 milliards d’euros ont été remis dans les circuits entre le 1er juillet et le 31 décembre. Soit presque trois fois le montant de la baisse de 5 % de l’impôt sur le revenu réalisée en 2002 (2,55 milliards d’euros).

Quel a été le résultat ? L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) estime que le surplus de consommation serait compris entre 1,5 et 2,5 milliards d’euros (21) et « pourrait être imputé pour partie à l’effet des mesures dites Sarkozy ». Or celles-ci comprenaient également une donation en franchise totale d’impôt pouvant atteindre jusqu’à 20 000 euros par bénéficaire (enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant), ainsi qu’une réduction d’impôt égale à 25 % du montant annuel des intérêts payés en 2004 et 2005 au titre des prêts à la consommation.

La consommation liée aux 7 milliards débloqués est donc en réalité encore plus faible. Selon l’Insee, les ménages les ont largement employés à d’autres fins, comme l’achat d’un logement ou une modification de la structure de leur épargne (3,5 milliards d’euros sur les 7 milliards sont allés directement vers l’assurance-vie). L’importance des montants débloqués n’a pas empêché un fléchissement de la croissance au deuxième semestre 2004 (+ 0,7 %) et au premier trimestre 2005, par rapport au premier semestre 2004 (+ 1,3 %). Un facteur supplémentaire d’inégalités

Rien d’étonnant. En effet, l’épargne salariale ne concerne que 52 % des salariés du secteur marchand et 17 % des ménages en 2004. De plus, elle est détenue en priorité par des ménages à hauts revenus : seuls 3 % des personnes de plus de 18 ans vivant dans un ménage au revenu inférieur à 9 500 euros par an en possèdent, contre 24 % lorsque le revenu du ménage dépasse 72 000 euros (22). Autrement dit, le déblocage a constitué un effet d’aubaine pour un petit nombre de ménages aisés.

En fait, l’épargne salariale engendre de profondes inégalités. Bien que l’intéressement et la participation soient liés à des résultats ou à des performances collectives, il est possible d’individualiser les primes. Dans plus des trois quarts des accords, celles-ci sont réparties en utilisant le critère du salaire, dont les augmentations se caractérisent par une individualisation croissante. Cela conduit à reproduire les inégalités salariales. Un deuxième facteur d’inégalités tient aux placements dans les plans d’épargne-entreprise (PEE). Les salariés les plus modestes sont contraints de toucher immédiatement leur intéressement, car ils n’ont pas les moyens de le placer pendant cinq ans ou d’effectuer des versements volontaires sur ce PEE. Par conséquent, ils bénéficient moins de l’abondement (qui peut être uniforme ou proportionnel aux sommes versées) que les salariés aisés, pour qui percevoir immédiatement leur intéressement n’est pas une nécessité.

Un troisième facteur d’inégalités concerne les exonérations fiscales. Pour le salarié non imposable, pas de différence entre participation ou intéressement et salaire. En revanche, pour ceux du haut de l’échelle, plus le taux d’imposition est élevé, plus ils reçoivent d’épargne salariale et plus les économies d’impôt sont importantes (23). Enfin, les exonérations de cotisations sociales constituent un quatrième facteur d’inégalités, dans la mesure où elles diminuent les ressources de la Sécurité sociale, ce qui se traduit par une baisse des prestations touchant en priorité les salariés les plus modestes, les plus exposés aux risques de la vie. Comme le dit M. Fillon, « oui, mesdames et messieurs, l’épargne salariale s’inscrit bien dans un projet de société (24) ! »… Antoine Rémond.


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