Au sommet de l’Alba

mercredi 14 août 2013.
 

J’ai participé en tant qu’invité spécial au sommet de l’Alba qui s’est tenu à Guayaquil à la fin du mois de juillet. Ma participation à cet événement politique s’est déroulée de la manière suivante. Dans un premier temps je me suis rendu au sommet des mouvements sociaux des pays de l’Alba. À la demande des organisateurs j’ai présenté une conférence sur la question des entreprises transnationales et des tribunaux d’arbitrage. Voilà pour moi la question majeure de l’ordre international qui est en train de se construire en ce moment. Et c’est très spécialement le cas pour les pays qui entendent maîtriser l’activité des entreprises sur leur territoire que ce soit en matière de normes sociales ou écologiques. Le lendemain j’étais invité à prendre place dans la grande salle de plénière en observateur, aux côtés des délégations des Etats membres de l’Alba. Et enfin j’ai eu l’honneur d’être à nouveau observateur à la table de la réunion plénière où a été finalisé le texte de conclusions de ce sommet. Je n’ai pas l’intention de résumer ses travaux ni même de les commenter. Je me suis bien aperçu qu’il y avait des discussions réelles et qu’elles étaient parfois serrées entre les présidents. Comment aurais-je pu faire autrement ? Dès l’ouverture des travaux Rafael Corréa a déclaré que le document de conclusions qui était proposé aux chefs d’État était beaucoup trop timide, beaucoup trop technocratique et ne posait pas vraiment les problèmes politiques du moment. Dans ces conditions tout a été réécrit entre le matin et la fin d’après-midi. J’assistais alors un spectacle tout à fait inhabituel pour moi l’Européen. Le texte a en effet été une ultime fois modifiée en plénière à l’aide d’une projection de celui-ci sur écran géant. Je me contenterai de donner quelques impressions d’ensemble.

La première pour rappeler que l’Alba a été créé comme ensemble politique afin de répliquer à la tentative des États-Unis d’Amérique de constituer un grand marché entre eux et l’ensemble de l’Amérique latine, l’ALCA. L’Alba d’abord été une structure de résistance et elle a été victorieuse dans la mesure où le traité des nord-américains a en effet été rejeté à l’occasion d’un sommet historique où les Argentins firent la décision finale puisque c’est eux qui l’accueillaient. Personne n’oubliera l’image de George Bush junior sortant par la porte arrière du bâtiment de la réunion après ce désastre diplomatique.

L’Alba est une proposition d’Hugo Chavez. Il était extrêmement présent. On peut même le dire sans détour : c’est autour de lui que se construisait la dynamique collective. Il prenait le temps de téléphoner, de discuter, le temps qu’il fallait avec chacun des chefs d’État. De cette façon il avait réussi à donner une dimension humaine concrète à ce collectif. Il est tout à fait évident que son absence crée un très grand vide notamment dans cette dimension si essentielle de la confiance qui confère une autorité et une capacité d’impulsion. A cette heure, dans ce rôle, il n’est pas remplacé. Sans lui l’Alba doit trouver de nouveaux moyens de régulation. On voit qu’il y a de la bonne volonté dans ce domaine entre les chefs d’État. Ce n’est pas le plus simple car les hommes dont il est question sont de très fortes personnalités endurcies par une lutte implacable contre les oligarchies locales, les complots des nord-américains, et un abject harcèlement médiatique d’injures, de mensonges et de manipulations. Il faudra donc un certain temps pour que le dispositif de l’Alba sans Chavez se stabilise comme collectif humain. Pour ma part je crois que ce sont les événements qui trancheront par l’obligation qu’ils vont créer de se retrouver unis politiquement pour affronter les agressions du trio oligarchies/USA/médias.

Ma seconde remarque concernera l’ambiance autour de cette réunion. Pour le sommet de l’Alba qui regroupe neuf Etats, il n’y a pas l’habituelle construction de camp retranché avec grillage, grande armée de policiers, militaires, hélicoptères et tout le grand déballage qui rappelle l’extrême coupure entre le commun des mortels et les dirigeants. Ici tout le monde se retrouve, mouvement sociaux et gouvernants pour des marches de rues et des meetings de clôture. Et ma dernière remarque à cette heure portera sur le texte qui a été adopté. Nicolas Maduro a eu raison de dire que c’est le texte international le plus avancé dont dispose cette période puisqu‘il est le seul à parler intérêt général, service public et opposition aux traités de libre commerce. Pour ma part j’ai été très heureux de voir inscrit le thème des tribunaux d’arbitrage porté très fortement par les équatoriens à cette heure. Je crois que c’est une question essentielle dans le nouvel ordre juridique mondial à cette étape de la grande régression néo libérale. Nous allons avoir à en connaitre en Europe dans le cadre de la négociation du grand marché transatlantique puisque les nord-américains et la commission européenne sont partisans de reconnaitre l’autorité de tels tribunaux en cas de litige entre les états et les investisseurs. En ce sens l’Alba est un appui direct à notre lutte avec son texte et son engagement politique pour un ordre juridique international égalitaire.


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