La Commune de 1871 et la République. Quelle république ?

samedi 3 août 2013.
 

Que les communards aient été républicains, la chose est bien connue. Nous voudrions ici donner quelques éléments pour mieux cerner ce qu’était ce sentiment républicain de 1871.

La République, condition de la démocratie

Il importe d’abord de rappeler qu’en 1871, la République n’était pas acquise. Elle n’était pas un «  ça va de soit  », selon l’expression de Pierre Nora. Si les habitants des villes, et leurs couches populaires, étaient acquis à la République, une grande partie des élites et du monde rural restait réticente à ce régime. Et l’assemblée élue, le 8 février 1871, était monarchiste. Or, pour les communards, il n’y a pas place pour un autre régime que la République. Au lendemain du 18 mars, la garde nationale exige en premier point «  le maintien de la République comme gouvernement, seul possible et indiscutable  ». Le 19 avril, dans sa célèbre Déclaration au peuple français, la Commune met au premier rang «  la reconnaissance et la consolidation de la République, seule forme de gouvernement compatible avec les droits du peuple et le développement régulier et libre de la société  ».

Mais les communards vont au-delà en proclamant le droit à l’insurrection pour la République. Dès le 4 février, les candidats révolutionnaires aux élections du 8 font «  défense à qui que ce soit de mettre la République en question  ». Et, après les élections, le comité de vigilance refuse toute légitimité à un régime monarchiste  : «  Il place la République au-dessus du droit des majorités  ; il ne reconnaît donc pas à ces majorités le droit de renier le principe de la souveraineté populaire, soit directement par voie plébiscitaire, soit indirectement par une assemblée organe de ces majorités. Il s’opposera donc au besoin par la force…  » Ainsi l’insurrection du 18 mars prend-elle légitimité dans la défense intransigeante de la République devant les menaces que fait porter sur elle le gouvernement de Versailles.

Mais quelle République  ?

Cette défense de la République n’est pas qu’une abstraction pour les communards, ni un seul renvoi à la glorieuse histoire républicaine de la France. Car ils ne dissocient pas la République «  des droits du peuple et du développement régulier et libre de la société  ».

Les droits du peuple d’abord  : c’est-à-dire la démocratie. La République, c’est la liberté, ce sont les libertés les plus larges (libertés de presse, d’opinion, de manifestation, de réunion, de vote…) qui conditionnent toute démocratie. Mais la vraie démocratie, pour les communards, c’est aussi la souveraineté du peuple qui ne doit jamais s’abdiquer, fût-ce entre les mains des élus. La République doit créer les conditions de cette démocratie permanente (contrôle et révocabilité des élus, rôle considérable donné aux clubs, associations, syndicats, moteurs d’une intervention populaire, élargissement de la démocratie aux femmes, aux étrangers…).

La société, ensuite. La République ne peut être que «  sociale et universelle  ». L’égalité et la démocratie doivent s’étendre en toute chose, et en tout premier lieu au travail. Les communards ne peuvent penser une République où le citoyen aurait tous les droits et le travailleur aucun. La démocratie sociale doit donc étendre aussi le pouvoir des travailleurs (des coopératives à l’autogestion). Visant au développement régulier et harmonieux de la société, la République doit éliminer le chômage, favoriser l’instruction de toutes et tous, etc. Enfin, l’idée de la République universelle est au cœur de la pensée communarde.

S’agissait-il d’un seul rêve  ? D’une seule utopie  ? Ce qui serait déjà beaucoup… Mais ce qui donne à la Commune cette force, cette flamme qui fait que, chaque année, des milliers de personnes viennent au Père-Lachaise rendre hommage à ses martyrs, c’est qu’en 70  jours, elle a donné à voir cette espérance vivante.

Par Jean-Louis Robert, historien, président des Amis de la Commune de Paris – 1871.


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