Meeting de soutien à Morales contre l’injure faite à l’Amérique latine par quelques solfériniens dépendants des USA

mardi 30 juillet 2013.
 

Déjeuner et meeting présidentiels à Quito (titre donné à ce texte par son auteur Jean-Luc Mélenchon)

Après avoir visité la merveilleuse Alliance Française à Cuenca où je me trouvais, je musardais le nez au vent sur la place centrale de la vieille ville coloniale. Je voulais revoir la belle bâtisse de l’ancien « club de Paris » où se réunissaient au 19éme siècle les équatoriens attachés à l’esprit des lumières qui, tous, mettaient un point d’honneur à parler français quoiqu’ils n’aient jamais eu l’occasion d’aller en France. C’est alors qu’est arrivée l’invitation du président Rafael Corréa pour le déjeuner avec le président Evo Moralès qui se trouvaient à Quito. Comme la convocation était pour le quart d’heure suivant, on devine quelle aventure ce fut de courir à l’aéroport, de faire le vol puis le trajet de l’aéroport de Quito jusqu’au palais présidentiel avec, pour finir, ce qui va devenir bientôt pour moi une habitude : faire les derniers cent mètres au pas de course ! Si incroyable que cela paraisse, j’ai pourtant pu largement participer à la fin du repas dans une ambiance comme de ma vie politique je n’en ai connu. Aucune de ces rigidités protocolaires que j’ai accompagnées tant de fois en France comme dans certains pays de l’Amérique du Sud. Tout le contraire ! Une ambiance totalement décontractée, beaucoup de fraternité et d’amitié jusqu’au point où l’on fit resservir pour moi dès que le président comprit que je n’avais pas déjeuné. Je laisse de côté, à cet instant, ce que nous nous sommes dit de politique. Dans ces matières, il faut peser ses mots et la part de ce qui est réellement d’intérêt général. Je me contenterai de mentionner une image qui sans doute me restera longtemps collée à l’esprit, celle du président Rafael Corréa et de son ministre des affaires étrangères enchaînant les chansons populaires traditionnelles, la délégation bolivienne s’associant d’autant plus facilement qu’une bonne partie de ces airs sont ceux du continent tout entier.

Le soir même se tenait un meeting de soutien au président Evo Morales. On devine l’ambiance volcanique et militante de ce moment. Je m’y associais de toutes les façons possibles, à l’unisson avec la poignée de mes compatriotes présents sur place : on cria les mots d’ordre, on chanta les chansons, Bon applaudit chaque fois que nécessaire. Ce moment tint lieu d’expectoration pour la honte que je ressens du fait du traitement indigne infligé à Evo Moralès par mon pays. Le président bolivien parla le premier et il raconta les circonstances dans lesquelles eut lieu l’interdiction de survol du territoire notre pays. Le plan de vol et la liste des passagers jusqu’à l’équipage avait été adressé aux autorités françaises comme c’est l’usage. Mais l’interdiction de survol n’interviendra que quelques instants avant que l’avion bolivien approche de notre frontière, suivie en cascade par les interdictions venant des autres pays de la trajectoire de sortie vers l’Amérique du Sud comme l’Espagne et l’Italie et le Portugal. L’action des Européens était donc parfaitement concertée et clairement hostile puisque rien ne permettait au président bolivien de savoir où, en toute hypothèse, son avion pourrait se poser. Après avoir atterri à Vienne, il y demeura dans l’expectative 14 heures durant ! « Imaginez que nous ayons fait cela au président des États-Unis ou un président quelconque de l’union européenne, dit Evo Moralès, ce serait la guerre aussitôt ou bien des représailles terribles. » Pour lui les pays européens se sont sentis libres de procéder à cette humiliation parce qu’ils ont une mentalité de dominant, qu’ils méprisent les nations de l’Amérique du Sud, leurs dirigeants et en particulier les indigènes. Pour lui, leur vision est restée celle de puissances coloniales.A Aucun des responsables latino-américains que j’ai rencontrés n’accepte les pseudos arguments qui ont été avancés, notamment par le président François Hollande, selon lesquels il se serait agi d’un malentendu ou d’une simple vérification à propos de la présence de Snowden à bord de l’avion.

Rafael Corréa, quand ce fut son tour de parler, résuma leur appréciation sur ce point. « Ils n’avaient aucun droit de vérifier qui se trouvait dans l’avion alors qu’ils disposaient déjà de la liste des passagers et de l’équipage. Et de toute façon cette vérification était impossible car l’avion présidentiel est dans le droit international aussi inviolable qu’une ambassade ! Et si par extraordinaire cette vérification avait eu lieu comment imaginez-vous qu’elle ait pu se passer ? Vous voyez un ambassadeur montant dans l’avion et vérifiant l’identité des passagers ? Personne ne peut imaginer une scène pareille ! » De là Rafael Corréa déduit que l’interdiction de survol n’avait aucun sens pratique et, dès lors, ceux qui l’ont décidé le savaient parfaitement. Pour lui cet épisode est la signature d’une campagne qui visait à criminaliser Snowden plutôt que les responsables de l’espionnage généralisé par les nord-américains qu’il a dénoncé ! Il s’agissait d’humilier pour intimider ceux qui voudraient éventuellement offrir le droit d’asile à Snowden. Or le droit d’asile est un droit humain fondamental reconnu par toutes les déclarations internationales, rappelle Rafael Corréa ! Et le droit de chaque pays de l’accorder librement est également reconnu dans les mêmes conditions. Un seul pays ne Creconnaît rien de tout cela : les États-Unis d’Amérique ! Et de toute façon il reste ceci : si Snowden avait été à bord de l’avion, aucune autorité autre que celle du président Evo Moralès n’aurait été en droit de l’en faire descendre. L’information de la soirée pour moi, ce fut le moment où Rafael Corréa rappela la décision prise par les pays du Mercosur : rappeler tous leurs ambassadeurs en consultation et ne les renvoyer à Paris que lorsque le président Evo Moralès se dirait satisfait des excuses reçues. Un double événement historique. C’est la première fois, en effet, que le Mercosur se donne pour objectif commun une initiative politique. Ensuite, la décision de ne renvoyer les ambassadeurs à Paris que sur la décision de l’un d’entre eux, Evo Moralès, affiche un degré de solidarité dont on ne mesure bien l’importance qu’en constatant qu’il serait tout simplement impossible entre chefs d’État européens ! En y réfléchissant, ce qui m’a le plus frappé à ce sujet, c’est que je n’en avais jamais entendu parler avant ce soir. Rien ne signale mieux l’influence des agences nord-américaines que le silence de nos médias sur l’émotion de l’Amérique du Sud tout entière à propos de cet événement et davantage encore sur ce fait diplomatique majeur que je viens de rapporter. J’ai d’ailleurs bien compris que nous en étions tous au même niveau d’appréciation. Dorénavant dans tous les discours de gauche sous ces latitudes, l’adversaire est cité avec trois noms que l’on énonce à la chaîne : le capital financier, l’empire, le parti des médias. Il n’y a qu’en Europe qu’on ose plus désigner l’ennemi par son nom ! Mais comme d’habitude, nier la réalité ne suffit pas la faire disparaître.


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