Hommage à Henri Alleg décédé le 17 juillet 2013

samedi 20 juillet 2013.
 

Il y a 50 ans : Henri Alleg publiait La Question qui dénonçait la torture en Algérie (texte de Jean Paul Sartre)

Henri Alleg « Combattre le déni
 du passé colonial »

E) Henri Alleg, une passerelle entre les peuples français et algériens

Parti de Gauche

C’est avec une grande tristesse que le Parti de Gauche a appris la disparition du militant communiste et anticolonialiste Henri Alleg.

Dans les années 40, Henri Alleg, établi en Algérie s’engage au sein du Parti Communiste Algérien et prends part aux combats du peuple Algérien pour la justice et la liberté. Il assumera à partir de 1951, la charge de directeur du prestigieux quotidien « Alger Républicain », le journal porte-voix de toutes les forces progressistes et patriotiques d’Algérie. Au début de la guerre d’Algérie, le journal est interdit et son équipe contrainte à la clandestinité. Henri Alleg continue d’écrire des articles publiés par « l’Humanité ». Il sera arrêté au domicile de Maurice Audin, son camarade, arrêté la veille et torturé à mort.

Torturé un mois durant, il écrira en prison son témoignage intitulé « La question », pour dit-il « illustrer d’un seul exemple ce qui est la pratique courante dans cette guerre atroce et sanglante ». Publié aux éditions de Minuit, ce témoignage avait été censuré malgré la mobilisation et les protestations d’André Malraux, François Mauriac ou Jean-Paul Sartre. Ce dernier en préfacera la réédition à Lausanne. Ce témoignage aura permis une prise de conscience en France et dans le Monde sur les horreurs du régime colonial.

A l’indépendance de l’Algérie, Henri Alleg continue son engagement par la reprise de ses activités au sein du PCA et en relançant « Alger Républicain ». Au moment du coup d’Etat de 1965, il appuie l’action de l’Organisation de la Résistance Populaire (ORP) qui débouchera sur la création du Parti de l’avant-Garde Socialiste. Il sera l’animateur de l’action de ce parti au sein de l’immigration algérienne en France. Son parcours de journaliste recoupe aussi celui du journal « l’Humanité » dont il a été un temps secrétaire général.

Le parcours d’Henri Alleg est exemplaire d’engagement, de dévouement et d’humanisme. Il restera un monument comme seule l’humanité combattante peut en forger. Dans l’histoire des peuples français et algérien il reste une passerelle qui les unit et contribue à fonder leur destinée méditerranéenne commune. Le Parti de Gauche salue aujourd’hui la mémoire d’un grand militant engagé dans le combat contre la barbarie et pour la libération humaine, celle d’un Français, d’un Algérien, d’un militant internationaliste conséquent.

D) Hommage à Henri Alleg, un de nos "Justes"

Par Karim Amellal

http://blogs.mediapart.fr/blog/kari...

L’un de nos « justes » s’en est allé hier. Il avait quatre-vingt onze ans. De lui la postérité retiendra son engagement sans faille en faveur de l’Algérie et du peuple algérien, depuis la direction du journal « Alger Républicain », qu’il relancera après l’indépendance, jusqu’à la publication de « La Question », en 1957.

Rien, pourtant, ne prédestinait Henri Alleg à être l’une des figures de proue de ce combat-là. Né en 1921 à Londres, de parents juifs russo-polonais, Harry Salem, son vrai nom, est britannique de naissance. Il devient français lorsque sa famille s’installe dans la banlieue nord de Paris. Algérien, il le sera par choix, dès 1962. C’est en avril 1940 qu’il débarque à Alger, un peu par hasard, par envie de voyager, de voir autre chose, d’écrire. Par militantisme aussi. En ce temps-là, Henri Alleg est communiste et le colonialisme est dans sa ligne de mire. Il s’engage donc au Parti Communiste Algérien et en devient un membre très actif jusqu’à sa dissolution en 1955. L’Algérie lui plait, pas celle des colons qu’il abhorre, mais celle du peuple, ces « indigènes » qui, pour lui, sont avant tout des exploités, des « damnés de la terre ». C’est cette Algérie-là qu’il l’épouse. Il n’en divorcera jamais. C’est à travers son engagement politique qu’il bascule vraiment dans le journalisme. L’organe du PCA à l’époque était Alger Républicain. C’était le journal de Camus et de Kateb Yacine. Il en devient le directeur en 1951.

C’est par Alger Républicain qu’il ira plus loin encore dans la lutte contre le colonialisme. Lorsque le journal est interdit, en 1955, soit un an après le déclenchement de l’insurrection, il bascule dans la clandestinité. C’est alors dans l’ombre qu’il suit, relate, enregistre les sinistres méthodes de l’armée française. 1957 est un tournant. Un tournant dans la guerre avec la bataille d’Alger, et la radicalisation des forces françaises dans la capitale sous la férule des paras, mais aussi un tournant pour lui lorsqu’il est arrêté, en juin, au domicile de son ami Maurice Audin, mathématicien et membre, comme lui, du PCA dissous. Au centre de triage d’El Biar, Audin est torturé à mort, mais Henri Alleg survit. Il est transféré à la prison de Barberousse et c’est là, entre quatre murs, qu’il se met à raconter les supplices que les paras lui ont fait subir : la baignoire, l’électricité, la gégène. Ce témoignage n’est pas venu tout seul, il a été assisté par un homme, son avocat, Léo Matarasso. C’est lui qui a convaincu Alleg d’écrire.

Alors il raconte tout, en détails. L’écriture est sèche, précise, rigoureuse, ce n’est pas un livre, c’est un procès-verbal. Chaque ligne est une lame tranchante. Chaque mot une pointe acérée contre l’armée, la colonisation, cette guerre que la France mène, au fond, contre ses propres fantômes. Les feuilles sortent de prison par l’entremise de son avocat. C’est sa femme Gilberte qui les tape à la machine et, lorsque le manuscrit est fin prêt, il est expédié aux Editions de Minuit. Le texte parait en février 1958. Il s’intitule « La Question ». A Paris, dans le milieu journalistique, chez les intellectuels, il produit une déflagration. C’est un nouveau « j’accuse ». Mais quelques semaines plus tard, en mars, le livre est interdit. Les journaux se mobilisent, des écrivains aussi, dont Malraux, Sartre, Mauriac et Martin du Gard qui écrivent au président de la république, René Coty, pour demander la levée de la censure. En vain. C’est en Suisse que le livre paraît alors, avec une postface de Sartre.

C’est en prison qu’Henri Alleg prend conscience de l’impact de son livre. La révélation froide et rigoureuse qu’il a fait de la torture a provoqué un coup de tonnerre dans l’opinion. Après « La Question », plus rien ne sera vraiment comme avant. Plus personne ne pourra soutenir la guerre que mène la France en Algérie en disant « je ne savais pas ». Ca ne favorise évidemment pas le sort d’Alleg. En 1960, il est condamné à dix ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Transféré en France à la prison de Rennes, il profite d’un séjour dans un hôpital pour s’évader. Il se réfugie à Prague et ce n’est qu’après la signature des accords d’Evian, en mars 1962, qu’il revient en France puis retourne en Algérie.

Lorsque l’indépendance est proclamée, Henri Alleg croit encore à la possibilité d’une Algérie multiculturelle et multiconfessionnelle. Il recrée Alger Républicain mais l’aventure tourne court. En 1965, après son coup d’Etat, Houari Boumediene interdit à nouveau le journal. Trop dissident. Pas assez aligné. Henri Alleg quitte à nouveau l’Algérie. Il attendra quarante ans pour y revenir et ce retour donnera lieu à un livre superbe, « mémoires algériennes », paru en 2005.

Jusqu’à son dernier souffle, le juste Henri Alleg porta et incarna un rêve de réconciliation et, ainsi qu’il l’écrivait dans son ultime livre, à l’aune de son retour en Algérie, il s’efforça toute sa vie de poursuivre, où qu’il se trouvât, « la lutte séculaire des opprimés, des damnés de la terre, pour que naisse enfin un autre monde, un monde de vraie liberté, de vraie fraternité ». En Algérie aussi.

C) Henri Alleg, un homme libre (L’Humanité)

Nous pleurons un ami très cher, 
un camarade, un combattant 
de la liberté, un homme aux grandes qualités humaines, à l’exquise bonté : Henri Alleg rescapé de l’enfer 
de la torture des colonialistes français. Il portait en lui, avec ses yeux rieurs et doux, une telle fraternité ! La vie 
du jeune Harry Salem aura été celle d’un citoyen 
du monde. Né à Londres dans une famille de juifs russe 
et polonais qui ont fui les pogroms pour s’installer 
en France. Puis, à l’automne 1939, il opte pour l’Algérie alors que le fascisme déploie ses hideuses tentacules 
sur l’Europe. C’est au nom de cette ouverture à un monde, à une Algérie débarrassée de toute domination 
de classe et de race qu’il exècre le colonialisme.

Dès son installation dans cette Algérie «  française  », 
monte en lui le refus de cette frontière, certes invisible mais bien réelle, qui sépare le monde des européens, citoyens français, et celui des Algériens, étrangers dans leur pays. La violence de cette injustice raciale lui ouvre le chemin 
du militantisme à la jeunesse communiste clandestine, 
puis au Parti communiste algérien.

Puisque la libération de l’Europe du nazisme ne libère pas l’Algérie de la domination et de la colonisation française, Harry, devenu Henri Alleg, fait de sa plume acérée une arme de combat dans les années cinquante pour une Algérie libérée du racisme et de l’oppression du colonialisme. Devenu directeur de Alger Républicain, maintes fois saisi et censuré, puis interdit, Henri Alleg est contraint à la clandestinité, puis arrêté. C’est l’Humanité alors qui publie ses articles. C’est notre journal encore, 
au prix de censures et de saisies, comme le 30 juillet 1957, qui publie le récit glaçant des scènes de torture qu’il subit, écrit du fond de sa prison. Son livre, la Question, était né, dont le retentissement fit l’effet d’une bombe. Depuis très longtemps, entre l’Humanité et Henri Alleg, tout n’est que complicité, amitié, respect. Il en devint 
un journaliste reconnu, puis son secrétaire général 
de nombreuses années.

Il y restera toujours très attaché, participant à 
nos publications, aux débats des Fêtes de l’Humanité, et à de nombreuses initiatives de l’Association des amis 
de l’Humanité. Jamais il n’aura baissé la garde dans 
le combat pour la vérité, la justice et la paix. Henri était tout à la fois un militant communiste, un journaliste 
et un écrivain qui nous laisse une belle œuvre. Au cours de l’année 2000, il signera l’appel dit des « douze » 
« pour la reconnaissance par l’état français de la torture », aux côtés de Germaine Tillion, auquel l’Humanité 
avec Charles Sylvestre, donnera un grand écho.

Le peuple et le mouvement progressiste algérien perdent un grand ami, un grand combattant de sa cause, de celle de la liberté et de l’anti-racisme. 
Le meilleur hommage que pourrait lui rendre aujourd’hui même l’état français serait de reconnaître enfin officiellement la torture en Algérie et les crimes de guerre. Ce serait aussi d’ouvrir les archives pour qu’éclate 
la vérité sur le sort du jeune mathématicien communiste Maurice Audin, arrêté la veille de l’arrestation de Henri Alleg. L’Humanité et ses amis perdent un camarade « engagé » qui jusqu’au bout aura poursuivi sa quête d’un monde «  de femmes et d’hommes libres, égaux et associés  » qu’il identifiait au communisme. Ses combats d’une brûlante actualité resteront les nôtres.

Patrick Le Hyaric

B) Le MRAP rend hommage à Henri Alleg, grand militant anticolonialiste

Connu sous le nom d’ Henri Alleg, qu’il avait pris lors de son passage dans la clandestinité pendant la guerre d’Algérie, Harry Salem est mort le 17 juillet à Paris. Il allait avoir quatre-vingt-douze ans.

Le MRAP tient à rendre hommage à ce grand militant anticolonial. Il présente à sa famille et ses amis, ses sincères condoléances et partage leur peine et leur tristesse

Journaliste depuis 1950, Henri Alleg n’aura de cesse de dénoncer les « mœurs coloniales », notamment la torture pratiquée quotidiennement dans les commissariats et les gendarmeries d’Algérie.

A l’automne 1955, un an après le déclenchement de l’insurrection du 1er novembre 1954, il entre dans la clandestinité quand le quotidien Alger républicain, dont il est le directeur, est interdit et le Parti Communiste Algérien (PCA), dont il est membre, dissous.

Le 12 juin 1957, les parachutistes l’attendent au domicile de Maurice Audin. Celui-ci, jeune assistant en mathématiques, lui aussi militant du PCA, est arrêté et mourra le 21 juin, sous la torture. La vérité sur la disparition de Maurice Audin n’a toujours pas, 56 ans après, été dite.

Dans son livre La Question qui reste un document majeur sur la torture, Henri Alleg avait témoigné sur les sévices qu’il avait lui même subis, en 1957, entre les mains des parachutistes français. Transféré à la prison de Rennes, il s’en évade en 1961.

Henri Alleg, engagé dans le combat contre le racisme notamment colonial, pour l’égalité entre les Hommes et les peuples, ainsi que pour la paix, l’indépendance et la démocratie en Algérie, restera dans nos mémoires comme symbole de courage et de justice

Paris, le 18 juillet 2013

A) Hommage à Henri Alleg (éditions de minuit)

Henri Alleg (Londres, 1921 - Paris 2013). Pseudonyme de Harry Salem. En 1940, il s’installe en Algérie et milite au sein du Parti Communiste Algérien. En 1951, il devient directeur du quotidien Alger républicain. Il entre dans la clandestinité en 1955, date d’interdiction de son journal en Algérie. Il continue cependant à transmettre des articles en France dont certains seront publiés par l’Humanité.

Il est arrêté le 12 juin 1957 par les parachutistes de la 10eme D. P. au domicile de Maurice Audin, son ami arrêté la veille et qui sera torturé à mort. Henri Alleg est séquestré un mois à El-Biar où il est torturé et subit un interrogatoire mené après une injection de penthotal. Il est ensuite transféré au camp de Lodi où il reste un mois puis à Barberousse, la prison civile d’Alger.

C’est là qu’il écrira La Question, dissimulant les pages écrites et les transmettant à ses avocats. Dans La Question, il raconte sa période de détention et les sévices qu’il y a subi, en pleine guerre d’Algérie. Tout d’abord publié en France aux Éditions de Minuit, l’ouvrage est immédiatement interdit en mars 1958. Nils Andersson le réédite en Suisse, quatorze jours après l’interdiction (Lausanne, La Cité, 1958).

Malgré son interdiction en France, ce livre a considérablement contribué à révéler la pratique de la torture en Algérie. Trois ans après son arrestation, Henri Alleg est inculpé d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État » et de « reconstitution de ligue dissoute » et condamné à dix ans de prison. Transféré en France, il est incarcéré à la prison de Rennes. Profitant d’un séjour dans un hôpital, il en profite pour s’évader. Aidé par des militants communistes, il rejoindra la Tchécoslovaquie. Il revient en France après les Accords d’Évian puis en Algérie où il participe à la renaissance du journal Alger républicain.

Bibliographie (extrait) :

* La Question (Minuit, 1958). * Prisonniers de guerre (Minuit, 1961). * Victorieuse Cuba. De la guérilla au socialisme (Minuit, 1963). * Les Problèmes du Tiers-monde (Institut Maurice Thorez, 1969). * La Guerre d’Algérie (Temps actuels, 1981). * La Guerre d"Algérie 2. Des promesses de la paix à la guerre ouverte (Temps actuels, 1981). * La Guerre d’Algérie 3. Des complots du 13 mai à l"indépendance. Un État vient au monde (Temps actuels, 1981). * Étoile rouge et croissant vert (Temps actuels, 1983). * S.O.S. America (Messidor / Temps actuels, 1985). * La Grande aventure d’Alger républicain, Henri Alleg, Boualem Khalfa, Abdelhamid Benzine (Messidor, 1987). * L’U.R.S.S. et les juifs (Messidor, 1989). * Requiem pour l’oncle Sam (Messidor, 1991). * Le Siècle du Dragon. Un reportage et quelques réflexions sur la Chine d’aujourd’hui et (peut-être) de demain (Le Temps des cerises, 1994). * Un grand bond en arrière. Reportage dans une Russie de ruines et d’espérance (Le Temps des cerises, 1997). * Quarante ans après la guerre d’Algérie. Retour sur La Question, entretien avec Gilles Martin (Le Temps des cerises / Aden, 2001). * Mémoire algérienne. Souvenirs de luttes et d’espérances (Stock, 2005).


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