TRANSATLANTISME RIME AVEC NÉOLIBERALISME

vendredi 19 juillet 2013.
 

À la fin des années 90 pointait son nez un AMI qui ne nous voulait pas du bien : « l’accord multinational sur l’investissement » visait à donner à la finance un pouvoir absolu, au détriment des droits sociaux et de la défense de l’environnement. Suite à une campagne de dénonciation dont ATTAC fut le fer de lance et qui trouva des relais au Parlement, le gouvernement de la gauche plurielle fit capoter le projet en se retirant des négociations.

Une quinzaine d’années plus tard – aujourd’hui – l’esprit de l’AMI revient sous la forme d’un « partenariat transatlantique de commerce et d’investissement », négocié, du côté européen, par la commission de Bruxelles présidée par l’ineffable J.M. Barroso. L’objectif affiché : démanteler les barrières douanières et réglementaires entre l’UE et les États-Unis, ce qui serait censé activer l’économie des deux côtés de l’Atlantique. Au vu des conséquences du libreéchange en Europe, on peut au contraire craindre la suppression de centaines de milliers d’emplois en raison de la concurrence américaine – ce que reconnaît d’ailleurs la commission de Bruxelles dans un document interne.

À ce jeu-là, les grands gagnants seraient les multinationales, dès lors que les États se verraient privés du droit de favoriser leurs entreprises. Quant aux services publics, déjà très malmenés par les directives libérales de l’UE, leur avenir s’obscurcirait encore plus. Au nom de cet accord, l’Europe autoriserait la vente de poulets traités au chlore, de boeuf aux hormones et de produits incluant des OGM – toutes spécialités américaines. Qu’en serait-il des normes sanitaires et écologiques, face à un pays qui autorise l’exploitation du gaz de schiste sans se soucier de ses retombées environnementales ?

De fait, nous assistons à de grandes manoeuvres de l’administration Obama pour asseoir l’hégémonie mondiale des États-Unis dans un contexte d’instabilité et d’incertitude qui n’échappera à personne. Dans la zone Asie-Pacifique, après avoir sorti la Birmanie du giron chinois, Washington a lancé un « partenariat transpacifique » visant à instaurer un marché commun sans Pékin. Et voilà la Maison Blanche qui relance maintenant l’idée du marché transatlantique. Comme l’écrit dans Le Monde Zaki Laïdi, directeur de recherche au Centre d’études européennes de l’Institut d’études politiques de Paris, l’objectif des Américains est de « mettre en place deux mâchoires puissantes couvrant 60 % du commerce américain, l’une avec l’Europe, l’autre avec l’Asie mais sans la Chine, et en plaçant la barre des négociations de l’accord partenarial transpacifique suffisamment haut pour dissuader Pékin d’y venir ».

Au sein de l’UE, les États-Unis peuvent compter sur deux alliés de poids. Le Royaume-Uni, traditionnel intermédiaire entre le Nouveau Monde et le Vieux continent. L’Allemagne aussi, dont les exportations intraeuropéennes ne cessent de diminuer alors qu’augmentent ses ventes à l’extérieur de l’UE.

Notre pays, en revanche, aurait beaucoup plus à perdre que d’autres, car la France possède en propre une défense et une diplomatie, le cadre culturel de la francophonie, ainsi qu’un modèle social qui repose notamment sur les services publics. Nous n’hésitons pas à l’affirmer : l’heure est grave, et aussi pertinentes soient-elles, les petites phrases contre José Manuel Barroso sont très en dessous du nécessaire...

Pour déjouer ce mauvais coup – un de plus ! – contre les peuples européens, le gouvernement français s’honorerait à bloquer immédiatement les négociations UE-USA, comme le demande solennellement le Front de Gauche dans une lettre adressée au Président de la République. Placé devant ses responsabilités historiques, Hollande en 2013 ne doit pas faire moins que Jospin en 1998. Faute de quoi la courbe du chômage continuera à monter, malgré les déclarations d’intention du chef de l’État.


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