L’Afghanistan au bord du gouffre

samedi 29 juin 2013.
 

L’Afghanistan au bord du gouffre alors que les Etats-Unis négocient avec les Talibans la sauvegarde de leurs intérêts économiques

L’offensive des Talibans sur Kaboul s’accentue, dans un silence quasi complet des médias. Depuis le mois d’avril, la ville et la province de Kaboul sont sujettes à de multiples attaques terroristes et à ne nombreuses actions de guérilla. Il y a deux semaines, la Cour suprême d’Afghanistan essuyait un attentat. Aujourd’hui, le 25 juin, une attaque coordonnée frappait le ministère de la défense, le palais présidentiel et… le quartier général de la CIA situé dans l’hôtel Ariana.

Le Parti de Gauche ne s’était pas trompé dans son analyse de la situation en Afghanistan en prévoyant pour cette année une « offensive du Têt » à l’afghane. Celle-ci est en cours  ; les attaques ciblées dans Kaboul même sur les bâtiments symboliques du pouvoir signifient clairement aux Afghans que les choses sont en train de changer.

Hors de la ville l’offensive s’intensifie également, les Talibans et l’Hezb-e-Islami prenant de plus en plus le contrôle des vallées autour de Kaboul. Surobi et la vallée de Musahi sont complètement infiltrées par les combattants rebelles. L’approvisionnement de Kaboul sera bientôt verrouillé. Cela se produit dans un contexte où la coalition otanienne est en cours de transfert d’autorité militaire à l’armée afghane, laquelle n’a d’armée que le nom. Fin 2014, la plus grande partie des troupes otaniennes régulières aura quitté l’Afghanistan.

L’avenir de l’Afghanistan semble plus sombre encore que son présent. C’est une nouvelle guerre civile qui se profile : demain, les grandes villes, Kaboul en tête, seront à nouveau livrées aux guerres inter-claniques. À cela s’ajouteront, comme en Irak, les exactions des armées privées américaines qui resteront sur place pour garantir les intérêts des États-Unis consentis par les Talibans lors des négociations à venir.

L’OTAN n’aura finalement pas fait mieux que l’URSS. Et encore, le régime de Nadjibullah s’était maintenu seul après le retrait soviétique de 1989 à 1992 avant que le pays ne sombre complètement dans la guerre civile. Le régime de Karzaï, lui, ne tiendra pas aussi longtemps.

Après 12 années de guerre « contre le terrorisme », l’échec des objectifs officiels de guerre est total : l’adversaire n’a pas été vaincu, la démocratie n’a pas triomphé, les droits des femmes n’ont pas été respectés, et l’Afghanistan n’a pas été pacifié. C’est même diamétralement le contraire sur tous ces thèmes.

En effet, il y a une semaine à peine, dans ce contexte de défaite otanienne, des émissaires Talibans et des officiels Qatari ouvraient très formellement le « Bureau politique de l’Émirat islamique d’Afghanistan à Doha ». Encore une fois, le Qatar – notre allié et celui des États-Unis – se retrouve en appui d’une diplomatie étasunienne et otanienne qui navigue en eaux troubles. Malgré les récriminations de circonstance, ce « bureau politique » a été ouvert pour accueillir les négociations entre les hauts responsables américains et les représentants Talibans. L’objet de ces négociations : le maintien de bases militaires US en Afghanistan ainsi qu’un accord sur les gazoducs et oléoducs sur l’axe Asie Centrale - Pakistan.

Nul doute que les Talibans en accepteront les termes car eux savent qu’ils sont la seule raison de la guerre que leur livre les nord américains. Rappelons qu’entre 1997 et 2001, avant l’intervention américaine puis otanienne en Afghanistan en 2001 – officiellement déclenchée pour se venger de l’attaque terroriste du 11 septembre et pour capturer Ben Laden –, Washington avait âprement négocié avec le pouvoir Taliban d’alors la construction d’un gazoduc à travers l’Afghanistan pour le compte de la société pétrolière américaine Unocal. L’actuel président Hamid Karzaï avait d’ailleurs été consultant chez Unocal, justement sur ce projet de gazoduc. Les relations avaient été rompues et la guerre commencée après que les talibans aient choisi une autre compagnie, latino-américaine, pour conclure leur marché.

Qu’aura été le rôle de la France dans ce triste conflit  ? Quelles sont les réactions du gouvernement Ayrault, de messieurs Fabius et Le Drian à la tragédie qui s’annonce  ? De ceux qui à droite, Nicolas Sarkozy en tête, ont inféodé la France à l’OTAN et bradé sa place internationale… Aucune. Silence assourdissant de connivence. 88 de nos soldats auront laissé leurs vies en Afghanistan, 700 y ont été blessés dans le cadre d’une opération où nous n’aurons eu qu’un rôle de supplétifs de la politique hégémonique étasunienne, alors que nous intervenions sous couvert du rétablissement de la démocratie.

Le Parti de Gauche dénonce cette politique internationale aveuglée par l’atlantisme des élites de la rue de Solférino et du gouvernement qui constituent l’équipe la plus liée aux États-Unis qu’il y ait eu en France depuis la SFIO. Renfort des troupes étasuniennes, la France y perd sa grandeur et son indépendance.


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