Ayrault et les retraites, le temps des adjectifs

dimanche 23 juin 2013.
 

Le temps des funérailles, ils s’étaient donné des mines d’héritiers de Pierre Mauroy. Certes j’avais bien souri de voir François Hollande, l’homme qui écrivait contre le programme commun et la politique de gauche de Mauroy dans les années 80, faire mourir une deuxième fois l’ancien premier ministre en faisant son éloge pour la politique de rigueur sans dire un mot des conquêtes sociales de 1981. Signé furax : il aurait dû parler de la retraite à soixante ans une semaine avant de l’enterrer elle aussi. Pas un des plumitifs de service ne fit le rapprochement. Quel petit filou ce François ! Depuis cette pantalonnade, le « rapport Moreau » est tombé. Il se confirme avant tout que les pleureurs professionnels n’étaient bien, une fois de plus, que des cyniques sans principes. Mauroy avait été le premier ministre de la retraite à soixante ans. Ayrault sera son fossoyeur. Non seulement il avalise toutes les lois scélérates de la droite en la matière mais il va les aggraver. Pire que Balladur et Fillon : Jean-Marc Ayrault. Pire que Sarkozy : François Hollande. Un gouvernement de "gauche" va pour la première fois en France décider de reculer l’âge du départ en retraite. Voilà la certitude. Le reste est un habillage. Car le gouvernement a beau jouer les Tartuffe en s’abritant derrière le « résultat des négociations entre partenaires sociaux », on sait déjà qu’il compte suivre les grandes lignes de ce « rapport ». En page 18 du « Monde », dans un coin sans importance, ce pauvre Ayrault débite ses habituelles phrases creuses sculptées comme de l’antique. Mais les dés sont jetés. Le rapport Moreau est un rabâchage sans imagination des mantras les plus éculés. Depuis vingt ans surgissent des gugusses de cette sorte qui prétendent « sauver notre système de répartition » en le démolissant. Les vieux refrains sont de retour : accroître la durée de cotisation et baisser les pensions. Une politique absurde et injuste par essence. Absurde car l’âge moyen de cessation d’activité en France étant inférieur à 59 ans ce sera au système de chômage et de pré-retraite de prendre en charge le différentiel toujours plus grand avec celui de départ à la retraite…

Le plan de réforme des retraites est donc aussi un plan de ruine des comptes sociaux. Demain les mêmes menteurs et hypocrites viendront « sauver notre régime d’indemnisation » en supprimant les indemnités et « sauver notre système de santé » en réduisant l’accès aux soins de chacun. Mais en se gardant bien de dire que la principale cause de déséquilibre des comptes est leur politique. Et que le principal bénéficiaire de leur « réforme » est le secteur marchand : retraite par capitalisation, assurances privées, cliniques privées. Quant à la baisse des pensions, elle va mettre dans une situation toujours plus difficile des millions de retraités dont le niveau de vie ne cesse de se détériorer. Tout cela suit la rengaine de la droite : "on vit plus longtemps donc on doit travailler plus longtemps". Partout où de tels sottises ont été appliqués on observe un recul de l’espérance de vie en bonne santé. Parfois c’est l’espérance de vie tout court qui régresse. Il y aurait pourtant une toute autre logique à mettre en œuvre. D’abord développer l’emploi par une politique de la demande et des grands projets comme l’économie de la mer. Ensuite et à court terme : chercher les ressources là où elles se sont enfuies depuis trente ans c’est à dire dans les profits non investis. Il y a là largement de quoi combler les 20 milliard de déficit prévus d’ici 2020, si l’on accepte l’idée très audacieuse que les prévisions de déficit des soi-disant spécialistes vaillent mieux cette fois-ci que les précédentes. De toute façon l’équilibre du système par répartition est de l’aveu même du premier ministre, assuré dès 2035 en raison du dynamisme de notre démographie. Quelle bonne nouvelle ! Elle ne soulève pourtant guère de curiosité ni de commentaires… Nous y reviendrons le moment venu. Car c’est une bataille de mouvements et de pilonnage qui commence. Déjà le parti médiatique a commencé à asséner en boucle les habituels arguments pour pousser des cris catastrophistes, opposer les jeunes aux vieux, les fonctionnaires aux salariés du privé et ainsi de suite. Ce sont les préparations d’artillerie médiatiques classiques comme nous les avons déjà vécues. Il faut laisser passer ce premier feu. Il n’imprimera pas. Il est au contraire intéressant de laisser la médiasphère se déconsidérer une fois de plus par son embrigadement. Le dégoût et la méfiance sont déjà acquis dans la mesure où tout cela est de la redite. Les gens savent qu’on les prend pour des imbéciles et ils seront mieux disposer à écouter des solutions alternatives. Nous n’aurons aucun mal à les produire puisqu’il n’y a strictement rien de neuf dans le « débat ». Les syndicats vont se mettre en mouvement et nous aussi en charge progressive. Nous aussi, à leur suite. Il est possible que le gouvernement dispose du nombre de godillots suffisant pour faire passer cette nouvelle forfaiture. Mais les syndicats vont agir avant. La CGT, FO et SUD ne vont pas laisser faire. Et il n’est pas assuré que l’UNSA et la CFDT accepte de servir la soupe cette fois-ci. Venant après l’amnistie refusée, les cadres syndicaux vont finir leur décrochage d’avec le PS et ses arnaques et ils se tourneront franchement de notre côté à l’heure des bulletins de vote de représailles en mars et mai prochains. Nous avons un peu de temps devant nous. Pas beaucoup car le gouvernement veut avoir bouclé son affaire en septembre.

Bien sûr Jean Marc Ayrault a déjà pris la pause et sucé longuement ses mots pour annoncer et même exiger une « concertasssssion ». Attention pas n’importe quelle « concertassssion » ! Une « concertassssssion » très spéciale. Qu’on en juge ! Le formidable premier ministre de François Hollande qui se prépare à liquider un acquis social historique de la gauche lui attribue quatre adjectifs, pas un de moins. Matin ! Quel haut niveau d’exigence ! Et quelle plume pour le dire ! Certes il est loin le temps ou le premier ministre ou ses séides disposaient de la page une du « Monde » pour réciter ce genre de balivernes ! Ici ce texte fondateur et inoubliable dans l’histoire du PS au pouvoir doit être recherché page 18 du journal de révérence (quart gauche du haut de la page) ! Bref, peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. La concertassssion de monsieur Ayrault, prise en sandwich entre la mauvaise volonté syndicale à se couper la gorge et l’urgence du calendrier parlementaire exige donc une pluie d’adjectifs palliatifs pour cache misère. Ce doit être une concertation : 1) « dense » 2) « construite » 3) « ouverte » et même, soyons fous : 4) « sincère » ! En tous cas l’essentiel est de se manier le train ! Car la loi de finances de la sécurité sociale en cours doit pouvoir intégrer les coupes qu’organisera la « réforme ». Car ne l’oublions pas : tout ceci n’a de sens que par rapport aux exigences de la « Commission européenne » pour les comptes publics de 2014 et 2015. Sinon quel besoin de se hâter de la sorte ? Comme dirait Hollande la Commission n’a pas à nous dire ce que nous devons faire puisque nous le faisons déjà !


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