Le chemin vers le socialisme passe par le pouvoir populaire

mercredi 24 avril 2013.
 

Vous avez rédigé une réflexion à partir de la problématique avancée, en son temps, par Rosa Luxemburg  : réforme ou révolution  ? Où en est le Venezuela  ?

Amilcar Figueroa. Il y a eu une rupture du système de domination de l’élite après l’élection d’Hugo Chavez, en 1998. Elle a ouvert la voie à une période de révolution politique avec la Constituante. Elle n’a certes pas touché à la structure économique et sociale du pays mais elle a amplifié, substantiellement, la démocratie. Puis il y a eu un processus de résolution de la dette sociale, héritée de la vieille République. La reprise du contrôle de l’industrie pétrolière et la renégociation des impôts, dans le cadre de la loi et des conventions internationales, ont permis une rentrée de devises plus sérieuse. Grâce à ces ressources, le président Chavez a promu une logique économique différente de celle du capital. Dans un contexte dominé par l’impérialisme, elle a été le début d’une autre étape, marquée par la possibilité de construire un socialisme réinventé dans les conditions du XXIe siècle et pour la société vénézuélienne.

Où se situent les freins à la consolidation d’un État transformé  ?

Amilcar Figueroa. Depuis la formation de l’État national, la bourgeoisie, qui a eu un contrôle absolu sur lui durant plus de cent cinquante ans, a été incapable de développer le capitalisme et les forces productives. L’accumulation du capital, fruit de la rente du sol, du commerce et de la spéculation financière, finissait toujours dans les banques étrangères. Avec l’exportation du pétrole, cette fuite du capital va devenir la norme. Faute de réinvestissement, l’industrie manufacturière n’a pas été développée. Ce n’est que plus tard que les industries vont voir le jour, grâce à l’État. Le président Chavez a d’abord proposé de développer une économie productive. Mais nous sommes encore terriblement dépendants de la rente pétrolière. Des îlots d’économies socialistes ont vu le jour avec des coopératives, puis des entreprises de production sociale, et enfin avec les communes. Mais ce processus est très complexe. Il faut garder à l’esprit que la lutte des intérêts est toujours aussi vive. Nous voulons transformer le pays mais dans le cadre de la Constitution, et de la paix. Pour exemple, la loi sur les terres de redistribution a coûté la vie à 200 dirigeants du mouvement paysan, tués par des sicaires financés par les propriétaires terriens.

À quoi devra s’atteler le prochain gouvernement bolivarien en cas de victoire  ?

Amilcar Figueroa. L’approfondissement ou non du processus s’inscrit dans le cadre de rapports de forces nationaux et internationaux. Il s’agit aussi d’objectifs stratégiques. Le programme de la patrie de la majorité propose clairement de développer l’économie où se reflète le socialisme. Sa matérialisation passe par le pouvoir populaire et la conquête d’une pensée révolutionnaire hégémonique où le collectif prime dans la société. Et rien n’est plus difficile. Le capital a toujours des leviers de défense des privilèges d’une part, et d’autre part, le mode de vie américain domine et handicape le changement de mentalité. Il faut donc approfondir la bataille culturelle pour dépasser cette situation.

Comment analysez-vous la nature de la société vénézuélienne  ?

Amilcar Figueroa. S’il fallait réaliser un graphique, je dirais qu’environ 10 % de la société a une conduite ouvertement fasciste. Par le passé, il y a eu des postures droitières et répressives, mais il n’existait pas une telle haine de classe et de racisme. Cette minorité est très active. À l’autre extrême de la société, on trouve un nombre élevé de personnes qui se reconnaissent dans l’idée de pouvoir populaire connu comme le socialisme du XXIe siècle. Au milieu, il y a une masse importante où priment le pragmatisme politique et les valeurs de la culture bourgeoise. 
C’est dans ce cadre que se résoudront les contradictions.

Lors de son dernier Conseil des ministres, le 20 octobre, Hugo Chavez a insisté sur le rôle des communes. Quelle est la fonction de cette architecture de pouvoir populaire  ?

Amilcar Figueroa. Pour Hugo Chavez, le processus d’indépendance peut avoir un point de non-retour à la condition de résoudre les questions matérielles tout en se distanciant des relations capitalistes. D’où l’idée de la commune. Selon lui, l’économie doit se démocratiser, en développant l’économie communale et les projets socioproductifs. Les affaires publiques ne passent pas seulement par le gouvernement mais elles doivent également être dans les mains des communes afin que la communauté contrôle et s’approprie la production.

Entretien réalisé par 
Cathy Ceïbe, L’Humanité


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