Assemblée constituante maintenant ! España mañana será republicana !

mercredi 24 avril 2013.
 

Le 14 Avril est toujours un jour particulier pour moi. Quand je le vois s’afficher sur les écrans ou dans les journaux, je ne peux empêcher l’émotion de me saisir à la gorge. Il m’arrive la même chose tous les 14 Juillet. Les images défilent dans ma tête les unes après les autres. La lutte contre Primo de Rivera, le soulèvement de Jaca fin 1930, la victoire des républicains le 12 Avril 1931 et la proclamation de la République le 14 Avril de cette même année à la Puerta del Sol à Madrid. La monarchie tombait. Enfin ! Et définitivement pensait-on car l’assemblée constituante avait déclaré les Bourbons hors la loi. L’espoir renaissait partout. Clara Campoamor allait être une des premières femmes élues députées et se battrait avec un courage qui force le respect de toutes les générations suivantes pour le droit de vote des femmes… Ce sont toutes ces figures qui défilent dans mes souvenirs, avec l’Himno del Riego en musique de fond. Comme tous les 14 Avril, j’arbore à mon col les couleurs du drapeau tricolore avec fierté. Comme à chaque fois, je mettrai plusieurs jours avant de le retirer, même si, en France les gens ne comprennent souvent pas le sens du drapeau dont je me revendique.

Cette année en Espagne, le 14 Avril a pris un sens tout particulier comme je le rappelais il y a peu. Le pays vit une crise sans précédent depuis la mort de Franco. La répression et la criminalisation des manifestations ne cessent de s’accroître. La pauvreté atteint des records. Les expulsions de logements sont légions (180 000 en 2012 !). A dire vrai, les chansons de la résistance à la dictature qui ont bercé mon enfance retrouvent une réalité que je n’aurais jamais cru leur voir reprendre. a cette différence près que Franco est mort. Mais ses héritiers, eux, sont bel et bien là. A commencer par le premier d’entre eux : le Bourbon que Franco a placé à la tête de l’Etat et dont l’Espagne ne s’est toujours pas débarrassée.

Depuis quelques jours, les appels à l’abdication du roi et à la démission du gouvernement ainsi que la demande d’un référendum pour que le peuple puisse choisir entre République et la Monarchie enflaient sur la toile. Sur twitter les hashtag #FelipeNoSerasRey (« Felipe tu ne seras pas roi », car le roi Juan Carlos pense pouvoir imposer son fils à la tête de l’Etat…), #RepublicaYA (« République Maintenant ! » en échos au slogan du mouvement du 15 Mai 2011 dit des « indignés » : « Démocratie Réelle Maintenant ! »), #Rey Abdica (« Roi abdique ! »), #APorLaTercera (« En route pour la Troisième République »). Les sondages sur internet se sont multipliés donnant des scores largement favorable au changement de régime (il faut savoir que les sondages officiels donnant toujours plus de points à la République contre la Monarchie, il n’y en a plus eu depuis Octobre 2011…) fleurissaient de toute part. Effet trompe l’œil ? Non ! En ce dimanche 14 Avril le peuple espagnol était bel et bien au rendez-vous. Pas seulement les républicains forcenés qui chaque année défilent en cette date anniversaire. Pas seulement les anciens qui chaque année viennent commémorer les héros tombés pendant la guerre civile et sous la dictature. Non.

Cette fois il y avait des dizaines et des dizaines de milliers de personnes à défiler de Cibeles à la Puerta del Sol à Madrid, et d’autres dizaines de milliers à Barcelone, à Valence et ailleurs. Et des jeunes. Beaucoup de jeunes ! C’est une véritable marée de drapeaux tricolores qui a déferlé dans les rues aux cris de « España mañana será republicana ! » (« Demain l’Espagne sera républicaine »). Une bouffée d’air enfin dans cette Espagne martyr des plans d’austérité de Rajoy, Barroso et consors. Pour une fois la manifestation parlait du futur. Elle appelait à changer les institutions, à changer les choses pour de bon. Et les jeunes étaient là. Le souffle révolutionnaire de Mai 2011 avait emboité à nouveau le pas à la seule résistance à l’austérité ! Izquierda Unida était évidemment là. Rappeler que la question n’est pas seulement de pouvoir changer et choisir le chef de l’Etat mais de »mettre en place une constitution qui donne le pouvoir de décider au peuple espagnol et le retire à la Troïka », qu’il faut « en finir avec les institutions pourries qui fomentent la corruption » et mettre en place « une alternative complète au régime actuel », voilà en substance ce que le leader d’Izquierda Unida, Cayo Lara, venu comme tous les ans marcher pour la République (mais cette fois-ci arrêté à chaque pas pour photos, interviews et autographes) martelait en ce dimanche aux journalistes qui l’interrogeaient.

Un mot court désormais de bouches en bouches : « Assemblée Constituante ». Et ce mot je l’ai vu apparaître avant une révolution bien récente en Equateur. En Espagne, l’idée prend peu à peu sa place depuis Mai 2011. En Mars 2012, plusieurs universitaires ont sorti un ouvrage référence « Pour une Assemblé constituante -une solution démocratique à la crise« que vous pouvez télécharger librement (en espagnol). Les mouvements citoyens (15M, 25S,) ont organisé plusieurs rendez-vous militants autour de la question, les 16 et 17 Mars derniers notamment avec les « Journées constituantes ». Et ce dimanche 14 Avril, juste avant la manifestation, Julio Anguita, figure historique d’Izquierda Unida lançait son dernier livre : « Conversations sur la Troisième République », un ouvrage en forme de premières propositions « pour qu’on commence dès maintenant à travailler à la construction de la troisième République et qu’on ne se contente plus de regarder la Deuxième comme un modèle ».

Avant de vous laisser à la lecture de deux des principaux manifestes de cette journée républicaine, je voulais vous citer un passage du livre « Pour une Assemblée constituante » afin que vous vous en souveniez et qu’il vous incite à vous joindre à la marche pour la VIème République en France le 5 Mai prochain : « ‘Constituer’ signifie créer. Le pouvoir constituant démocratique est en essence et par essence un pouvoir créateur d’une réalité nouvelle et dialectique de progression vis-à-vis du passé, nécessairement différente de ce qui préexistait. Le pouvoir constituant se situe entre ce qui était et ce qu’il y aura. Son caractère, aussi démocratique soit-il, ne peut être autre que le ‘pouvoir politique et d’origine’. Rien n’agit sur lui, pas plus les verrous du pouvoir constitué que les fondements de la Constitution antérieure. Le pouvoir constituant engendre le pouvoir constitué et, ce faisant, le dote de la légitimité démocratique nécessaire à sa construction. Ce n’est pas un acte définitif ; il doit être activé chaque fois que le pouvoir constitué est délégitimé, comme c’est le cas aujourd’hui. Chaque génération a le droit de changer les normes du vivre ensemble, sa Constitution, et de décider de son présent et de son futur. Nier ce droit dans quelque société que ce soit c’est, par définition, nier le caractère démocratique de cette société. »

Pour voir les affiches et lire les deux manifestes signalés ci-dessus par Céline Meneses, cliquer sur l’adresse URL portée en source (haut de page, couleur rouge)


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