« La solution, c’est l’intervention populaire »

samedi 20 avril 2013.
 

JEAN -LUC MELENCHON. Le coprésident du Parti de gauche, en meeting ce soir à Montpellier, qualifie de "replâtrage" et "attrape-nigauds", les annonces de moralisation de la vie politique.

Vous venez de participer à la manifestation contre l’accord national interprofessionnel (ANI) qui consacre une grande régression sociale, pourtant la mobilisation n’a pas été à la hauteur de l’enjeu…

Le contenu technique de l’accord est difficile, il n’est pas aisé de le soumettre à la réflexion du plus grand nombre et en parallèle, il y a un harcèlement médiatique contre la prise de conscience. Il y a aussi les facteurs plus profonds que sont la résignation et la peur. J’ajouterai une autre difficulté à la mobilisation : c’est que tous ces problèmes sont politiques et les solutions à trouver sont plus politiques que syndicales. Cela renvoie à l’exigence d’un changement politique global.

Cette faible mobilisation a-t-elle un lien avec l’affaire Cahuzac qui, bien qu’elle ne soit pas la première de ce type, connaît d’importantes répercussions ?

C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Mais il ne faut pas sous-estimer la nature de l’événement. La connivence de ceux qui parlent la langue de la finance est stupéfiante. Elle est capable d’établir un trait d’union entre un intime conseiller de Marine Le Pen – qui est parfaitement informée mais se tait – et l’un des principaux personnages du dispositif gouvernemental socialiste, également entouré de gens qui se taisent. L’état de déréglementation est tel que certains pensent que ce qui est à peine licite aujourd’hui sera totalement légal demain. J’ai aussi entendu dire au trésorier de François Hollande qu’ouvrir un compte dans un paradis fiscal n’était pas illicite. Cela valide le fait que dans certains endroits du monde, l’argent du crime, de la prostitution et de la fraude fiscale se retrouve dans le même lit que l’argent officiel.

La plupart des médias qui ne relaient à ce propos que vos formulations choc ne donnent-ils pas une image erronée du Front de gauche ? Cela ne vous gêne-t-il pas ?

Évidemment que c’est une très grande gêne. Je connais très bien cette manœuvre qui vise à disqualifier une personne pour la faire taire. Depuis le Ve siècle, cela s’appelle le sophisme. Noël Mamère écrit qu’il y a quelque chose de pourri en France, Ségolène Royal parle de « coup de balai », Vauquiez de crapule… sans que cela n’indigne personne. Le mal que j’ai dit de Mme Thatcher a soulevé des torrents d’indignation alors que des propos dix fois pires à propos de Chavez n’ont indigné personne. C’est le caractère méthodique, absolu, total d’une méthode destinée à m’intimider et à m’isoler. Toutes les injures sont bonnes pour me diaboliser tandis qu’on dédiabolise Marine Le Pen.Vous remarquerez que le lien entre un de ses proches et Cahuzac n’a entraîné pratiquement aucun rebondissement médiatique. Il faut traiter cette situation comme un problème politique. Si l’on se place sur le terrain de l’autoflagellation, on se place sur le terrain de ceux qui veulent nous diaboliser…

… et qui renvoient dos à dos "le populisme des extrêmes" ?

Le but de l’opération est encore de faire taire. Il faut répondre avec patience sans jamais céder. C’est la même difficulté que la campagne contre l’ANI. Cela prend du temps.

Qu’attendez-vous de la manifestation du 5 mai à Paris dont vous avez lancé l’idée. Le Front de gauche est-il en ordre de marche ?

Je l’ai proposée sur France info le matin à 8h. A 9h, Pierre Laurent trouvait l’idée intéressante. A 16h, toutes les organisations qui composent le Front de gauche l’approuvaient.

Y compris avec "le coup de balai"…

Comme les socialistes se sont déchaînés, j’ai sorti une affiche des années trente montrant qu’à l’époque la SFIO employait cette expression… mais nous avons immédiatement été ralliés par Eva Joly puis par Olivier Besancenot et d’autres personnes suivent. Il y en aura de plus en plus d’ici au 5 mai. Cet appel fonctionne comme un débouché politique. Il correspond au besoin des gens de s’exprimer, de s’impliquer dans la situation. C’est une réponse de haut niveau. Disons que la situation est grave et que la solution réside dans l’intervention populaire. C’est une convocation du peuple français pour qu’il soit acteur de son histoire. C’est une sortie de la crise globale par la Vie République.

Y compris à la crise morale ? Croyez-vous aux annonces de moralisation de la vie publique ?

Je ne suis convaincu par aucun des replâtrages et attrape-nigauds en cours. Les ministres déclarent déjà leur patrimoine et il existe un contrôle. Qu’il soit publié n’ajoute rien. Est-ce que les gens sont en état d’aller le vérifier ? Ce genre de gesticulation ne correspond pas aux besoins. C’est annoncer que beaucoup de choses changent pour que rien ne change. Notre mot d’ordre pour le 5 mai, c’est la VIe République. Dans la partie rénovation des institutions, il y a l’idée du référendum révocatoire : le peuple pourra révoquer n’importe quel élu en cours de mandat. Il y a aussi l’extension de la citoyenneté dans l’entreprise avec des droits sociaux mais aussi des droits civiques. C’est le contraire de l’abandon du contrat de travail à un patronat de droit divin. Il y a enfin les droits écologiques de l’Homme, la bifurcation du modèle de production et d’échanges afin que l’unique objectif de l’entreprise ne soit plus la production de dividendes. Tout cela c’est aussi la sortie de l’austérité.

Nous sommes à un an des municipales, les échanges sont souvent vifs entre PCF et PG. Cela vous inquiète-t-il ?

Je n’ai aucune inquiétude. Les paramètres de la réflexion sont assez largement identifiés. Personne ne préconise de méthode systématique et absolue quelle que soit la taille de la commune. Nous n’allons pas exclure des socialistes dirigés par nos maires sortants au motif que leurs responsables nationaux ne font pas une politique conforme à nos attentes. En revanche, personnellement à Montpellier ou Marseille je suis pour des listes autonomes. Mais ce n’est pas moi qui prendrai la décision.

Recueilli par Annie Menras


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