Une nouvelle République nous appelle !

mercredi 17 avril 2013.
 

C’est sans doute la phrase lancée à F. Hollande par un jeune visiteur du salon du livre de Tulle, samedi dernier, qui dit le mieux le sentiment général : « Faudrait pas oublier d’être de gauche, monsieur le Président ». En effet, dans cette France en crise, malade de l’inégale répartition des richesses parce qu’une oligarchie y a pris le pouvoir, un nouveau pacte politique, social démocratique de changement doit être réinventé, à partir de l’implication citoyenne.

Le grand scandale de « l’affaire Cahuzac » s’ajoutant à un énorme désaveu politique dévoile des mensonges aux multiples connivences et ramifications, puis des aveux tout aussi spectaculaires mais peut-être incomplets, sur des comptes en Suisse et à Singapour. Il n’est que le révélateur de crises économiques, politique, morale, d’un système rongé par la domination de l’argent-roi. Ce grand arbre à scandales qui se secoue devant nous parviendra-t-il à cacher l’épaisse forêt dans laquelle peuvent se dissimuler plusieurs décennies d’affaires politico-financières, où s’entremêlent mensonges d’état, trucages en tout genre, engagements électoraux non tenus et reniement de la parole donnée ? Telle est une des questions majeures de la période alors que l’immense majorité de nos concitoyens voient leur propre situation se détériorer, leur vie se précariser et l’avenir de leurs enfants et des jeunes de plus en plus se boucher. La reconstitution du puzzle qui a produit l’affaire Cahuzac montre exactement la nature d’un système qui s’est mis en place, à l’opposé de nos principes républicains. Son parcours est un long et tranquille va et vient des cabinets ministériels de la santé, au conseil des multinationales des médicaments, puis à la propriété d’une clinique privée jusqu’à l’Assemblée nationale où la droite le choisit pour être président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, avant qu’il ne devienne ministre du budget du gouvernement socialiste. Parcours qui ressemble désormais à beaucoup d’autres au sommet de l’Etat au point de susciter envie, jalousie et connivences d’une petite caste qui ne représente rien d’autre qu’elle même. Hier avec la droite, de hauts cadres de la banque étaient conseillers de l’Elysée et de ministères de Bercy. Il en est de même aujourd’hui. De la même manière, la commission de Bruxelles fait nommer à la tête des Etats des dirigeants de la banque Goldman Sachs , en Grèce, en Italie et à Chypre maintenant. Ceci au nom de leurs prétendues compétences. Compétences ? Certes ! Mais au service de qui ? Pour quelle politique ? Et au gré des vicissitudes de M. Cahuzac, on découvre que des avocats et gestionnaires de fonds peuvent travailler indifféremment pour lui comme pour M. Sarkozy ou Mme Le Pen. Voilà qui éclaire d’une lumière crue et épouvantable le système oligarchique, avec ses dirigeants politiques et économiques, ses penseurs, les médias qu’ils possèdent. Ils se retrouvent dans de multiples clubs, de Davos à la trilatérale, de la table ronde des industriels européens et en tous lieux chics de la planète où se réunit leur bureau politique. Ils ont fait main basse sur la République, qu’ils enserrent dans les froides tentacules des marchés financiers et des agences de notation dont il est plus tenu compte que du vote des citoyens.

Le cœur de leur système est désormais fait de leur consanguinité et de cet inceste permanent entre le monde de l’argent, des dirigeants politiques et des médias dominants. Ils ont attaqué la République sociale au marteau piqueur, étouffé la souveraineté populaire, bafoué la démocratie républicaine et décrédibilisé la parole et la signature de l’Etat. Qu’un ministre du budget puisse, avec aplomb, se prétendre celui qui empêche la fraude et l’évasion fiscale alors qu’il est le fraudeur en chef, affaisse l’Etat qu’il est censé représenter. Que ce même ministre impose à ses collègues de fermer des écoles, des hôpitaux, des centres culturels, des lignes SNCF au nom de la réduction des déficits publics, alors que le rapatriement des capitaux exportés permettrait d’équilibrer le budget, relève de haute trahison. L’impôt trop élevé ferait fuir les hyper-fortunes expliquent-ils alors qu’on attend d’eux des choix qui permettent aux pauvres de fuir la pauvreté qui les ronge. Rien de particulier à la France, puisque jamais les élites mondiales n’ont autant utilisé l’argument des dettes pour imposer l’austérité alors que l’équivalent de plus des deux tiers de la dette mondiale fructifie dans des paradis fiscaux.

En vérité, une contre-révolution néolibérale est à l’œuvre, depuis plusieurs décennies. Elle vise à réduire jusqu’à les détruire la souveraineté populaire, le pouvoir régalien de la politique sur la monnaie, les normes d’équilibre des comptes publics, comme le fait le dernier traité européen, tout en diminuant les impôts sur le capital, en financiarisant l’économie, au détriment de la production industrielle et agricole, de la culture et de l’éducation, dans le cadre d’une « concurrence libre et non faussée ». Ce système institutionnel, politique et économique qui lamine les droits humains, sociaux et démocratiques, suffoque de ses propres contradictions. Faute de s’y attaquer, le gouvernement va dans le mur en se détournant des idéaux du socialisme et de la gauche. La longue émission télévisée du Président de la République en était une manifestation éclatante. Le technicisme, les éléments de comptabilité, avec cette fameuse « boîte à outils », ont pris la place des idéaux du progressisme politique à la française et de la visée d’une transformation sociale, démocratique et écologique, pour notre pays et pour l’Europe.

Et ceux qui assimilent désormais à du populisme toute contestation, ne pourront cacher très longtemps leur volonté de maintenir leur système coûte que coûte, même sous perfusion.

L’heure est à l’invention par le peuple lui-même d’une nouvelle République, garante du progrès social, de la souveraineté populaire, de la démocratie participative et d’intervention, avec une implication citoyenne permanente ainsi que l’accès égalitaire de toutes et tous à des droits fondamentaux universels d’application obligatoire. Immense œuvre historique ! Certes. L’indispensable moralisation de la vie politique, la fin de la monarchie présidentielle, la revalorisation du rôle du Parlement, la proportionnelle à toutes les élections, la fin du cumul des mandats, va de pair avec une transformation profonde du rôle de l’Etat.

Cette République démocratique ne sera que si elle est sociale. Ce qui suppose la revalorisation de l’idée de « biens communs », impossible sans développement et transformation des services publics, sans une profonde réforme de la fiscalité ; sans un nouveau contrôle des banques et des fonds financiers qui eux-mêmes doivent rentrer dans le secteur de la propriété sociale et démocratique ; sans la libération du pays de la dictature des marchés financiers. Bref la question est posée d’une organisation sociale nouvelle, supérieure de la société ou enfin prédominerait « l’humain d’abord ».

Tel est le sens, dans toutes ses dimensions, de la proposition d’ouvrir un processus constituant pour jeter les bases d’une sixième République.

Le Front de gauche ne l’adresse pas qu’à une partie de la gauche mais à toutes celles et ceux qui, il y a un an, ont exprimé dans les urnes leur demande de changement et au-delà, à toutes celles et ceux qui d’une manière ou d’une autre souhaitent une régénération des idéaux originaux républicains, la justice, le progrès social et humain, la démocratie.

La marche citoyenne, ouverte, unitaire du 5 mai prochain, journée mondiale des « mains propres », journée anniversaire de l’ouverture des Etats généraux de 1789, un an après le deuxième tour de l’élection présidentielle, peut être le point de départ d’une implication populaire en faveur de la réflexion et l’action pour la République nouvelle à inventer.

A l’interpellation faite à François Hollande à Tulle, n’oublions pas qu’il existe potentiellement une majorité politique dans le pays pour une politique de gauche. Toutes celles et tous ceux qui ont voulu le changement il y a un an peuvent agir dans l’unité en ce sens. Dépasser l’actuelle crise appelle un changement de cap à gauche.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message