Marxisme et philosophie : Une refondation perpétuelle

lundi 8 avril 2013.
 

« Il n’y a pas d’action révolutionnaire sans théorie révolutionnaire.  » Ceci est vrai pour l’économie, la sociologie, l’histoire (avec un petit «  h  »), et, dans un certain sens, pour la politique communiste. Toutefois, le cas de la philosophie est un peu particulier. La pensée de Marx s’est présentée non pas comme une philosophie mais comme une alternative à la philosophie.

La mise en œuvre de sa théorie en Union soviétique a montré qu’en aucun cas le «  marxisme  » ne pouvait être la philosophie officielle d’un parti communiste. Il y a d’autres philosophies dans la société et la «  fausse conscience  » qui les habite ne peut plus masquer, en période de crise du capitalisme financier mondialisé, la nécessité d’intégrer le point de vue de la pratique dans quelque théorie que ce soit.

Après Marx, la pluralité des philosophies («  idéalistes  » ou «  matérialistes  ») n’a donc plus été comme avant Marx, que leurs auteurs en aient conscience ou non. Marx n’oblige pas seulement à changer d’idées et de méthode mais à transformer la pratique de la philosophie. La référence à Marx n’en a que plus sûrement hanté et travaillé l’ensemble des discours philosophiques contemporains. La pensée de Marx n’a pas mis fin à la philosophie, mais elle a plutôt suscité au sein de leur pluralité une question ouverte en permanence dont désormais toute philosophie se saisit, contribuant, qu’elle le veuille ou non, à la renouveler.

Cette nouvelle pratique de la philosophie n’a rien de comparable avec une «  philosophie éternelle  », toujours identique à elle-même. En philosophie, il y a des contradictions, des bifurcations, des tournants, des seuils irréversibles. C’est dans ce sens qu’il convient de se tourner vers les philosophies (1) de Marx et le rapport critique qu’elles entretiennent avec toute la tradition philosophique. Là se situe l’effet révolutionnaire que Marx a produit sur cette discipline.

Cet enseignement ne saurait se réduire à l’enseignement de prétendues lois de la dialectique, de l’histoire des conceptions du matérialisme. Marx écrit toujours dans la «  conjoncture  ». Sa méthode d’analyse part du «  concret vécu  » pour «  renouveler l’abstraction  » et retourner à un «  concret pensé  ». Elle n’exclut ni la «  patience du concept  », ni la rigueur des conséquences concrètes. La philosophie marxiste ne peut être sauvée qu’au prix d’une refondation perpétuelle.

Le Parti communiste français ne doit pas enseigner la philosophie marxiste comme un ensemble de catégories, de concepts, de lois établies une fois pour toutes, ce qui ne signifie pas que ce qui précède plus haut ne doive pas être transmis aux adhérents du Parti.

(1) Critique de la religion, critique de l’économie politique, critique de l’idéologie allemande, 
analyse inachevée de la fausse conscience 
engendrée par le capital.

Par Arnaud Spire, philosophe.


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