Alsace : Défaite de l’UMP, de l’UDI et du PS !

vendredi 12 avril 2013.
 

- 9) Après le vote en Alsace, Hollande doit s’arrêter là (Parti de gauche)

- 8) L’absorption des départements dans la région Alsace n’aura pas lieu

- 7) Message des comités PG d’Alsace aux comités PG de tous les départements

- 6) Alsace : Un pas vers l’Europe des régions ?

- 5) En Alsace, le Front de gauche dit non à la fin de l’égalité

- 4) Communiqué du Front de Gauche

- 3) Vieux jeu, le département ?

- 2) Menace sur les Communes ! Où est la proximité ?

- 1) Fusion région - départements : ballon d’essai en Alsace

9) Après le vote en Alsace, Hollande doit s’arrêter là (Parti de gauche)

Les résultats du referendum qui s’est tenu aujourd’hui en Alsace sont en train de tomber. Ils sont sans appel. Les électeurs ont fait échouer le projet de collectivité d’Alsace qui leur était soumis. L’attachement à l’unité de la République a été le plus fort.

C’est une immense gifle pour les partisans d’une France à plusieurs vitesses, fascinés par le prétendu « modèle allemand ». Les sondeurs ont été une nouvelle fois ridiculisés. C’est une très grande satisfaction pour le Front de Gauche qui a été la force militante pour le "non". L’Alsace devait être l’acte de naissance du démantèlement de la République programmé par l’Acte IIII de la décentralisation. Elle doit devenir son acte de décès.

Nous demandons à François Hollande d’entendre le message des électeurs et de renoncer définitivement à son projet contraire à l’indivisibilité de la République et à l’égalité des territoires.

Communique du Parti de Gauche

8) L’absorption des départements dans la région Alsace n’aura pas lieu

La fusion du conseil régional d’Alsace avec les deux conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin n’aura pas lieu. Des résultats partiels du référendum de dimanche créditent le "non" d’une victoire par 56,44 % des voix dans le Haut-Rhin, dans un contexte de très faible mobilisation des électeurs. Les électeurs Bas-Rhinois y seraient en revanche favorables à près de 67 %, mais l’abstention a également été très forte.

Il fallait, pour faire passer le projet, que les votes positifs représentent plus de la moitié des suffrages et au moins 25 % des électeurs inscrits dans chacun des départements. Or la participation aurait été de 36 % dans le Bas-Rhin, et de 37 % dans le Haut-Rhin.

"L’ALSACE SERA LA DÉRISION DE LA FRANCE"

Censé, selon ses partisans, renforcer le poids de l’Alsace, le "oui" partait pourtant favori. Un sondage publié début mars donnait près de trois-quarts de "oui" pour un quart de "non", même si le camp des opposants était déjà plus fort dans le sud de l’Alsace. Plus petite région de France, l’Alsace était la première à utiliser une possibilité ouverte par la loi de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010. Déjà en 2003, les électeurs corses avaient rejeté par référendum un projet comparable.

Le Monde

7) Message des comités PG d’Alsace aux comités PG de tous les départements

Les comités du Parti de Gauche des départements alsaciens ont adressé un message d’alerte à tous leurs camarades du pays. Il s’agit de l’odieuse question soumise à référendum dimanche prochain.

Chers voisins dans la République,

Au nom du principe d’expérimentation régionale que la loi permet d’appliquer depuis 2010, les électeurs alsaciens vont devoir se prononcer dans une semaine sur la fusion immédiate des deux départements et de la région en une seule entité : la collectivité territoriale d’Alsace.

Qui ailleurs dans la République a pu débattre de cette question ? Les médias nationaux en ont-ils seulement informé l’ensemble des citoyens français ? Le référendum régional du dimanche 7 avril est pourtant un événement inédit qui devrait faire réagir les citoyens de l’ensemble du territoire de la République. Pour nous, il ne saurait y avoir qu’un seul territoire, un et indivisible, dont les partitions administratives ne remettent jamais en cause l’unité de la loi commune votée à l’Assemblée nationale.

Ici en Alsace, le Front de Gauche a compris à quel point ce projet était risqué non seulement institutionnellement, mais aussi dans ses conséquences sociales. Le choix d’une fusion est le premier pas d’une autonomisation législative qui tôt ou tard permettra une adaptation régionale du code du travail et du droit. Au nom d’une économie de moyens -à la fois contestable dans sa réalité et dans son principe- et d’une efficacité douteuse, la plupart des élus de la région, soutenus par le patronat, s’apprêtent à ouvrir la boîte de pandore de la division.

La mise en concurrence de territoires dans une compétition féroce où les plus riches triompheront, y compris au prix de renoncements sociaux, et où les plus pauvres n’auront d’autres choix que de s’engager dans la même voie, au prix de plus grands renoncements encore, n’est pas l’idée que nous nous faisons d’une communauté politique unie par l’intérêt général et l’égalité, qui pratique la péréquation des moyens à l’échelle nationale.

Si un débat démocratique sur une réorganisation administrative du territoire n’a pas à être pas tabou, c’est à la seule condition qu’il ait lieu de manière transparente à tout niveau des institutions légitimes de la République. Mais ce n’est pas la voie qui a été choisi, puisqu’un droit d’expérimentation conduit aujourd’hui une seule région, sans concertation avec les citoyens des autres régions, à s’engager dans une réforme visant à sa territorialisation.

Si ce projet aventureux devait aboutir, c’est-à-dire si le OUI l’emportait sur le NON le 7 avril en Alsace (avec au moins 25% des inscrits dans chacun des deux départements), alors la voie serait ouverte à d’autres conseils régionaux et généraux qui manifesteront bientôt leur volonté d’un même processus. Ce n’est alors rien de moins que les anciennes provinces qui renaîtraient de leurs cendres dans le cadre du projet néolibéral d’une Europe des régions.

6) Alsace : Un pas vers l’Europe des régions ?

Casser les États, émietter les peuples, c’est le programme des régionalistes européens

La création d’une région d’Alsace disposant d’un statut particulier au sein de la République française va-t-elle dans le sens de la création d’une Europe des régions que réclament avec de plus en plus d’insistance certains partis  ? Entre-t-elle dans le cadre de la poussée des régionalismes observée en octobre dernier, avec la manifestation de Barcelone pour l’indépendance de la Catalogne et l’annonce d’un référendum sur la question en 2014 et, peu après, celle d’un autre sur l’indépendance de l’Écosse  ? Sans oublier la victoire des indépendantistes flamands en Belgique. Ses promoteurs jurent la main sur le cœur qu’il n’en est rien.

Pourtant, il est à noter que des partis qui militent pour le oui sont ouvertement des «  régionalistes européens  », c’est-à-dire partisans d’une Europe fédérale composée non plus de nations, mais de régions autonomes en matière économique, fiscale, sociale et culturelle. C’est le cas d’Europe Écologie-les Verts, et plus encore de leur allié au Parlement européen, l’Alliance libre européenne (ALE). On y trouve des partis autonomistes tels Initiative pour la Catalogne, Solidarité basque, Unser Land (régionaliste alsacien), le Parti pour la nation corse ou le Parti national écossais. Mais aussi la Nouvelle Alliance flamande (NVA) dont le leader, Bart De Wever, vient de donner à la Libre Belgique sa recette explicite pour mijoter «  l’Europe fédérale, organisée sur le modèle des landers allemands  ». «  Il faut, dit-il, opérer un double transfert de compétences, d’une part vers l’Europe et d’autre part vers les régions.  » C’est aussi ce modèle qu’a en tête le président du Mouvement européen Alsace, François Friederich, quand il dit  : «  L’Alsace doit impérativement se donner une institution régionale cohérente propre à confirmer sa place aux côtés des grandes régions d’Europe, le Bade-Wurtemberg en tête.  »

Ces «  grandes régions  », c’est une idée que mijote depuis longtemps le Comité des régions d’Europe. Institution peu connue, elle s’est vue prendre du poids depuis sa création en 1994, et encore plus depuis le traité de Lisbonne  : désormais, la Commission européenne a l’obligation de la consulter pour toute loi d’intérêt régional. Son secrétaire général, Gerhard Stahl, est un économiste allemand du Bade-Wurtemberg. «  Les grandes régions transfrontalières existent déjà, explique Claude Leclerc, représentant CGT au Ceser. Nous avons le Conseil du Rhin supérieur, qui regroupe l’Alsace, une partie du Bade-Wurtemberg, les cantons suisses de Bâle et du Jura. Cette grande région joue la compétitivité à fond et veut mettre en place une réglementation régionale du droit du travail qui dérogerait du cadre national. C’est cela, l’enjeu non avoué de ce référendum  : l’Europe des régions avance masquée.  » Pour Francis Wurtz, député PCF honoraire au Parlement européen, «  il existe, certes, un projet libéral global en ce sens, et ils jouent sur du velours en Alsace avec tous nos particularismes. Mais les régionalistes sont une poignée, et je ne crois pas à la possibilité de détacher l’Alsace de la France  ».

Françoise Germain-Robin

5) En Alsace, le Front de gauche dit non à la fin de l’égalité

Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, et le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, ont rejeté avec force, mercredi soir, le projet de fusion des collectivités alsaciennes, lors d’un meeting à Mulhouse.

« Rien n’est joué. »

À Mulhouse, le Front de gauche était déterminé à se faire entendre, mercredi soir, lors d’un meeting au parc des expositions en faveur du non au référendum de dimanche sur la fusion des conseils généraux et régional d’Alsace.

« Si le scrutin est local, l’enjeu est national  !  » a lancé une nouvelle fois Aline Parmentier, secrétaire du PCF du Haut-Rhin, en ouverture du meeting. Un constat incarné par la présence du secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, et du coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon. «  Une région française va voter sur son avenir et sur l’avenir de la République dans l’indifférence générale  », s’est indigné le premier, renchérissant, sur le ton de la boutade  : «  On ne sait même pas si le gouvernement est au courant.  » 
«  La question posée, à travers le rêve fou de Philippe Richert (président UMP de la région – NDLR) d’être élu prince d’Alsace, c’est que, pour la première fois en France, on propose à une partie du territoire national de se donner une identité, non pas avec tous les autres, mais à distance d’eux  », a expliqué l’ex-candidat à la présidentielle, en appelant au «  patriotisme républicain  » des quelque 1 000 participants annoncés. Sur la forme comme sur le fond, c’est «  une confiscation démocratique insupportable  » qui est dénoncée.

Dans la salle, beaucoup sont militants politiques, mais des citoyens «  pas spécialement engagés  » ont aussi fait le déplacement. Comme Yacine, étudiant en droit, «  venu (se) renseigner sur un projet décidé un peu à la va-vite  ». Ou encore ce couple de retraités qui observe que «  dans le journal, on ne parle jamais du non  » et qui s’étonne d’avoir reçu avec ses bulletins de vote «  un argumentaire pour le oui  ». À leurs côtés, des militants syndicaux. Et pour cause  : «  On risque 3 000 suppressions d’emplois  », explique Fabien Camus, en charge des services publics à la CGT du département.

«  Ce projet est porteur d’une double logique mortifère  : celle de l’austérité et celle de la compétitivité  », enchaîne Pierre Laurent. «  On essaie de faire croire aux Alsaciens qu’ils vont pouvoir se hisser tout seuls hors de la crise  », poursuit-il, fustigeant la «  rupture évidente de la cohésion nationale et du principe d’égalité  », et discernant une «  parenté avec l’ANI  », qui «  déconstruit le Code du travail  ». Le projet prévoit, en effet, la possibilité d’adapter la législation. «  Un asservissement social  », selon Jean-Luc Mélenchon, qui développe  : «  La droite veut rompre avec tout cadre unique qui permet le rapport de forces. Ainsi, tout le monde devra niveler ses droits par le bas.  » Une expérience qui a déjà un goût amer sur ce territoire, avec l’aéroport de Mulhouse-Bâle où s’applique le droit suisse, plus défavorable aux salariés.

Le Front de gauche ne se prononce pas pour autant pour le statu quo. Au contraire, «  un renouveau démocratique  » est plus que jamais nécessaire, selon les orateurs, qui en appellent à une VIe République fondée sur la coopération et la solidarité. En attendant, et à l’heure du report de l’acte III de la décentralisation, pour tous ce soir-là, un bon score du non, dimanche, pourrait marquer le début d’un vrai débat dans tout le pays.

Julia Hamlaoui

4) Communiqué du Front de Gauche

D’ici quelques jours, tous les Alsaciens auront reçu dans leur boîte à lettres le matériel officiel de la campagne en vue du scrutin référendaire régional du 7 avril. Ils comprendront bien vite que leur liberté de choix est méprisée : ce matériel censé être explicatif, est outrageusement partisan. Cette circulaire ne laisse pas de place à un débat contradictoire et oriente le vote de l’électeur en présentant ce projet de nouvelle collectivité territoriale d’Alsace comme un gage d’« unité d’efficacité et de proximité pour l’Alsace ! »…

Le Front de Gauche dénonce avec force ces méthodes qui augurent bien mal de la démocratie si une telle collectivité unique était mise en place. Ce projet que portent, avec le patronat, la plupart des élus de la région n’est pas un projet au service des citoyens.

Au nom de la démocratie et du respect de la liberté de vote, nous appelons les électeurs alsaciens à le rejeter clairement et massivement en votant NON au référendum du dimanche 7 avril pour défendre la République, le code du travail et les services publics.

3) Vieux jeu, le département ?

A côté des arguments de la simplification (illusoire) des institutions existantes et des économies budgétaires (relativement dérisoires), un troisième argument est avancé par les promoteurs de la nouvelle Collectivité Territoriale d’Alsace : l’Alsace devrait enfin être « unie », afin d’être plus forte « en France et en Europe », considérant la structure départementale comme obsolète. Un jugement lourd de conséquences. Mais là encore, c’est le flou qui domine, voire le double discours des promoteurs du projet de Conseil d’Alsace.

Commençons par préciser les choses. Le département comme division administrative de l’Etat (pilotée par le préfet) et le département comme collectivité territoriale (pilotée par le conseil général) sont deux choses différentes, mais leur histoire est en très grande partie commune. Si donc la seconde fusionne avec d’autres collectivités, qu’adviendra-t-il de la première ? Que deviendront les services déconcentrés de l’Etat ? Que deviendront les préfets et les préfectures ? Une seule à Strasbourg ? Ici comme ailleurs, c’est surtout le flou qui règne dans les documents officiels. C’est d’ailleurs cette question qui a récemment été soulevée par Gilbert Meyer, le maire de Colmar, en faisant lever les bras au ciel des partisans de la nouvelle collectivité. Et notamment Philippe Richert qui a rétorqué qu’il n’y avait "pas à s’interroger d’une façon ou d’une autre sur le sujet"... Faut-il donc entendre que ce projet supprimera les conseils généraux, mais pas les départements ?

Pourtant, c’est bien le même président du conseil régional d’Alsace qui avait lui-même jeté le trouble sur la question dans une émission télévisée régionale, à peine quinze jours plus tôt : "Les départements ont été créés durant la Révolution et maintenus par Napoléon", a-t-il dit dans l’émission Gsuntheim du 24 février 2013 sur France 3 Alsace. "A l’époque, ils ont été délimités de telle sorte que, de n’importe quel point du département, on pouvait se rendre à cheval jusqu’à l’autre bout. En un jour. Mais aujourd’hui, on ne se déplace plus à cheval, on se déplace en voiture, en train ou via internet". Or ce dont il s’agit ici, ce sont bien des départements comme division administrative.

Rappelons aussi les propos de Robert Hertzog, professeur émerite de droit public, qui le 18 janvier 2012, considérait que l’administration territoriale de l’Etat devait aussi être repensée : "logiquement, il n’y aura qu’un seul préfet, assisté éventuellement par un ou plusieurs préfets délégués et des sous-préfets" ("Actes des conférences sur la réforme territoriale", p. 107).

L’ancien député Jean Ueberschlag le souligne ironiquement dans les DNA du 3 mars : "Il y a enfin une troisième interrogation dont, paraît-il, il ne faut pas parler pour l’instant : que va faire l’État ? Peut-on imaginer une structure politique et administrative territoriale unique pour l’Alsace sans que l’État ne suive ? Il ne va quand même pas maintenir des administrations et des services d’État du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, alors que ces deux départements n’existeront plus ! C’est une question de cohérence, et qu’on le veuille ou non, tôt ou tard, Colmar deviendra une nouvelle… sous-préfecture. Car, à territoire unique, préfecture unique, et cette dernière ne pourra être qu’à Strasbourg."

Alors pourquoi Philippe Richert répond-il à Gilbert Meyer (qui a de fait saisi le ministère de l’intérieur sur le sujet) qu’il ne faut pas se poser de questions sur le sujet, tout en semant le doute par ailleurs ? Les Alsaciens signeront-ils ce chèque en blanc ?

Unité de l’Alsace ou unité de la France ?

Le département a été créé en 1790, lors de la Révolution Française, pour remplacer les vieilles Provinces, en fournissant à tous les citoyens une administration publique à moins d’une journée de cheval ou de diligence. Si c’était certes l’un de ses enjeux (pas le principal), il est donc martelé aujourd’hui afin de mieux pouvoir le renvoyer aux oubliettes de l’histoire : "nous ne nous déplaçons plus à cheval (rires), le développement de l’automobile a changé la donne. CQFD : dépassé, le département ! Passons à autre chose. Innovons."

La France en 1789 avant la Revolution francaise - carte AtlOr, ce qu’on oublie de rappeler, c’est une fonction encore bien plus profonde et plus importante de l’administration départementale dès sa création. Celle de l’unité et de l’indivisibilité de la République, inscrite dans l’article 1 de notre Constitution. Une unité bien plus consistante et performante que le fantasme d’une Alsace unie (au fait, contre quoi ou contre qui ?), dans laquelle notre région s’est intégrée depuis le XVIIème siècle, avec des particularités héritées d’une histoire tumultueuse. Une unité qui implique l’égalité de tous les citoyens, quelles que soient leurs croyances et leurs origines, devant le droit et la loi, modèle universel que beaucoup de peuples nous envient.

Replaçons les choses dans leur contexte. En 1789, la France était encore largement un pays composé de Provinces, héritage d’une féodalité où chacune d’entre elles avait ses châteaux et ses petits seigneurs. Qu’on se souvienne des railleries de Voltaire à propos de cet Ancien Régime, pourtant déjà beaucoup simplifié depuis le XIIème siècle : un homme qui traverse la France en plein XVIIIème siècle « change de lois plus souvent qu’il ne change de chevaux ». Idem en diligence. Et encore : « Un avocat qui sera très savant dans sa ville, ne sera qu’un ignorant dans la ville voisine » (Voltaire, Dialogue entre un plaideur et un avocat, 1751). On imagine facilement les faiblesses et les injustices d’un tel système.

Simplification et rationalisation

Les unités de mesure variant fortement d’une région à l’autre, le 18 germinal an III (7 avril 1795), par la loi "relative aux poids et mesures", en plus de la création du franc, les législateurs français ont institué un système de mesure unifié, simple et universel qui se propagera hors de France jusqu’à aujourd’hui : le gramme, le litre, le kilo, mais aussi l’are et le stère.

De la même façon, en 1790, la Révolution apporte une organisation rationnelle et simplifiée du Territoire. Elle est un peu le "jardin à la française" du 17ème siècle appliqué en politique.

D’une part, elle remplace les anciennes divisions du royaume, de tailles très disparates, se chevauchant parfois et parsemées d’enclaves territoriales (ce que les futures eurométropoles mettent à nouveau au goût du jour), par une entité administrative unique.

D’autre part, elle apporte l’égalité de tous les citoyens devant la loi et le droit. Ce qui n’implique d’ailleurs pas l’égalisation des conditions matérielles, et n’enlève rien à la diversité des régions de France. Ce n’est pas parce que nous sommes égaux devant la loi que nous n’avons plus le droit de cultiver nos différences individuelles. Bien au contraire. Ne mélangeons pas grossièrement les niveaux d’analyse, rationalisation administrative et identité culturelle, égalité politique et droit à la différence.

Le département et l’abolition des privilèges

Qu’est-ce donc que l’abolition des privilèges ? C’est la suppression de ces « lois privées » (privi-lèges), c’est-à-dire particulières, différentes selon les ordres et variant d’un point à l’autre du royaume de France. Cela n’a donc pas seulement été la fin des avantages du Clergé et de la Noblesse, arbitrairement favorisés « de naissance ». Ce fut aussi l’exigence d’une loi et d’un droit les mêmes pour tous sur un territoire unifié et grâce à une administration simplifiée et plus efficace.

Le Département représente ainsi cette modernité (jamais totalement achevée) de la République, et dont nous devons être les héritiers vigilants, conscients du trésor institutionnel sur lequel nous sommes assis. Nous sommes loin, bien loin de la mauvaise caricature du cheval et de la diligence. Les enjeux sont décidément bien plus sérieux.

Mais c’est justement cela dont certains souhaiteraient se débarrasser aujourd’hui, utilisant le même vocabulaire de l’unité, de la rationalisation et de la simplification, pour se diriger vers une plus grande autonomie ( même si, contrairement à ce que laissent entendre les documents officiels sur ce projet, la loi sur la fusion ne parle pas de compétences nouvelles). Comme si c’était cela, la solution aux problèmes de notre temps : fusionnons et les désordres financiers, économiques, sociaux et politiques s’atténueront ! Belle illusion.

Contre le saucissonnage

Alors, peut-être le département est-il devenu trop petit aujourd’hui (mais au fond, pourquoi et pour qui ?). Mais dans ce cas, il faudrait proposer une véritable réforme, rationnelle et performante, sur l’ensemble du territoire, avec referendum national à destination du Peuple français tout entier.

Arrêtons le saucissonnage et le bricolage d’amateurs. En quoi un statut d’exception pour la région Alsace améliorerait-il le fonctionnement des institutions françaises ? A moins que le temps des baronnets ne soit bientôt revenu. Un château sur chaque colline… Est-ce bien cela le progrès vers lequel il nous faudrait tendre ? En tout cas, les milieux autonomistes n’ont plus assez de mains pour applaudir.

Et s’il fallait à tout prix grossir et s’unir (mais n’est-ce pas plutôt au gouvernement national de se réveiller ?), pourquoi le triumvirat Buttner-Kennel-Richert ne nous propose-t-il pas, comme l’avait fait la commission Balladur de 2009, quelques grandes régions françaises, en respectant le principe d’unité des départements de 1790, dont une grande région Alsace-Lorraine ? Ou tout simplement une fusion des deux départements alsaciens, à compétences égales (comme le veut la loi), en coupant court publiquement aux fantasmes des autonomistes ? Quelles sont donc les obscures manoeuvres politiciennes derrière l’écran de fumée du fumeux projet actuel ?

Mathieu Lavarenne

Président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin

Conseiller municipal indépendant

Source : http://referendum.alsace.over-blog....

2) Menace sur les Communes ! Où est la proximité ?

La commune est la brique de base de notre démocratie et son acte de naissance politique remonte à 1789, tout comme le département. Les Français y sont très attachés, comme symbole de proximité. Lors d’une récente réunion publique pour le « oui », Philippe Richert et l’un de ses vice-présidents, René Danesi, ont plaidé pour un rôle beaucoup plus grand des communautés de communes et d’agglomération, notamment par le biais des "conseils de territoire de vie", dont il est question dans le projet annexé à la consultation du 7 avril. Avec pour corollaire un net rétrécissement des compétences des communes, vidées de leur substance.

Lors de la préparation du projet de nouvelle Collectivité (qui déborde le principe de la fusion à compétences égales, tel que prévu par la loi de 2010, puisque les promoteurs du projet ont souhaité y adjoindre une annexe demandant bien plus tout en restant dans le flou), les grandes agglomérations ont été largement consultées. Cela n’a pas du tout été le cas des petites communes. C’est regrettable, mais c’est surtout un symptôme.

Au moment où de nombreuses écoles rurales ferment des classes, quand ce n’est pas leur porte, au moment où les services publics s’éloignent toujours plus de leurs usagers (tribunaux, poste…), voilà qu’on nous promet qu’avec un conseil d’Alsace dont le siège effectif sera à Strasbourg, il y aura « plus de proximité ». On a dû mal à y croire.

Lors de l’une des réunions publiques auxquelles j’ai assisté dans le Sundgau, Philippe Richert a évoqué cette spécificité française : « aujourd’hui, on a autant de structures politiques que dans toute l’Europe réunie ». Le président du conseil régional fait allusion notamment aux 36 600 communes françaises, aussi nombreuses que la totalité des communes des 26 autres membres de l’Union européenne. Il faut dire que ce qu’on appelle "commune" chez nos voisins ressemble à de grosses communautés de communes et que l’échelon politique villageois n’y a souvent pas de réelle existence : « une commune française compte en moyenne 1 800 habitants contre 5 500 pour celles de l’Union européenne » dit un très récent rapport de l’OCDE qui incite à la suppression des départements en même temps que celle des communes, et « approuve la baisse prévue des dotations aux communes » dans le but précisément de les asphyxier. Mais de quoi se mêle-t-on ?

Une démocratie de proximité, non pas un "coût" !

« C’est une chance, poursuit Philippe Richert à propos du maillage communal français, c’est plus de démocratie, mais c’est aussi un coût ». La France est certes le seul pays européen à avoir autant d’élus : plus de 500 000 par mandature et, sur plusieurs générations, des millions de citoyens qui se sont frottés au suffrage universel. Si l’on y ajoute encore conjoints et proches, cela fait un nombre incalculable de citoyens qui côtoient ou ont côtoyé la réalité politique (relation avec les administrations, eau potable, assainissement, ordures ménagères, voirie, bâtiments publics, forêt, budget, fiscalité, investissements, cérémonies officielles...). C’est un "plus" démocratique, c’est vrai. Mais, non, M. Richert, ce n’est pas "un coût". Car ces élus sont très majoritairement des bénévoles et souvent très impliqués. C’est aussi une proximité irremplaçable entre élus et non-élus, qui manque à bien d’autres échelons. Cette liberté d’action n’existe quasiment pas dans d’autres pays. Ce sont des trésors politiques et cela compte parmi les raisons de la vitalité de notre démocratie. Il serait insensé de dilapider cet héritage. Et pourtant…

"Des élus professionnels" : c’est cela la proximité ?

Philippe Richert a ainsi annoncé de ses vœux une « évolution du statut de l’élu ». Il souhaite en effet « que les élus ne soient pas seulement ceux qui se retrouvent le soir en réunion de com.com »... Rappelons tout de même à qui veut précisément faire des économies que ce sont justement ces "petites réunions du soir" qui ne coûtent pas bien cher à la collectivité. Le modèle auquel il tend, il est une nouvelle fois outre-Rhin : nous devrions avoir des « élus professionnels, comme en Allemagne », formés et payés en conséquence. En effet, « quand on perd un mandat, se plaint le président du conseil général, on est parfois à la rue ». Pas sûr que ce soit la première préoccupation des électeurs.

Vanter la proximité dans toutes les réunions publiques, c’est beau, mais cela pourrait bien n’être que du vent (comme les promesses de Maastricht en 1991). Car n’est-il pas plus utile que nos élus aient un ancrage dans la vie active, en y ayant travaillé, plutôt que de sortir d’écoles d’administration ou de "sciences" politiques, pour ne connaître ensuite que le salariat d’élus professionnels ? C’est là que les élus de proximité que sont maires et conseillers municipaux sont bien précieux. Mais on ambitionne visiblement de les transformer en animateurs socio-culturels (une belle profession au demeurant)...

Pour les communes : "l’animation et la vie sociale" !

« Il y aura un conseil de territoire de vie du Sundgau, sur la base des communautés de communes, préalablement élargies et renforcées », affirmait peu avant René Danési, vice-président du conseil régional. Quelle sera alors la place des communes dans cette nouvelle organisation ? Réponse engouée de Philippe Richert : « Rassurez-vous, les communes ne disparaîtront pas, c’est un fantasme ! » Mais quelles seront leurs compétences ? Réponse, du tac au tac, de l’ancien ministre : « L’animation et la vie sociale... Pour le reste, cela devrait être transféré aux communautés de communes et d’agglomération ». Bref, la commune ne disparaîtra pas. Ou en tout cas pas tout de suite. En attendant, il en restera la coquille. Presque vide. Tout comme le département, dont Philippe Richert repète aussi en réunion publique qu’« il ne disparaîtra pas ».

Mais que dit la notice dite "d’information", distribuée aux électeurs d’ici le 7 avril, sur la question communale ? « Dans un souci d’efficacité et d’application du principe de subsidiarité, la Collectivité Territoriale d’Alsace pourrait, dans le cadre du dialogue avec les communes et les établissements de coopération intercommunale, leur confier la mise en oeuvre de certaines de ses compétences ». Il faut surtout y entendre le conditionnel. Cela se "pourrait". Ou pas. Comme tout le reste.

C’est une bulle que nos élus sont en train de se construire. Ne les laissons pas s’y installer.

Le 7 avril, ne tombons pas dans le piège de l’abstention. Votons non.

Mathieu Lavarenne

Président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin

Conseiller municipal indépendant à Mooslargue

Source : http://referendum.alsace.over-blog....

1) Fusion région - départements : ballon d’essai en Alsace

Le 7 avril, un référendum se tiendra sur la fusion de ses deux départements et la région en une seule entité, territoriale, devançant l’idée néo-
libérale de disparition des départements.

Donné vainqueur par un sondage, dans lequel trois Alsaciens sur quatre se déclarent favorables à la création d’une collectivité territoriale unique en Alsace en lieu et place du conseil régional et des deux conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le oui n’a pas encore la partie gagnée. La campagne ne fait que commencer et l’incertitude quant à la participation est importante – il faut au moins un quart des électeurs inscrits dans chacun des deux départements concernés pour valider cette réforme institutionnelle.

Présentée par la droite (UMP et UDI) comme «  historique  », la disparition des deux départements ainsi que de la région Alsace, au profit d’une collectivité territoriale unique, est doublement argumentée. Il s’agirait d’abord de faire des économies, de simplifier et de peser plus face à l’État. La droite alsacienne, comme à l’accoutumée, surfe sur l’idée, largement entretenue, d’Alsaciens laissés-pour-compte. Le président de l’actuel conseil régional, Philippe Richert (UMP), jure que «  les gens sont enthousiasmés par ça dans d’autres régions  », citant notamment la Bretagne et la Normandie.

L’ancien ministre des Collectivités territoriales sent que «  Paris nous laisse plutôt faire. À nous d’y aller  ». Si le oui l’emporte le 7 avril, il se fait fort de faire adopter la loi qui en découle par le Parlement, pour une application qui devra attendre les prochaines élections territoriales de 2015. Même née à droite, l’idée de fusion et d’économies budgétaires ne serait pas pour déplaire à l’Élysée qui, de même, encourage l’opération de redécoupage institutionnel que mène Gérard Collomb dans le Rhône. Les socialistes régionaux sont pourtant divisés, et Roland Ries, le maire socialiste de Strasbourg, îlot de gauche dans la dernière région gérée par la droite, votera non, qualifiant la collectivité projetée de «  véritable usine à gaz  ». Qui n’attend même pas la future loi de décentralisation.

Pour compliquer la donne, François Hollande, en visite dans la capitale alsacienne début février, a annoncé que l’agglomération strasbourgeoise serait dotée prochainement d’un statut d’«  eurométropole  », encore flou mais censé lui donner des pouvoirs étendus.

Un projet flou

Secrétaire départementale du Parti communiste dans le Bas-Rhin, Béatrice Lejarre refuse «  un projet dangereux  » et cite un proverbe alsacien, Ich kauf net e katz im e sack (je n’achète pas de chat dans un sac), pour dénoncer le flou du projet, «  toutes les questions relatives à la mise en œuvre concrète des transferts de compétences seraient envisagées ultérieurement, après le référendum  ». «  Réduire le nombre d’élus, simplifier, faire des économies… Voilà les arguments de bon sens dont les promoteurs de la collectivité territoriale d’Alsace se drapent  », or, dit-elle, «  les Alsaciens le savent d’expérience  : lorsqu’il y a fusion, leurs besoins sont moins bien satisfaits. Les fusions des Assedic et de l’ANPE, les guichets uniques ont-ils permis un meilleur service public  ? Les usagers de la Sécu bénéficient-ils de meilleurs services depuis qu’on a fusionné des centres  ?  »

Allant plus loin, Béatrice Lejarre pointe que la future collectivité territoriale «  pourrait obtenir des dérogations, pour passer des accords transfrontaliers ouvrant la porte à toutes les tentatives de détricotage du Code du travail  ». Déjà, «  à l’aéroport de Bâle-Mulhouse, le droit suisse a été appliqué  ». Résultat  ? «  300 emplois en moins en un an.  »


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