Egypte : Les étudiants disent non aux Frères musulmans

vendredi 22 mars 2013.
 

Les élections des syndicats d’étudiants ont infligé un camouflet aux candidats islamistes. Une leçon pour les mouvements d’opposition, estime un ancien député et éditorialiste renommé.

L’Egypte vit un tremblement de terre électoral depuis le début des élections estudiantines [début mars]. On découvre que la machine électorale des Frères s’enraie dès que quelqu’un a le courage de faire face. Les résultats de ces élections sont également une gifle pour l’élite politique nationale, qui dénonce le pouvoir des Frères musulmans mais refuse de se soumettre au verdict des urnes puisqu’elle a annoncé qu’elle boycotterait les prochaines législatives [annoncées pour le 22 avril, elles ont été suspendues début mars par une décision de la justice administrative].

La grande question pour les étudiants était de savoir s’il fallait exiger la réforme de la procédure réglementant le mode du scrutin avant d’y participer. Lors de la précédente échéance de mars 2012, les forces prorévolutionnaires avaient fait le choix du boycott et avaient ainsi permis aux Frères de dominer la scène. Or cette année, malgré une procédure qu’ils rejettent toujours, elles ont décidé de participer, et ce pour les raisons suivantes :

1) Afin de construire un mouvement estudiantin qui compte, il faut se saisir des espaces disponibles, établir le contact avec l’ensemble des étudiants et élargir petit à petit sa base.

2) Abandonner l’espace politique aux Frères ne peut être une solution.

3) Si l’on veut diffuser ses idées, en plus du travail sur le terrain, il faut être présent au sein des instances officielles.

4) Afin de changer le cadre légal, il faut se doter des moyens légaux pour le faire, c’est-à-dire participer aux élections.

5) Le meilleur moyen de parer au risque de fraudes électorales consiste à participer au scrutin.

Pour leur campagne, les étudiants ont laissé de côté les considérations générales et la critique systématique des Frères. Ils n’ont pas non plus accusé les électeurs d’ignorance ou d’être prêts à donner leurs voix au plus offrant. Ils ont au contraire cherché à établir le contact avec la base en parlant des questions concrètes, telles que le prix des manuels scolaires, l’entretien des cités universitaires, la qualité de l’enseignement, le budget pour les activités estudiantines, etc. En reliant ces préoccupations de tous les jours à la dimension politique des choses, ils ont réussi à toucher des étudiants non politisés et donc à provoquer une hausse du taux de participation.

Alors que les partis d’opposition au niveau national ont échoué à former des alliances, les étudiants, eux, ont réussi à dépasser leurs divisions partisanes et à former une large entente. Finalement, ils ont refusé de s’avouer vaincus à l’avance face à l’impressionnante machine militante des Frères. Ceux-ci ont investi beaucoup de moyens sur les campus, puisqu’ils considèrent que c’est là que se trouve le principal terreau pour recruter leurs futurs cadres dirigeants. Avant la révolution, il n’y avait guère d’autre présence militante que les Frères et, dans une moindre mesure, les salafistes. Il a suffi de seulement deux années au lendemain de la révolution pour bouleverser la situation.

Le tremblement de terre provoqué par les forces prorévolutionnaires à l’université se répercutera sur toutes les élections à venir en Egypte. C’est un puissant message que les étudiants envoient à l’opposition impuissante qui préfère fuir l’affrontement au lieu de proposer une alternative politique aux Frères. Ces étudiants arriveront sur le devant de la scène et ne se déroberont pas. Ils feront au contraire gagner les objectifs de la révolution.

Moustapha Al-Naggar


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