La Naïe Presse, journal progressiste en yiddish

lundi 11 février 2013.
 

En 1934, alors que la crise frappe l’Europe et que le danger fasciste se précise, la Naïe Presse, journal en yiddish, voit le jour à Paris. Ce quotidien progressiste ne tarde pas à devenir le journal d’expression yiddish le plus lu en Europe. Il sera de tous les combats antifascistes.

En 1928, le PCF crée la Main-d’œuvre immigrée (MOI) pour faciliter l’insertion sociale et politique des travailleurs immigrés, réunis en fonction de leur langue. Le yiddish pour les juifs venus d’Europe de l’Est où ils ont connu la misère, l’antisémitisme, les pogroms et l’anticommunisme. Beaucoup sont animés par des idées de justice, de liberté, d’émancipation humaine pour tous, d’internationalisme, de transformation sociale. Ils éditent des périodiques en yiddish. Dans les années 1930, l’arrivée souvent illégale de nouveaux immigrés et la montée du fascisme en Europe rendent nécessaire la publication d’un quotidien progressiste de langue yiddish. Le 1er janvier 1934, naît la Naïe Presse, qui titre  : «  Nouveau décret contre les travailleurs étrangers  ».

La NP deviendra le quotidien d’expression yiddish le plus lu en Europe. L’équipe de rédaction comprend Mounié Nadler, Israël Hirszowski, Louis Gronowski. Adam Rayski les rejoindra plus tard. Dès février, la NP mobilise contre les factieux. Elle sera de tous les combats  : pour l’unité des travailleurs juifs, mais aussi des intellectuels contre le fascisme et la guerre  ; pour le Front populaire  ; avec les volontaires des Brigades internationales, dont elle publie les messages, ceux notamment de la fameuse brigade juive Botwin  ; contre la trahison de Munich…

Le 4 septembre 1939, après la signature du pacte germano-soviétique de non-agression, dans l’éditorial d’un des derniers numéros légaux, Adam Rayski appelle au combat acharné contre les nazis auxquels il promet la défaite  : «  Nous, juifs, avons un compte à régler avec Hitler… l’heure a sonné, le moment est venu, une guerre sans pitié commence.  »

Il fallait informer, alerter, convaincre, développer l’esprit de résistance. La Naïe Presse fut le seul journal juif à paraître régulièrement pendant la guerre. Le 15 juillet 1940, un mois après l’entrée de l’armée allemande à Paris, elle reparaît clandestinement en yiddish. 90 numéros paraissent à la fois en yiddish, sous le titre d’Unser Wort, et en français, sous le titre Notre voix, entre 1940 et 1944. Ils diffusent des consignes de sécurité, décrivent la vie dans les camps de France, les déportations, l’extermination, les exécutions, la lutte armée du peuple de France, les dernières lettres des partisans, l’épopée que fut le soulèvement du ghetto de Varsovie  : «  La lutte armée est possible dans les conditions les plus difficiles, même dans les conditions d’un ghetto…  »

Porte-parole de l’organisation clandestine Solidarité, née en 1940, puis des organisations clandestines de la MOI juive, regroupées en avril 1943 au sein de l’Ujre, la Naïe Presse a payé un lourd tribut à la victoire. De nombreux responsables, rédacteurs, imprimeurs, diffuseurs ont été arrêtés, torturés, fusillés, déportés, parmi lesquels David Kutner (Aron Skrobek, rédacteur déporté), Israël Bursztyn et Mounié Nadler, responsables du journal, fusillés.

Après la guerre, la Naïe Presse appelle à la solidarité avec les enfants de déportés (foyers et colonies de la Commission centrale de l’enfance – CCE), avec les familles qui veulent récupérer les biens dont elles ont été spoliées. Elle exige le rétablissement de la citoyenneté française pour les juifs dénaturalisés par Vichy et s’insurge contre le retrait de la citoyenneté française aux naturalisés récents. Elle appelle à la lutte contre l’antisémitisme, contre le réarmement allemand, pour l’interdiction de la bombe atomique…

Dès 1946, la NP demande à l’ONU la fin du mandat britannique sur la Palestine, le retrait des troupes anglaises et l’indépendance de la Palestine. Après la naissance d’Israël, «  gagner la paix  » devient son leitmotiv.

La NP se bat pour les Rosenberg, pour la paix en Indochine, en Corée, en Algérie et au Vietnam, pour Angela Davis.

En 1964, de nombreux articles de la Naïe Presse et de la Presse nouvelle hebdomadaire dénoncent le caractère antisémite de la brochure Judaïsme sans phare, parue en Ukraine. En 1967, la NP exige que «  l’orientation antijuive cesse immédiatement en Pologne  » et s’indigne de cette «  négation des idéaux socialistes  ».

La NP s’est toujours efforcée de répondre aux besoins culturels spécifiques de la population juive, de diffuser en son sein les valeurs laïques du patrimoine yiddish, de refléter les luttes politiques et sociales de son temps. Les générations lisant le yiddish diminuant, la NP disparaît en 1993. Depuis septembre 1955, elle publiait, chaque samedi, une page en français. En mai 1965, Marceau Vilner crée un organe de langue française  : la Presse nouvelle hebdo (PNH), qui disparaît en 1981 pour renaître en 1982 sous le nom Presse nouvelle magazine (PNM), dont nous célébrons aujourd’hui le 300e numéro.

Puis la voix de la PNM

Depuis trente ans, au fil de 300 numéros, 
la PNM (Presse nouvelle magazine) fait entendre la seule voix de gauche qui s’adresse au monde juif, notamment en prenant le contre-pied 
des thèses des dirigeants israéliens relayées 
par le Crif. Elle maintient qu’une paix juste 
et durable implique une solution politique 
fondée sur les résolutions de l’ONU. Elle 
soutient les Israéliens qui luttent pour la paix 
et les Palestiniens qui se battent pour 
un État souverain. La PNM combat le racisme 
et l’antisémitisme. La crise favorise la recherche de boucs émissaires et fait la part belle à tous les partis européens de la haine, y compris le FN. 
La crise n’est pas une fatalité. Elle résulte de 
la logique imposée par la finance au détriment du travail. Ce n’est pas au peuple de payer. 
Il faut reprendre le pouvoir aux banques afin 
que l’argent serve au développement et au mieux-être. Ce sont là les marqueurs essentiels qui attestent que la PNM est un journal de gauche.

On peut consulter la PNM sur le site de l’UJRE

ou écrire à la PNM 14, rue de Paradis, 75010 Paris.

Claudie Bassi-Lederman et Roland Wlos


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