Pour en terminer avec le débat face à Jérôme Cahuzac

vendredi 18 janvier 2013.
 

Je ne veux rien perdre de l’émotion et du fait politique qui résulte du débat avec Jérôme Cahuzac. Bien sûr, sa perception est encombrée des commentaires qui se font dans la bonne presse à son sujet. Le premier inconvénient de cette présence partisane est qu’elle fausse la compréhension de départ de la scène. Non un débat n’est pas un match ! C’est un donné à voir d’idées. Par conséquent Cahuzac n’a pas « perdu le match » quand bien même a-t-il fini en débandade psychologique comme le montrent ses innombrables erreurs et le fait que dans la déroute nerveuse, il se soit mis à compter en francs. Laisser réduire un débat à un match ne peut avoir qu’un résultat : désigner un vainqueur et un vaincu. Mais qui les désigne alors ?

L’arbitre ce serait alors bien sur la meute des esprits « indépendants, éthiques et bla, bla » qui a déferlé contre moi en tweets qui défilaient sur l’écran pendant le débat sans mention de leur qualité de journaliste. A la fin c’est se mettre dans la main de gens aveuglé de préjugés hostiles et même parfois haineux. Quand on lit dans « Le Figaro » que j’ai été « malmené sur le fond et sur la forme » dans ce débat, on comprend que le journalisme n’est plus dans ce cas qu’un prétexte pour la haine de classe et de caste. Pourquoi donner à cette sorte de gens le pouvoir d’être des arbitres quand ils ne se cachent même pas d’être des tireurs dans le dos ? Qu’aurait-on écrit si je m’étais mis à parler en francs dans le débat après avoir été président de la commission des finances six ans et ministre en exercice du budget ! Et si je m’étais trompé sur la date de création de la CSG en zappant François Mitterrand ? Et si j’avais confondu les ressources de la mer avec le commerce maritime ! Et si j’avais additionné des taux de barèmes d’impôts avec des taux de CSG et ainsi de suite. Avec de tels préjugés, je ne peux « gagner le match » que si mon vis-à-vis ressort avec le nez en sang. Et encore ! Ma violence serait stigmatisée. Je le vois bien puisque les injures de Cahuzac me traitant de « clown » sont complaisamment mises sur le même plan que « Hollandréou » et « Cahusacandréou » dont tout le monde comprend pourtant qu’il s’agit d’une caractérisation politique. L’après débat est devenu un enjeu politique de réseaux d’influence. Elle ne concerne que de monde mais aucun enjeu ne doit être négligé par notre mouvement.

Cette leçon ne doit jamais être perdue de vue. Car c’est un effet constant. Vous souvenez vous de mon premier débat avec Marine Le Pen en février 2011 ? Elle venait d’être élue présidente du FN. Nous étions alors en pleine période de dédiabolisation de l’extrême droite, opération qui a pour corollaire ma propre diabolisation. Le journal « « Libération » s’était déjà illustré. On se souvient qu’il titrait récemment sur « Le Pen que tout le monde voudrait comme grand père » pour aider la campagne que préparait Marine Le Pen à Hénin-Beaumont en cas d’annulation de l’élection. A l’époque, en 2011, il avait déjà titré à mon sujet, peu avant ce débat avec Marine Le Pen, avec l’habituelle photo répulsive de moi : « l’homme qui veut faire perdre Strauss-Kahn ». On voit le cheminement qui sert à mettre en scène la thèse du vote utile en toute circonstance. Là, après le débat, le titre de « Libération » fut « match nul ». Terrible jeu de mots. Mais il remplissait sa fonction politique. Ce retour sur le passé ne me sert qu’à bien illustrer ce que charrient et impliquent des mots apparemment innocents comme « match » à propos d’un débat d’idées. Cela souligne une fois de plus que le système médiatique en tant que système est la deuxième peau du système politique dominant. C’est une arène et non un miroir. Plus d’une fois le système médiatique est le seul en lice face a nous et d’une façon générale comme protagoniste de la situation politique. Voyez aujourd’hui. Est-ce l’activité politique des socialistes ou de l’UMP qui fait la réalité ? Non, bien sûr, il n’y en a pas. Aucun thème de débat ne vient d’eux. D’eux ne sortent que des histoires qui ne concernent que leur fonctionnement. Pas leur idée. Cahuzac fait exception dans ce paysage vide. Voila pourquoi il fait relief.

Car Jérôme Cahuzac a marqué le point qu’il voulait atteindre en préemptant le terrain qu’il voulait s’approprier, contre vents et marées, quand bien même devait-il pour cela me céder en route des marqueurs de légitimité à gauche qu’aucun autre solférinien n’aurait lâché si peu que ce soit. Il s’est positionné comme la figure du social libéralisme assumé et cela modifie le paysage des forces socialistes. C’est pour cela que j’ai comparé ce débat au débat entre les deux gauches, entre Mitterrand et Rocard. Si Jérôme Cahuzac ressort blanchi de l’enquête préliminaire, il aura fait la démonstration dans son milieu qu’il fonctionne politiquement face à l’antipode que je suis et qui annonce la concurrence la domination social libérale. Il assume cette concurrence. Et surtout il montre qu’il vaut mieux que la plupart des autres prétendants au rôle, les Moscovici, Sapin, et ainsi de suite qui se sont tous défilés face a moi en décembre.

En ce sens, l’émission a permis que l’on découvre un « nouveau Cahuzac », candidat à être chef de file au PS. Ça c’est bon. Il était inéluctable, et sain à mes yeux, que soit assumée l’orientation qui dans les faits structure l’ère Hollande. Car c’est ce qui rend possible le débat. Nous y avons intérêt car c’est ce qui permet la compréhension de ce que nous sommes nous de notre côté. Sans cette mise en place du paysage, le choix à gauche est indiscernable. Sans repères stables et nets, impossible de s’orienter.

Sinon nous restons enfermés dans le jeu de rôle et la langue de bois des solfériniens. Ceux-là essaient de scotcher toute la gauche dans le paysage préfabriqué et stérile d’une alternative infernale : ou bien « nous », quoi que « nous » fassions, ou ne fassions pas, soit la droite et l’extrême droite. Dans ce monde-là il ne saurait y avoir jamais d’alternative à gauche. Par conséquent, pour eux, le Front de Gauche n’existe pas, du fait de l’insupportable Mélenchon et de son PG. Comme l’a dit Harlem Désir à propos de la composition son comité de liaison des commensaux du gouvernement : « en ce qui concerne le PC, la porte est ouverte ». Toute cette rhétorique repose sur un chantage qui tourne en rond sur des appels à l’unité qui sont en fait une injonction au silence dans les rangs et à la division du Front de Gauche. Sa force d’impact est évidente et d’ailleurs les solfériniens ne se privent pas de rappeler leur principal argument idéologique : les listes aux municipales et ce qui va avec. La schlague et les punitions à vocation éducative n’ont pas manqué ces temps derniers. Ainsi quand Pierre Cohen, maire de Toulouse, président de l’association des élus socialistes décide de retirer sa délégation à notre camarade Jean-Christophe Sellin pour s’être abstenu sur les recettes du budget de la ville. Cette façon de faire revenir plus vite à la niche tous ceux que l’air du large asphyxie a son impact. Ainsi quand le secrétaire aux relations extérieures de la rue de Solférino compare le PCF au Front National à propos de sa vidéo de vœux. Bref on trouve toujours des faibles ou des malins pour gémir, à chaque coup de fouet, et couiner leur refus de « faire le pari de l’échec », d’avoir « la posture du recours » et ainsi de suite dans l’art de payer sa cotisation d’entrée au club des gens dignes de la répartition des faveurs du maître. En vain. Le cœur du dispositif du Front de gauche a tenu dans les épreuves les plus compliquées et il tiendra encore. Qui en sort est mort. Les divergences ne font sortir personne du cadre du Front de gauche quand bien même les mouvements d’adhésion d’un parti vers l’autre se font en cas de divergences ou de convergences. Et ces mouvements sont utiles et féconds car ils facilitent une clarification de chaque composante, donc une meilleure cohésion du tout, comme on le dirait de pièces dont les formes en se précisant permettent l’effet tenon-mortaise.


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