Le NPA va-t-il choisir un isolement supplémentaire ?

samedi 29 décembre 2012.
 

La direction du NPA vient d’enregistrer les textes qui seront soumis au vote des militants pour son prochain congrès de février 2012. Une fois de plus dans sa courte histoire, les plateformes en présence sont nombreuses. Quatre, signe de la vitalité démocratique de ce parti, mais aussi d’une tendance continue à l’émiettement, tant les oppositions se sont encore durcies malgré le départ en juin dernier de la Gauche Anticapitaliste. Et là, c’est sur la nature même du NPA que s’approfondissent les clivages (donc pas seulement sur l’orientation des prochaines années), quatre textes contradictoires étant soumis au vote sur cette caractérisation décisive. Alors que le congrès fondateur de 2009 avait adopté une charte unique (« principes fondateurs »).

On ne peut malheureusement pas exclure que les secteurs archaïques et sectaires ne prennent cette fois-ci définitivement le dessus. Ceci conduirait à la mort d’un positionnement qui s’est toujours réclamé d’un marxisme révolutionnaire ouvert. Et ouvert en particulier à la fois aux nouveaux mouvements sociaux et à un retour critique sans concession sur la chronique du communisme réel. Alors ce serait un chapitre d’un demi-siècle d’histoire de la gauche révolutionnaire qui prendrait fin, dans ce parti tout du moins.

Même si ce basculement radical était heureusement écarté, on peut pourtant être inquiet à la lecture de ce qui est proposé par les secteurs qui étaient majoritaires jusqu’à maintenant. Signe de la pression des options sectaires qu’il faudrait contenir ? Olivier Besancenot, cet été, semblait pourtant pencher pour une ouverture affirmée. Certainement pas en vue de rejoindre le Front de Gauche, comme on l’a bien compris. Mais il appelait, dans son livre « On a voté, et puis après ? » (au Cherche Midi), à gagner la « course de vitesse entre l’extrême droite et la gauche de la gauche ». Et à la constitution, de la base au sommet, « d’un front social et politique ». Car disait-il « À gauche aussi, les lignes vont évoluer et les recompositions s’amorcer ». Avec une conclusion d’une parfaite netteté : « Mais si, au final, le FdG, ou une partie significative, en son sein, choisit l’indépendance vis-à-vis de la majorité présidentielle, pour donner un sens à sa non-participation gouvernementale, ce sera une bonne nouvelle et un point d’appui [...] » De plus : « À travers cette alliance sociale et politique, de nouvelles forces anticapitalistes pourraient se fédérer en son sein, au delà des traditions [...] ». Dont acte, pas assez « indépendant » le FG d’après lui. Mais l’avenir semblait ouvert, envisagé avec un certain optimisme et une réelle espérance de regroupement.

Or il ne subsiste aucune trace de la possibilité même d’envisager un « front social et politique » pérenne dans les documents soumis maintenant au vote du NPA. Lors de sa fondation, le NPA faisait de l’opposition effective à la politique sociale-libérale (et donc de l’indépendance vis à vis de sa cheville ouvrière, le PS) la condition d’une alliance possible qu’il appelait de ses vœux. C’est à ce critère que fait encore référence Besancenot dans son livre. Mais, si on lit les textes actuels, même si « l’opposition de gauche » pour laquelle milite le NPA était l’option finalement choisie par le FG, cela ne serait pas suffisant pour un rassemblement. Et si ce critère a désormais disparu, c’est parce qu’il est remplacé par des formules utilisées plusieurs décennies en arrière, opposant « les réformistes » et « les révolutionnaires ». Ainsi la nouvelle déclaration de principes défendue entre autres par l’ancienne majorité (parce que, dit ce texte, la déclaration adoptée à la création du NPA a donné lieu à « des interprétations différentes ») coule dans le marbre la position suivante : « Nous réaffirmons la nécessité de construire un parti anticapitaliste indépendant des réformistes. Non par sectarisme, mais parce que nous avons des objectifs politiques et stratégiques différents, qui ont des conséquences très concrètes sur notre pratique militante. Le Front de gauche, qui prône le changement « par les urnes », ne porte pas une perspective anticapitaliste, il ramène la combativité dans le giron institutionnel et ne défend ni la convergence des luttes, ni leur auto-organisation. » Difficile d’imaginer analyse plus figée. La volonté qui suit de « construire un parti qui soit un creuset où puissent cohabiter des traditions différentes » se limite alors, logiquement, aux fractions de l’extrême gauche traditionnelle.

Il est vrai que, légitimement, font débat au sein de la gauche radicale à la fois le contenu des ruptures nécessaires et la forme qu’elles prendraient. Mais que ce débat puisse se laisser ramener au type de confrontations du passé, alors que le stalinisme s’est effondré, que la mutation social-libérale a fait son œuvre dans la social-démocratie, que la nature même de ce que serait une option révolutionnaire fait l’objet d’une nécessaire refondation, voilà une réelle régression potentielle. Après 1989 et la crise des options communistes confirmée par les conditions de la chute du Mur, la LCR avait fait sienne une formule : « nouvelle période, nouveau programme, nouveau parti », reprise par le NPA, et qui appelait à rebattre toutes ces cartes. Ces portes ouvertes sur le futur semblent apparemment closes désormais, quand seule compte une sélection bien particulière des critères anciens. En refermant ces portes, on élimine aussi en pratique l’idée même du rassemblement des anticapitalistes eux-mêmes, pourtant à la source du projet NPA en 2009. Au final, il n’y a en fait plus rien dans les plateformes soumises au vote qui indiquerait avec qui ce rassemblement anticapitaliste devrait s’envisager et selon quelles modalités. Comme si le NPA se considérait désormais comme seul dépositaire de cet espoir. Les portes sont fermées, les fenêtres aussi ?

Étant donnés les enjeux de la crise capitaliste en cours, le texte proposé au vote par la majorité sortante semble toutefois hésiter quand même. En particulier par la prise de conscience de la nécessité de doter les luttes de résistance d’un horizon proprement politique. D’une manière très positive, le texte déclare : « Nous nous adressons à toutes les organisations du mouvement ouvrier qui ne participent pas au gouvernement pour, ensemble, agir dans ce sens en posant la question de l’alternative politique nécessaire pour sortir de la crise, un gouvernement contre l’austérité qui ne peut venir d’accords parlementaires en dehors d’un rapport de force imposé par les luttes ». Perspective indispensable, mais qui ne peut pas rester en l’air : les « organisations qui ne participent pas au gouvernement » ce sont pour l’heure essentiellement celles du FG, non ? Un tel gouvernement contre l’austérité ne devrait-il pas se faire avec elles, si elles se conforment à ce que souhaite le NPA ? Et avec d’autres qui y viendraient ? Sinon, avec qui ? Le texte s’arrête à ce point, refusant manifestement d’envisager l’idée même d’une telle alliance explicite, pourtant conséquence directe de sa propre manière d’envisager la question.

Comme disait la grand-mère de Martine Aubry, s’il y a un flou, c’est qu’il y a un loup. Ce qu’on peut confirmer en allant regarder ce qui est dit pour le reste des forces de la gauche radicale en Europe, puisque après avoir cherché au cours des débats préparatoires des formules de « soutien sous conditions » à Syriza en Grèce, on a maintenant des « conditions sans soutien ». Et même une bonne dose de distance. Il est reconnu (comment faire autrement ?) que c’est « Syriza que les travailleurs de ce pays chargent de réaliser leurs aspirations ». Sauf qu’il faudrait en Grèce une « politique radicale », et que « tel n’est pas le programme de Syriza à ce stade »…

Même dans les conditions de la Grèce, un rassemblement du type Syriza ne peut donc s’envisager. On comprend alors que pour la France, ce soit encore plus exclu, quelles que soient en fait les évolutions possibles des uns et des autres.

C’est d’autant plus à déplorer que l’analyse globale qui ressort des textes en débat (souvent aussi désormais dans les secteurs résolument sectaires) conduit à un constat assez réaliste : « On ne distingue nulle part de développement significatif du mouvement ouvrier organisé, sous quelque forme que ce soit. ». Il devrait pour le moins en résulter une recherche acharnée de rassemblement des capacités de résistance sociale et politique. Mais paradoxalement ce n’est pas la voie qui semble choisie.

Le débat va se dérouler sur plusieurs semaines et on peut espérer que se produise une prise de conscience de l’impasse que représente le choix de l’isolement renforcé. Isolement qui signifierait la stérilisation des engagements militants très vivaces qui sont ceux du NPA, présents dans toutes les luttes de ces derniers mois, du rejet du TSCG à celles contre les licenciements, contre le racisme, en passant par la résistance à Notre-Dame-des-Landes. La popularité toujours importante de son leader le plus connu, Olivier Besancenot, et le savoir-faire de ses militant-e-s seraient alors eux mêmes stérilisés. Pourtant un nécessaire « front social et politique » de la gauche de la gauche est plus nécessaire que jamais, et il y manquerait malheureusement le NPA. C’est d’autant plus dommage que dans l’attelage parfois chaotique du FG (rejoint depuis leur congrès par les Alternatifs, point très positif à souligner) il ne manque pas de forces pour relayer dès aujourd’hui les volontés unitaires, même limitées, qui pourraient se faire jour au NPA.

Samy Johsua, militant de la Gauche Anticapitaliste, mais cet article n’engage que l’auteur


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